Le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH) a publié, lundi, les conclusions préliminaires relatives à l'observation des procès de Soulaimane Raissouni, l'ex-rédacteur en chef du journal «Akhbar Al Yaoum» et le journaliste, Omar Radi, dont voici les points les plus saillants. Le CDNH précise d'emblée qu'il a procédé, conformément à l'article 6 de la loi réorganisant le CNDH, à 10 visites aux détenus Soulaimane Raissouni et Omar Radi, dont celle effectuée à l'ex-rédacteur en chef du journal «Akhbar Al Yaoum», le 27 juin de cette année, par une délégation du Conseil qui avait conclu à un état de santé très stable du détenu. Le même rapport précise que la dernière visite a été faite par une équipe de la CRDH en date du 3 Août de la même année, date à partir de laquelle le détenu Souleiman Raissouni a déclaré «avoir décidé d'interrompre sa grève de la faim» et «a mis terme à son refus d'adhérer à la prise en charge médicale indiquée dans un contexte de diminution drastique de ses apports», ajoute le CNDH, précisant qu'à l'heure de la publication de son rapport, Raissouni avait bénéficié, «en date du 7 août 2021, des analyses médicales et des examens à l'hôpital, semblant être extrêmement rassurants».
Cela dit, et en attendant de présenter ses conclusions définitives après publication des jugements et aboutissement des affaires, le CNDH avance que : * La condition de publicité des procès a été respectée ; * Les procédures d'arrestation étaient conformes à la loi et à la procédure pénale ; * Les défenses des deux accusés ont requis un procès en présentiel, demandes acceptées par les juges ; * Un délai raisonnable a été respecté pour les deux procès ; * Les accusés ont été informés des accusations portées contre chacun d'eux, ils ont eu accès à l'avocat de leur choix, et ont pu disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense, avec l'octroi de nombreux reports pour la préparation des procès, conformément à la demande de leurs défenses respectives. Pour ce qui est des observations préliminaires sur le déroulement du procès de Souleiman Raissouni, le CNDH indique que : * L'accusé a assisté aux sept premières séances de son procès, la dernière datant du 15/06/2021. Il s'est abstenu de comparaître au reste de son procès à partir de cette date, justifiant cette absence par son état de santé. Le Tribunal, jugeant les motifs de non-comparution de l'accusé comme illégitimes, a procédé à la poursuite du procès en présence de la défense seulement et en l'absence du prévenu et après avertissement de ce dernier, comme il a été dressé dans le procès-verbal de la police judiciaire examiné par le CNDH, et conformément à l'article 423 du Code de la Procédure Pénale ; * La défense a annoncé son retrait de l'audience après la décision du Tribunal de poursuivre le procès en l'absence non justifiée de l'accusé. Suite à cette décision, le juge a ordonné au Bâtonnier de faire bénéficier l'accusé, dans le cadre de la procédure d'assistance judiciaire, d'un avocat de son choix, comme a pu le vérifier le CNDH. Le Bâtonnier a désigné Trois avocats, mais la défense du prévenu a annoncé n'avoir pas retiré son soutien au prévenu et qu'elle le représentait toujours. il n'y avait donc pas motif de le faire bénéficier de l'assistance judiciaire. Ce retrait n'ayant aucun effet juridique au regard de la loi réglementant la profession d'avocat, le Tribunal a décidé de poursuivre l'audience ; * Le Tribunal a maintenu sa décision de poursuivre le procès en l'absence de l'accusé, malgré la demande de la défense, conformément aux articles 443 et 446 du Code de la Procédure Pénale ; * Le prévenu n'a pas été convoqué pour les audiences ultérieures, le Tribunal ayant réitéré sa décision portant sur l'article 423 du Code de la procédure pénale. Conformément aux dispositions de ce dernier, le prévenu a été maintenu au courant, depuis sa cellule, du contenu du procès-verbal de chaque audience par un greffier ; * Une expertise a été ordonnée par le juge d'instruction sur l'enregistrement présenté par le plaignant, à la suite de laquelle l'enregistrement a été inséré dans le dossier ; * En date du 09/07/2021, le Tribunal a ordonné au prévenu sa comparution pour assister au prononcé du jugement, comme a pu le vérifier le CNDH. Face à son refus, le jugement a été prononcé en son absence et en présence de sa défense ; un greffier s'étant déplacé par la suite afin de l'informer du verdict.
S'agissant du procès de Omar Radi, le CNDH indique que : * Les moyens de la défense portant sur les vices de forme ont soulevé la question de la non-signature des procès-verbaux lors de l'audition des prévenus par la Gendarmerie Royale, ce à quoi le Parquet a répondu que cette dernière était soumise à une procédure propre, conformément au Dahir Royal 1.57.280, qui prévoit l'inclusion des déclarations de toute personne auditionnée dans un « Registre des Déclarations », lequel, lui, comprend les signatures des personnes entendues. Le contenu des déclarations figurant dans ledit Registre n'a pas été contesté par la défense ; * La défense a demandé la comparution de témoins interrogés précédemment par le juge d'instruction. Le Tribunal a rejeté cette demande, faisant valoir la jurisprudence de la Cour de Cassation selon laquelle il n'y a pas obligation de de rappeler des témoins ayant déjà comparu et prêté serment devant le juge d'instruction (décision 283 du dossier 19016/99 en date de 03/02/2000 de la Cour de Cassation) ; * Bien que la plaignante ait été immédiatement entendue par le Procureur Général après son dépôt de plainte, il n'y a pas eu de demande d'examen afin de s'assurer et de documenter son état de santé ; * Deux audiences ont été tenues à huit-clos conformément à la demande de la partie civile. Quoique les deux procès, ayant fait objet d'observation, se soient déroulés conformément à la loi et à l'article 110 de la Constitution selon lequel: « Les magistrats du siège ne sont astreints qu'à la seule application du droit. Les décisions de justice sont rendues sur le seul fondement de l'application impartiale de la loi », le CNDH conclue, à la lumière des observations préliminaires susmentionnées, qu'il subsiste des éléments qui interpellent dans le déroulé de ces deux procès, lesquels éléments ne sont ni spécifiques ni propres à ces deux affaires, mais résultent d'une insuffisance et d'une carence de la loi, notamment de la loi sur la procédure pénale, par rapport aux normes internationales. Ces deux affaires ne représentant, selon la même source, que deux études de cas sur l'inadéquation entre certaines des dispositions de ladite loi et les dispositions constitutionnelles et internationales en matière de procès équitable, notamment l'article 120 de la Constitution du Royaume et l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l'alinéa e) stipule que l'accusé a le droit « d'interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ». Le CNDH rappelle qu'il est recommandé, selon les normes internationales en la matière, de se référer dans certaines circonstances aux déclarations faites devant le Tribunal, en sus des déclarations faites lors de l'étape de l'enquête, afin d'encourager les dépositions de témoins devant le tribunal en audience publique. Le CNDH insiste également sur le fait que la prise en charge judiciaire des victimes de crimes et délits sexuels comprend leur prise en charge médicale et psychologique, conformément à l'article 117 de la Constitution du Royaume, selon lequel : « Le juge est en charge de la protection des droits et libertés et de la sécurité judiciaire des personnes et des groupes, ainsi que de l'application de la loi ».
Le Conseil souligne également qu'il a assuré le suivi des conditions de détention des deux détenus, notant qu'il est intervenu afin de faciliter la prise en charge appropriée des détenus, tout en assurant les liens de communication avec leurs familles. Le CNDH assure qu'il a procédé que recoupement et à la vérification des informations collectées et recueillies pas ses équipes, et en s'appuyant sur les procès-verbaux des séances, éditées par le greffier, ainsi que les décisions rendues par le Tribunal dans la salle, en sus des procès-verbaux rédigés par le greffier et la police judicaire et remis à la direction de l'établissement pénitentiaire.