« L'actuelle hausse mondiale sans précédent du coût du fret n'est rien d'autre que le résultat de la loi de l'offre et de la demande », met au net le président de l'Association Professionnelle des Agents Maritimes (APRAM). - Récemment, le microcosme médiatique marocain a véhiculé un certain nombre d'informations sur le transport maritime et son impact sur l'économie marocaine. En tant que président d'une grande association professionnelle marocaine et d'une fédération internationale, que pourriez-vous nous dire sur ce débat ? - Etant un homme de terrain, j'aime triturer les chiffres et parler de faits vérifiables. Nul besoin de m'étaler sur l'année 2020. J'aime à dire que c'était une "annus horribilis" pour le monde entier. Les difficultés étaient mondiales et les répercussions aussi. Même les pays qui ont été épargnés et qui n'étaient pas confinés étaient bloqués. La communauté des agents maritimes était à la première loge pour témoigner de ces difficultés, puisque nous étions au front-line avec les autres opérateurs portuaires. Notre position en première ligne nous permet aussi de constater les prémices de la reprise. Ce n'est pas une vue d'esprit, mais une réalité. - Quel est l'impact de la reprise économique en Occident sur l'économie marocaine ? Est-ce qu'il y a vraiment un effet d'entraînement sur le Maroc ? - Sur un plan purement économique, l'actuelle hausse mondiale sans précédent du coût du fret, qui n'a épargné aucun pays et aucun secteur, n'est rien d'autre que le résultat de la loi de l'offre et de la demande. Un principe de base en économie veut que lorsque la demande augmente, les prix augmentent aussi. Quand c'est l'offre qui augmente, les prix baissent. Un autre facteur a aussi joué en faveur de l'augmentation des coûts des frets. Les mesures de confinement à travers le monde ont aussi impacté l'activité de certains ports, où les conteneurs vides n'ont pu être réexportés provoquant, ainsi, une rareté sans précédent de conteneurs dans l'«usine du monde», la Chine. Je conclus en disant que c'est la loi de l'offre et de la demande et une conjoncture exceptionnelle dans certains ports qui expliquent la récente hausse des coûts du fret. Sachant que le coût du fret maritime n'a pas augmenté sur une longue période, car tiré vers la baisse par la conteneurisation. - Quels sont, selon vous, les indicateurs maritimes et portuaires de cette reprise sur le Maroc ? - Le Maroc a, comme tous les pays, pâti des conséquences de la pandémie. Tous les secteurs exportateurs ont été touchés. Le tourisme a subi de plein fouet l'arrêt d'activité. L'Etat marocain a fait le nécessaire. Les opérateurs économiques ont, eux aussi, eu un comportement résilient. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), le Maroc a enregistré, en 2020, la plus grande contraction de son économie depuis 25 ans, chiffrée à 7,2%. Or, comme partout dans le monde, les contours de la reprise économique au Maroc commencent à se préciser, aussi. Pour preuve : les investisseurs internationaux ont répondu favorablement à toutes les demandes de financement et d'emprunt émises par le Maroc. Cette confiance des investisseurs a des explications purement économiques. Le Maroc représente d'importantes garanties de solvabilité. Quand une entreprise présente une demande de crédit, l'entreprise calcule son cash flow. Sa capacité à pouvoir dégager des fonds pour rembourser ses dettes. Donc, en paraphrasant, le Maroc présente des garanties de remboursement. Ces garanties sont de source endogène et exogène. Voulez-vous une autre preuve de la résilience ? Dans son dernier rapport, le FMI a souligné la résilience de l'économie marocaine. Je veux pour preuve la hausse des échanges commerciaux extérieurs du Maroc qui ont enregistré une hausse des exportations de 12,7% et des importations de 2,6%. Cette performance a permis l'allégement du déficit commercial de 11,2%. C'est durant cette année exceptionnelle que le Maroc a pu réaliser un rêve et une obligation de toutes les instances financières internationales : faire baisser le déficit commercial. Autre indicateur au vert : des secteurs très importants pour l'économie marocaine ont enregistré d'importantes hausses. La campagne céréalière va tripler cette année. Elle augmentera de 206%, avec un tonnage de 98 millions de quintaux, selon le ministère de l'Agriculture. Les ventes de ciment, principal baromètre du secteur des BTP, ont, elles aussi, enregistré une hausse de 111% par rapport à 2020. Dans notre domaine d'activité, les chiffres sont, aussi, à la hausse et se passent de tout commentaire. Le trafic deTanger Med a enregistré, au terme du premier trimestre 2021, une croissance historique du fret conteneurisé de 35%. Un record !!! Pareillement, à fin avril 2021, tous les ports de commerce gérés par l'Agence Nationale des Ports (ANP) ont enregistré, eux aussi, une hausse du trafic global de 5,1%. Un autre aspect de la résilience de l'économie marocaine : les projets portuairessont maintenus. En dépit de la pandémie, le Maroc a maintenu tous les grands projets portuaires. Nous sommes, en tant qu'association professionnelle des agents maritimes, heureux et fiers d'apprendre que c'est un consortium marocain qui a remporté le marché de construction du futur méga-port de Dakhla Atlantique. Ce port viendra renforcer le réseau de complexes industrialo-portuaires composé de Tranger Med, Nador West Med et Kénitra Atlantique. - Comment se portent les exportations et les importations à l'ombre de l'épidémie ? - Le commerce extérieur marocain va bien. D'après le dernier bulletin de l'Office de change publié au 31 mars 2021, le taux de couverture des importations par les exportations s'améliore. A fin mars 2021, les importations ont totalisé 122,4 MMDH, soit une hausse de 2,6%. Cette hausse est induite par celle des produits finis de consommation (+3,2 MMDH), des produits alimentaires (+1,8 MMDH) et des produits bruts (+930 MDH). D'autres postes d'importations ont enregistré des baisses, comme les produits énergétiques, à cause de la baisse des cours du pétrole, et les biens d'équipement, à cause de la promotion et de l'encouragement de l'industrie de substitution. La hausse des exportations est soutenue par les ventes de l'automobile avec une hausse de 38,9%, celles de phosphates et dérivés ex aequo avec celles de l'électronique et électricité avec 21%.Les transferts de fonds des Marocains Résidents à l'Etranger ont enregistré une excellente performance avec une hausse de 41,8%. Les plus grandes performances ont été enregistrées par les exportations des services : les recettes de voyages affichent toujours une baisse de 70%, suivie par la baisse des ventes de l'aéronautique (-17,3%) et du textile et cuir (-5,5%). - Le transport maritime a connu d'importants développements ces dernières années. Quelle est la part du fret maritime dans le coût de revient des marchandises transportées ? - Je vous remercie pour votre question. C'est un point extrêmement important qu'il faut bien souligner, car nous en parlons très rarement. Depuis une cinquantaine d'années, la part du coût du fret maritime dans le coût de revient des produits transportés n'a cessé de baisser. Cette baisse est le fruit direct de la conteneurisation. Il y a une dizaine d'années, la massification de fret conteneurisé a permis de réduire encore davantage le coût du fret maritime. Aujourd'hui, les transporteurs maritimes, qui desservent le Maroc grâce à ses plateformes portuaires, utilisent des porte-conteneurs pouvant transporter jusqu'à 20.000 conteneurs en un seul voyage. Le coût unitaire du fret maritime est devenu dérisoire. C'est une information capitale que le consommateur doit connaître. Il est temps de le souligner. Dans une récente sortie médiatique, John Butler, président de World Shipping Council, l'association mondiale des transporteurs maritimes, explique que "la part du maritime se situe entre 0,5 à 1,5% du coût de revient", confie-t-il au journal «Les Echos week-end». Dit autrement, le coût du transport maritime dans le prix d'une basket ou d'un T-shirt est très insignifiant. Le gigantisme des porte-conteneurs profite au consommateur final.