Le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) a publié, son rapport annuel sur la situation des droits de l'Homme au Maroc pour l'année 2020, baptisé «Covid-19: situation exceptionnelle et nouvel exercice des droits de l'Homme», et dont les grande lignes ont été présentées, jeudi, par sa présidente Amina Bouayach. Les affaires Omar Radi et Soulaimane Raissouni étaient au menu. Le rapport qui a été soumis à l'Appréciation de Sa Majesté le Roi, au Chef du gouvernement, au président de la Chambre des représentants et au Président de la Chambre des conseillers, contient une évaluation et une analyse de la situation des droits de l'Homme au Maroc en ces temps de crise, notamment en matière de liberté d'opinion, d'expression et d'information.
Dans ce sillage, le CNDH, indique que si le législateur a instauré des garanties contre les peines privatrices de liberté relativement aux sujets liés à la presse et à l'édition, ces garanties ne concernent pas l'édition dans son sens large et l'édition sur les plateformes numériques en particulier. Le Conseil estime que si l'espace numérique représente un forum pour la libre expression, pour l'accès à l'information et pour la participation à la vie publique, il peut, en revanche, constituer un obstacle à l'exercice de la liberté d'opinion et d'expression.
Ceci en raison de l'implication d'autres intervenants et influenceurs dans le but de porter atteinte à la liberté d'expression et de contribuer à désinformer l'opinion publique et de la manipuler par les fakes news, et à cause de l'utilisation d'algorithmes et d'applications électroniques.
Sur ce volet, la présidente du CNDH a indiqué que «le Conseil note avec préoccupation la condamnation de certains internautes pour avoir publié des opinions sur les réseaux sociaux, qui pourraient être protégées» par les organes internationaux des droits de l'Homme.
Liberté de la presse : la présomption d'innocence est fondamentale
S'agissant de l'affaire Omar Radi, qui suscite la polémique depuis près de deux ans, le CNDH indique qu'il suit avec attention le dossier du journaliste qui a «comparu le 26 décembre devant le tribunal de première instance de Casablanca, pour un tweet», dénonçant le verdict de la Cour d'appel de Casablanca contre les militants du Hirak, et «qu'il a supprimé par la suite». Le Conseil rappelle également que l'accusé a été arrêté une deuxième fois, le 29 juillet 2020, pour des accusations de viol et d'espionnage. Interrogée par L'Opinion sur l'état d'avancement de cette affaire, Amina Bouayach a déclaré que premièrement «il est important de garantir la présomption d'innocence», deuxièmement, le procès devrait se dérouler dans un délai «raisonnable», et troisièmement, qu'il ne faudrait pas prendre une «décision politique», mais plutôt laisser les faits parler, «car aujourd'hui, il y a une femme qui déclare être violée». « En tant que femme, en tant que responsable d'une institution de défense des droits de l'Homme dont les prérogatives sont claires, et en tant que militante, je ne pourrais en aucun cas ignorer les propos d'une victime», a expliqué la présidente du CNDH, soulignant que les deux personnes concernées devraient être entendues dans le cadre de la loi.
Elle indique dans ce sillage que la même règle s'applique à l'affaire de rédacteur en chef du quotidien «Akhbar Al Yaoum», Soulaimane Raissouni, qui a été interpellé, le vendredi 22 mai à Casablanca, pour les besoins d'une enquête sur des faits présumés d'attentat à la pudeur avec violence et séquestration. Par ailleurs, le Conseil estime que les journalistes et les défenseurs des droits de l'Homme doivent bénéficier, en général, du droit de critiquer et de responsabiliser les pouvoirs publics et d'enquêter sur leur réactivité par rapport à la pandémie sachant que l'état d'urgence sanitaire nécessite d'annuler ou d'assouplir le principe de contrôle et de contrepouvoir. Dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de la loi sur le droit d'accès à l'information, le Conseil considère que le gouvernement doit nécessairement procéder à la publication proactive, notamment en ce qui concerne les projets de loi. Le droit à la vie privée Le CNDH constate dans son rapport que si le développement technologique génère un effet sur la diffusion de l'information, sur son partage, son accessibilité, sur la communication immédiate, et sur l'ouverture de nouveaux espaces d'expression pour les défenseurs des droits de l'Homme, il crée, par ailleurs, un environnement propice à la violation de la vie privée et à la circulation de données à caractère personnel sans consentement et en l'absence de support légal. Le Conseil a exprimé ainsi sa préoccupation face à la hausse des appels à l'incitation à la violence ou à la haine dans l'espace numérique.