C'est lors du premier Grand Oral 2021 de Sciences Po-Alumni Maroc que Nizar Baraka, Secrétaire Général du Parti de l'Istiqlal, a dressé le tableau de la situation actuelle politique et économique du Royaume. Sans concessions et sans langue de bois, Nizar Baraka s'est prêté à une analyse profonde, complète et pertinente de l'état des lieux des scènes politique et économique au Maroc et a exposé les projets du Parti de l'Istiqlal (PI) pour un avenir marqué par trois grandes signatures : Egalitarisme, Espoir et Souveraineté, lors du premier Grand Oral de Sciences Po-Alumni Maroc, organisé mercredi 31 mars dans le cadre du cycle des Grands Oraux.
Interrogé notamment par deux figures éminentes de l'intelligentsia marocaine : le politologue Mustapha Sehimi et Ismaïl Hariki, président de la section marocaine de l'Association des Anciens Sciences Po Paris, Nizar Baraka, riche de son expérience à la tête du Conseil Economique, Social et Environnemental, et de ses qualités d'ancien ministre de l'Economie et des Finances, ancien ministre chargé des Affaires économiques et générales, a répondu à nombre de questions sur les volets politique et économique.
Egalitarisme et espoir : des projets concrets pour remédier à la problématique de l'emploi
« Une question vitale », c'est ainsi que Nizar Baraka a qualifié la problématique de la création d'emploi au Royaume. Il y a lieu de souligner deux phénomènes importants, a-t-il déclaré. Le premier étant l'arrivée massive des jeunes sur le marché d'emploi avec une capacité d'absorption qui est très faible. Nizar Baraka a noté dans ce registre qu'auparavant 1% de croissance équivalait à 40.000 postes d'emplois créés, alors qu'aujourd'huiça équivaut à seulement 20.000 postes. Le 2ème point relevé par M. Baraka est l'augmentation de la population active en âge de travailler, établie à 700.000 par année. Face à cette grande problématique, Nizar Baraka a révélé la vision développée par l'Istiqlal qui s'appuie sur trois piliers essentiels, à savoir l'éducation, la formation tout au long de la vie et la régionalisation avancée. « L'éducation est un élément essentiel », a souligné le Secrétaire Général du PI. Il faut absolument « généraliser l'éducation, améliorer sa qualité et aller vers une éducation plus pratique », a-t-il expliqué, et ce, afin de favoriser une mobilité sociale actuellement absente et de remédier aux inégalités territoriales, notamment dans le monde rural, rappelant que le programme « Tayssir », mis en place par le Parti de l'Istiqlal, avait permis de réduire de 60% l'abandon scolaire. « La formation professionnelle doit aussi être un axe », a-til poursuivi, afin d'établir des ponts entre l'école et le marché du travail. Le deuxième pilier relevé par M. Baraka est la formation tout au long de la vie. Le Secrétaire Général du PI estime qu' « aujourd'hui, notre savoir et nos connaissances deviennent trop vite dépassés, on devient très vite obsolète et il faut se remettre à jour régulièrement pour pouvoir être en phase avec le développement ». Aussi, Nizar Baraka a proposé de certifier les gens qui ont « un très bon savoir-faire, acquis sur le tas », pour qu'ils puissent travailler dans de grandes enseignes dans le secteur formel. Enfin, Nizar Baraka a également souligné l'importance de la régionalisation avancée, qui doit être développée, en tenant compte des besoins et des spécificités des régions, afin d'en faire des bassins d'opportunités. Souveraineté : comment sortir d'une période de crise ? Interrogé sur la situation de crise actuelle de l'économie marocaine, de l'endettement des finances publiqus et de l'impact que ça a sur la souveraineté économique du Royaume, l'ex-ministre de l'Economie a tenu à rassurer la population marocaine, en révélant, d'une part, que « tous les pays du monde sont dans cette logique d'endettement » et, d'autre part, que « le niveau de la dette du Maroc est encore soutenable ». Pour s'en sortir, « il faut absolument que le taux d'intérêt que nous payons soit inférieur aux taux de croissance que nous avons », a expliqué Nizar Baraka, d'où la nécessité d'améliorer la croissance, or, « les politiques menées par ce gouvernement ont fait que le PIB potentiel du Maroc a diminué de 2 points, et ça c'est grave », a-t-il poursuivi. C'est pour cette raison, estime Nizar Baraka, qu'il faut « complètement changer cette politique, qui mise uniquement sur l'infrastructure, et s'inscrire dans une logique de la rentabilisation de ces infrastructures », notamment en adaptant cette infrastructure et son exploitation aux PME. Nizar Baraka préconise également de profiter des opportunités qui apparaissent au Maroc, avec la transition écologique, à titre d'exmple, et de miser sur les nouveaux métiers dans des secteurs tel que le Numérique et faire du Maroc un « Etat Start-up ». « Il faut faire des choix et c'est un arbitrage qu'il faut faire maintenant », a-t-il souligné. Pour financer tous ces projets, l'ex-ministre des Finances propose un grand emprunt national. Toutefois, Nizar Baraka a expliqué que cet emprunt doit être à long terme et a insisté sur le suivi et le contrôle ferme de l'emploi de cet emprunt, afin de s'assurer qu'il engendrerait la rentabilité attendue en termes de création d'emplois et de valeur ajoutée. Baraka insiste également sur une révision des dépenses d'Etat. « Il y a beaucoup de mauvaises dépenses, de dépenses inutiles et de dépenses de prestige dont on peut se passer », affirme-t-il. Aussi, Nizar Baraka préconise de minimiser ou de supprimer certaines subventions et facilités fiscales qui ne sont plus nécessaires et qui sont d'une valeur de 70 MMDH et réallouer les ressources budgétaires là où elles seront plus rentables. Interrogé sur la décompensation, Nizar Baraka n'y est pas allé de main morte : « Je ne pense pas que les citoyens marocains peuvent payer la bonbonne de gaz à 100 dirhams », a-t-il déclaré. Il a de ce fait expliqué que décompenser les trois produits que sont la bonbonne de gaz, la farine et le sucre, comme cela a été le cas pour les produits pétroliers, s'inscrit dans une logique de libéralisme pur qui ne porte aucune considération aux citoyens et à la situation socio-économique de ces derniers. Pour faire en sorte que les droits des citoyens soient effectifs, a-t-il poursuivi, la logique libérale doit absolument être accompagnée de plusieurs mesures, notamment le renforcement du Conseil de la Concurrence en lui donnant plus de prérogatives.