Comment pallier à une immunité collective de plus en plus difficile à atteindre dans les délais prévus sur l'échelle planétaire, pour pouvoir poursuivre, chez nous, notre processus d'assouplissement des mesures restrictives et donner plus de bouffées d'oxygène à notre vie sociale, économique, touristique, sans risquer un rétropédalage ou même des fermetures ? Aujourd'hui, le monde risque fortement un ralentissement plus accentué de la vaccination anti COVID19 dans les pays du sud. Les inégalités vaccinales dans le monde risquent de se creuser laissant à la traine beaucoup de pays déjà très en retard. Les pays riches démarrent la vaccination de leurs enfants pour accélérer la course vers le contrôle de la propagation du virus et vers l'immunité collective. Ils envisagent d'injecter une troisième dose aux personnes vulnérables (nombreuses du fait de l'âge de leur population) pour renforcer leur immunité et contrer les variants. Ils se préparent à dispenser dans les quelques mois à venir une dose de rappel pour maintenir une efficacité immunitaire. Nous risquons, à cause d'une circulation toujours active du virus dans une bonne partie du monde, de voir émerger de nouveaux variants de plus en plus transmissibles (le variant indien 50% plus transmissible que le britannique, lui-même plus contagieux que la souche classique), et résistants à l'immunité conférée par la maladie ou par les vaccins. Dans les pays du sud l'immunité collective se transforme en un mirage difficile à atteindre dans ce contexte d'accaparement des vaccins par une poignée de pays. Dans les pays riches, l'immunité collective, même théoriquement réalisable, sera toujours à la merci de la circulation du virus encore active dans d'autres parties du monde, avec le risque de la relance épidémique par l'introduction de nouveaux variants de plus en plus inquiétants et déjouant la protection vaccinale. Les mutations deviennent plus dangereuses, à cause du phénomène de l'échappement immunitaire, au cours d'une pandémie et de la vaccination, sous l'effet de la pression immunitaire. Plus il y a des personnes immunisées par la maladie ou par la vaccination, et donc avec des anticorps dans leurs organismes, plus les mutations qui se dégagent contourneront ces anticorps et réduiront l'efficacité de cette immunité et de ces vaccins. Une question légitime s'impose : faudrait-il « attendre » une immunité collective pour lever les restrictions, au risque de devoir patienter longtemps, très longtemps ? Faut-il agir autrement en adoptant des solutions alternatives, transitoires, mixtes pour relancer la vie sans (trop) risquer les recrudescences et les mesures très restrictives y compris les fermetures ? En attendant une immunité collective, ou du moins un contrôle de la pandémie de manière drastique, nous devrions réfléchir à des stratégies et des mesures qui permettraient un retour à une vie quasi normale : 1-Vacciner pratiquement TOUS les adultes de plus de 40 ans et les porteurs des maladies chroniques quel que soit leur âge, ou au moins 90% : chercher les retardataires, les sensibiliser, les convaincre ..., pour éviter en cas d'une recrudescence épidémique de voir les hôpitaux et les services de réanimation submergés ! Tout en continuant bien sûr et en accélérant la vaccination des autres groupes d'âge ciblés. Il n'est plus acceptable de voir des personnes non vaccinées encombrer les hôpitaux et les services de réanimation : le vaccin existe et protège, il faudrait l'utiliser pour se protéger, permettre une vie normale à ses concitoyens et surtout laisser les hôpitaux et la réanimation faire son travail habituel et sauver des vies qu'on ne peut pas sauver avec des vaccins : les urgences chirurgicales, urgences cardiaques, attaques cérébrales, cancers, accidents de la voie publique ... 2- Vacciner en priorité TOUS les professionnels ayant des contacts massifs avec la population (Tourisme, commerce, transport public, enseignement ...) sans limite d'âge. 3- Utiliser toutes les mesures incitatives pour persuader ces groupes d'âge à se faire vacciner, conditionner certaines activités à l'obligation vaccinale. 4- Respecter et faire respecter, tout en sanctionnant le non-respect, des mesures barrières individuelles et collectives recommandées. Une action renforcée entre les autorités, les forces de l'ordre, la société civile et les médias pour sensibiliser et faire respecter ces mesures est Incontournable, envers les citoyens, les entrepreneurs, et les gérants des espaces publics : restaurants, cafés, hôtels, supermarchés ... et en priorité les espaces clos. Le pays ne peut plus se permettre de rester otage d'une frange de la population qui ne respecte aucune mesure. En attendant une immunité collective et l'extinction de l'épidémie, ces mesures barrières, avec le concours de l'avancement de la vaccination, nous protègent, réduisent le risque de l'émergence des mutations, et protègent notre pays. Sans respect de ces mesures barrières, on risque de devoir prendre des mesures restrictives sévères, voire même fermer malgré l'avancement de la vaccination. Ces mesures barrières protègent notre vie sociale, notre économie, notre tourisme et notre école à la rentrée. 5- Gérer la réouverture des frontières aériennes avec progressivité et prudence, sans rester bloqués indéfiniment, pour permettre au maximum de nos concitoyens, marocains du monde de rendre visite aux leurs et à leur mère patrie, ainsi que de relancer le tourisme, sans risquer de dégrader la situation épidémiologique dans notre pays, vu le risque épidémique lié aux voyages et aux variants. Zoning des pays sur la base de leur situation épidémiologique et vaccinale, réévaluer chaque deux semaines, passe sanitaire, tests PCR et/ou antigéniques ... 6- les voyages entre les régions : fluidité contrôlée et contrôlable, pour agir le plus rapidement possible en cas de nécessité. Dr Tayeb Hamdi, médecin, chercheur en politiques et systèmes de santé.