Deux ministres des affaires étrangères ont été dépouillés de leurs postes en moins d'une semaine : l'Espagnole Arancha González Laya et l'Algérien Sabri Boukadoum, fauteurs secrets de toutes les agitations hostiles à Rabat. C'est un courant anti-marocain qui s'est trouvée en réalité être le grand vaincu de ces changements. Cette semaine a été, dans les annales diplomatiques, une de ces époques que l'histoire est appelée à recueillir à plus d'un titre. Fin de partie de deux ministres éphémères, Arancha González Laya et Sabri Boukadoum, dont les échecs, les empiétements, les fissures, les manœuvres ont fini par leur coûter leurs postes. Ils avaient en commun une langue féconde en sous-entendus, habile à décorer d'un beau nom les procédés les moins recommandables, les arrangements douteux, le penchant de traiter les intérêts les plus graves d'une main légère, et l'esprit d'intrigue antimarocain. Sabri Boukadoum : le Maroc, une obsession C'était un lieu commun de dire, au lendemain de la démission d'Abdelaziz Bouteflika, que les institutions algériennes seraient radicalement incapables de procurer au pays les deux instruments indispensables à la restauration de son poids d'antan, à savoir une crédibilité et une diplomatie. L'Algérie s'est dotée, le 7 juillet, d'un nouveau gouvernement sans changement des portefeuilles régaliens à l'exception des affaires étrangères et de la justice, selon un communiqué officiel. Aux affaires étrangères, Sabri Boukadoum a été remplacé par l'ex-diplomate Ramtane Lamamra, déjà chargé de la politique extérieure sous Abdelaziz Bouteflika (lequel avait été pressenti en avril 2020 pour être l'envoyé spécial des Nations unies en Libye, mais son nom a été rejeté en raison de l'opposition de certains pays arabes). La lente déchéance de Sabri Boukadoum a commencé le 13 novembre 2020, après l'opération de l'armée marocaine dans une zone-tampon de l'extrême sud du Sahara pour rétablir le trafic routier sur la seule route menant à la Mauritanie, au niveau du poste-frontière de Guerguerat. La molle réaction algérienne a été attribuée à Boukadoum jugé incapable de cerner la réalité des faits et de prouver que la diplomatie algérienne, incapable de s'arracher à l'influence corrosive des ferments de dissociation nationale. Le 10 décembre 2020, Donald Trump a annoncé la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le territoire du Sahara par les Etats-Unis. Cette décision est tombée quelques semaines après l'ouverture de quelques consultants à Dakhla et Laâyoune et la prouesse marocaine à Guerguerat. Accusé de mener «une politique dénuée de prévision et de possibilité», Sabri Boukadoum avait «comprimé tout développement diplomatique algérien en se plaçant dans des relations hostiles avec le Maroc» dit une source consultée par Barlamane.com. Signe de l'échec diplomatique, l'armée algérienne a procédé début décembre à d'importantes manœuvres aéro-terrestres à Tindouf (sud), province frontalière du Sahara marocain en guise de maigre dédommagement. En janvier, le secrétaire d'Etat américain adjoint pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, David Schenker, accompagné de hauts responsables de l'US Air Force, la branche aérienne des Forces armées des Etats-Unis, s'est trouvé à Alger pour une visite axée sur la situation au Maghreb, dans le cadre d'une tournée régionale. Par aveuglement ou par entêtement, il a cherché à arracher de son hôte une déclaration en défaveur du Maroc, en vain. La politique extérieure algérienne se réduisait en somme à une certaine tradition diplomatique à peu près invariable sur certains points et presque systématiquement exclusive; qui refusait de se dégager des vieilles routines, à tenir compte des analogies de tendances et d'institutions. Coup de grâce, l'Algérie épinglée par une résolution adoptée par le Parlement européen (PE) «sur la situation des libertés» dans le pays, dénoncée comme une «immixtion flagrante dans ses affaires internes». Dans une résolution adoptée à main levée début 2021, les eurodéputés ont «condamné vivement» les «arrestations arbitraires», incarcérations et «répression» de journalistes, militants et manifestants en Algérie, théâtre depuis février de la renaissance du mouvement de contestation populaire. Les eurodéputés ont demandé «qu'une solution soit trouvée» à la crise actuelle, «à travers un processus politique pacifique et ouvert», alors que les contestataires algériens, qui envahissaient les rues, sont réprimés par un pouvoir dont ils exigent le départ. Dans sa résolution, le Parlement européen avait redemandé au gouvernement algérien de réviser une loi sur les réunions et manifestations, adoptée en 1991 alors que l'état de siège était en vigueur en Algérie. Cet événement a apporté la démonstration éclatante que l'édifice d'alliances et d'ententes sur lequel l'Algérie a pu étayer sa force présumée a été une improvisation de la dernière heure ; les pièces en ont été équarries, assemblées, ajustées à la hâte, à la faveur d'une coïncidence accidentelle. Arancha González Laya ou la manie de jouer les trouble-fêtes Le premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez a remanié samedi 10 juillet son gouvernement. Lors d'une brève allocution au palais de la Moncloa, siège du gouvernement, il a notamment annoncé le départ la ministre des Affaires étrangères, Arancha González Laya, remplacée par l'actuel ambassadeur d'Espagne à Paris, José Manuel Albares. Arancha González Laya a été vertement critiquée par le Nicaragua après ses déclarations contre le Tribunal électoral, composé d'une majorité de magistrats favorables au gouvernement de Daniel Ortega. L'hospitalisation en avril en Espagne du chef du Polisario, Brahim Ghali, pour des complications liées à la Covid-19 avait déclenché une crise diplomatique majeure entre Madrid et Rabat. Pour beaucoup, Arancha González Laya a été l'âme de toutes les combinaisons qui ont émaillé cette opération, au moment où Rabat demandait avec insistance une enquête «transparente» sur les conditions d'arrivée en Espagne du chef indépendantiste qui a, selon les services diplomatiques marocaines, voyagé de façon «frauduleuse», «avec un passeport falsifié». La crise «ne peut pas se résoudre avec la seule audition» du chef du Polisario, les attentes du Maroc «commencent par une clarification, sans ambiguïté par l'Espagne de ses choix, de ses décisions et de ses positions», a indiqué le premier communiqué de la diplomatie marocaine fin mai. Brahim Ghali a été entendu début juin en visioconférence depuis l'hôpital de Logroño par un juge du haut tribunal madrilène de l'Audience nationale car il est visé par deux plaintes en Espagne. La première pour «arrestation illégale, tortures et crimes contre l'humanité» et la seconde pour «génocide», «assassinat», «terrorisme», «tortures» ou «disparitions», commis là encore dans les camps de Tindouf. Triste fin pour deux responsables politiques qui considèrent les relations diplomatiques à travers l'œil-de-bœuf, qui ont mal saisi les véritables proportions des événements ; qui ont joué, par bravade, avec le feu, quitte à se faire sauter eux-mêmes et toute leur carrière. Clairement, leur passage à la tête de la diplomatie espagnole et algérienne ne fera pas école permanente de politique extérieure.