Alors que les échéances électorales approchent à grands pas, la coordination entre le Parti de l'Istiqlal (PI), le Parti du Progrès et du socialisme (PPS) et le Parti Authenticité et Modernité (PAM), est en voie de raffermissement. À quelques mois du scrutin législatif, l'un des plus décisifs dans l'Histoire du pays, les trois partis de l'Opposition parlementaire (l'Istiqlal, le PPS et le PAM) multiplient les apparitions communes en vue de se prononcer sur les sujets relatifs aux prochaines élections et éclaircir leurs positions sur les défis de la présente conjoncture. Les Secrétaires Généraux des trois partis (Nizar Baraka, Mohammed Nabil Benabdellah et Abdellatif Ouahbi) ont tenu, lundi, au siège du PPS à Rabat, une conférence de presse conjointe. Une occasion de mettre en exergue les défis que présente le nouveau modèle de développement et de se prononcer sur le futur de la politique dans notre pays à la lumière des transformations profondes qu'il connaît actuellement. Cette rencontre était également l'occasion élucider les contours du prochain échiquier politique, qui risque de changer complétement de configuration avec la perspective d'une alternance démocratique au contour toujours indéfini. Quid de l'alliance électorale ? Une simple coordination de l'Opposition ou une potentielle alliance électorale ? Une question qui effleure les esprits des observateurs politiques depuis plus d'un an, depuis que l'Istiqlal, le PAM et le PPS ont décidé de fédérer leurs actions, dans le cadre de l'opposition parlementaire. Dépôt du mémorandum commun sur la réforme électorale, présentation des amendements sur plusieurs lois au Parlement...sont autant d'indices qui laissent croire qu'il existe assez d'affinités entre les trois formations politiques, qui mener vers la formation d'un front commun dans la bataille électorale. La conférence de presse a été l'occasion à tirer les choses au clair, surtout que les spéculations médiatiques vont bon train. Pour Abdellatif Ouahbi, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une future alliance, il l'a même déclaré solennellement et avec ardeur. « Je dis à mon ami Nizar que c'est une alliance et je pense que cette alliance doit aller au-delà des élections », a-t-il déclaré, en fixant Nizar Baraka du regard, sur un ton conciliateur. Abdellatif Ouahbi est allé même jusqu'à affirmer ne pas pouvoir imaginer un gouvernement où son parti soit représenté sans l'Istiqlal et le PPS. Outre cela, il s'est évertué à se livrer dans un exercice d'hypothèses, en s'engageant, au cas où son parti gagne les élections, de former une alliance de la majorité de façon tripartite. C'est-à-dire négocier avec les autres partis en concertation avec l'Istiqlal et le PPS. « Nous irons ensemble dans les négociations », a-t-il promis. Pour sa part, le Secrétaire Général du PPS Nabil Benabdellah n'a pas caché son enthousiasme pour une alliance tripartite, au moment où la perspective de toute alliance entre les partis de gauche est quasi-morte. « On ne peut pas construire l'avenir avec des partis autres que l'Istiqlal, qui est notre allié historique, et le PAM », a-t-il déclaré, appelant à rester pragmatique. De son côté, le Secrétaire Général du Parti de l'Istiqlal Nizar Baraka est resté constant par rapport aux fondamentaux du parti qu'il dirige en affirmant haut et fort que ce genre de coordination pré-électorales ne peuvent muer en véritables alliances que s'il y a une convergence des vues au niveau des programmes, qui ne peuvent être du point de vue de l'Istiqlal et surtout pas d'obédience libérale. Selon lui, il est encore tôt de parler d'alliance électorale, tant que les programmes des trois partis ne sont pas encore annoncés. M. Baraka conditionne toute alliance par une convergence des vues sur le plan programmatique. Tout programme libéral, qui va à l'encontre de la redistribution des richesses, à la régulation du marché et au partage des fruits de la croissance, est à écarter, selon le leader de l'Istiqlal, qui pense qu'il est temps de rompre avec l'ultralibéralisme ayant présidé aux politiques publiques ces dernières années. À entendre Nizar Baraka, il est clair que le chef du parti de la Balance ne veut pas s'aventurer dans des promesses précoces et des annonces pré-électorales précipitées, de peur de ne pas pouvoir les tenir. « Je veux être clair, je ne veux pas tenir une promesse que je ne suis pas sûr de pouvoir respecter », a-t-il mis au clair, tout en rappelant les souvenirs de l'épisode de la formation du gouvernement Abdelilah Benkirane, en 2011, où les trois partis de la Koutla (Istiqlal, PPS et USFP) de l'époque se sont engagés à former une coalition tripartite, soit à l'opposition, soit au sein de la majorité. Sauf que cet engagement n'a pas été respecté, vu que l'USFP s'est positionné à l'opposition, contre l'avis des deux partis qui ont décidé finalement de rejoindre l'équipe d'Abdelilah Benkirane. Ceci dit, il est préférable d'éviter ce genre de scénarios qui prêtent à la confusion, aux yeux de Nizar Baraka, qui, paraît-il, ne veut pas, jusqu'à présent, se rassembler dans la confusion. Pour autant, l'ancien ministre des Finances a reconnu qu'il y a une certaine vision commune du futur entre les trois partis, surtout avec les héritiers de Ali Yata, qui partagent avec l'Istiqlal la fibre sociale et égalitariste. Le Programme ne peut qu'être social En gros, l'Istiqlal, par la voix de son Secrétaire Général, ne cesse d'appeler à une véritable alternance démocratique qui soit sociale. Au fur et à mesure que le temps passe, les contours de son programme se dessinent. Les classes moyennes y sont au coeur. Nizar Baraka a réitéré son engagement à baisser l'IR sur les revenus moyens et à plafonner les prix des hydrocarbures, fruit d'un jeu concurrentiel faussé et tordu. M. Baraka s'est engagé également à augmenter l'investissement public dans l'Education et la Santé pour reconstruire l'école et l'hôpital publics. Concernant la politique économique, le leader de l'Istiqlal veut se concentrer sur les PME, qui méritent, selon lui, le plus d'attention, vu qu'elles constituent la majorité du tissu économique national. Il a également préconisé la mise en place d'une caisse de « Zakat ». L'ensemble de ces promesses ne peuvent être tenues sans l'accélération de l'exécution des réformes, dont la procédure législative est très lente. « Il faut sortir les textes d'application aussi tôt que les réformes sont votées », a-t-il insisté, rappelant que plusieurs réformes ont été abandonnées à cause du retard des textes d'application. Encadré NMD : gare au péril des technocrates Alors que les partis politiques sont souvent pointés du doigt pour l'échec des politiques de développement et leur échec à gagner la confiance des citoyens, les leaders des trois partis ont dénoncé une « campagne de dénigrement », aux allures de « machination », qui vise à rabaisser les partis et leur rôle dans la vie publique. Un rôle prôné par le nouveau modèle de développement. Pas de partis, pas de démocratie et pas d'institutions élues fortes, ont convenu les trois Secrétaires Généraux, rappelant que c'est aux partis de traduire le nouveau modèle de développement en politiques publiques et que le rapport de Chakib Benmoussa n'est qu'une feuille de route. Ces derniers ont également fulminé contre l'empire de la technocratie sur la vie politique et la gestion des affaires publiques ces dernières années, une réalité qui contrecarre le slogan brandi par le rapport de Benmoussa : « Etat fort avec des institutions démocratiques fortes ». Ils ont également souligné l'incapacité des technocrates à avoir une vision. « Les technocrates ne sont même pas capables de répondre à une question orale au Parlement», a asséné Nabil Benabdellah