Trois mois après le cataclysme de l'affaire Brahim Ghali, le silence froid entre le Maroc et l'Espagne persiste, le limogeage de l'ex-ministre des Affaires étrangères Arancha Gonzales Laya n'ayant visiblement pas suffi à désamorcer une crise où le Royaume a clairement signifié qu'il ne tolère plus le double discours du voisin ibérique sur la question du Sahara. Rabat veut du concret et non plus que des paroles, aussi bienveillantes soientelles, comme celles du nouveau locataire du Palacio de Santa Cruz, José Manuel Albares. Bien que ce dernier ait tenté de rassurer le Royaume dès sa première prise de parole officielle, en le désignant, avec ferveur, comme « Grand Ami », le Maroc demeure impassible. Malgré tout, nous restons loin de la rupture totale. La solution à atteindre, aussi complexe soit-elle, serait aujourd'hui négociée au Maroc, là où se trouve l'ambassadrice Karima Benayaïch, après son rappel de Madrid. Celle-ci serait, selon El Pais, en contact discret avec des officiels espagnols en vue de reprendre le dialogue. Très irrité par le coup de poignard de Madrid, Rabat ne veut plus de dialogue superficiel et exige de remédier aux causes du problème et non plus à ses symptômes. Ce qui appelle une position claire de Madrid sur le dossier du Sahara. S'il est vrai que ce dossier ne constitue qu'un parmi beaucoup d'autres points d'achoppement des diverses crises qui opposent fréquemment les deux Royaumes, dont on citera le litige autour des villes et îlots marocains occupés par l'Espagne, sans oublier la récente délimitation des eaux territoriales du Sahara marocain, il n'en demeure pas moins que la reconnaissance américaine de la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara constitue le noeud gordien de l'actuelle brouille. Par conséquent, tout retour de confiance demeure tributaire d'un dialogue franc sur ce sujet. Chose dont le gouvernement espagnol semble aujourd'hui conscient, à en croire les sources d'El Pais, selon lesquelles Madrid veut tout mettre sur la table, y compris la fermeture de Sebta et Mellilia. Aussi résolu et bienveillant qu'il est ou qu'il semble vouloir le montrer, José Manuel Albares a donc du pain sur la planche et sa mission s'annonce des plus tortueuses. En témoigne le report de sa visite au Maroc qui était censée être sa première sortie officielle à l'international. Il n'empêche que l'espoir d'une réconciliation reste des plus plausibles, tant la fatalité géographique et les intérêts mutuels qu'elle sous-tend l'exigent.