Bien que méconnue par le grand public, la formation religieuse est une filière en plein développement au Maroc. En effet, ce qui a débuté en 2005 comme un programme de préparation de guide religieux, a évolué au fil du temps pour donner naissance à l'institut Mohammed VI de formation des imams, des morchidines et des morchidates en 2015. «Depuis le dahir du 25 juin 2015, portant réorganisation de l'Université Al Qarouiyine, l'offre de l'université englobe Dar al hadith Al Hassania (Rabat), l'Institut Mohammed VI des études coraniques, l'Institut Mohammed VI pour la formation des imams, morchidines et morchidates, l'école des sciences islamiques (Casablanca), sans oublier l'Université Qaraouiyine et sa bibliothéque», explique Amal Jalal, président de l'Université Al Qaraouiyine. Refonte du système La création de ces instituts est donc venue renforcer l'offre préexistante en la matière, à savoir la millénaire Université d'Al Quaraouiyine de Fès et la Faculté spécialisée dans la chariâ de Tétouan, Fès, Agadir, Marrakech ou encore Smara. Une filière qui a pour principal mission de mettre de l'ordre dans la gestion du fait religieux, vu qu'autrefois, les conditions pour diriger les prières et prononcer des sermons dans une mosquée se limitaient à la mémorisation du Coran et à l'acquisition de connaissances de base dans les sciences théologiques, notamment celle concernant la façon de diriger la prière. «Contrairement aux Facultés de chariâ, l'accès aux instituts est régulée et se fait sur la base de concours, avec un niveau minimal d'étude exigé, en plus d'une maîtrise parfaite du Coran. Pour ce qui est des imams, le nombre d'admis par année scolaire est de 150, il est de 100 pour les mourchidates, soit un total de 250 étudiants en tout. Auxquels s'ajoutent 900 étudiants subsahariens», précise Jalal. Une offre de formation qui vise principalement à assurer la présence d'imams, mais aussi de morchidates dans les mosquées du Royaume. En effet, le Maroc représente le huitième pays au monde en termes de mosquées actives sur son territoire avec plus de 50.000 lieux de cultes, dont seulement 10.000 sont actuellement ouverts au public à cause de la pandémie. Le nombre de mosquées et son augmentation progressive dans les villes et les villages est facilité par la construction de nouveaux lieux de cultes par des bienfaiteurs. Des imams et mourchidates dans l'ère du temps Parallèlement, la mise en place de ces filières vise aussi à répondre aux aspirations des croyants de disposer d'imams maitrisant les fondamentaux religieux, mais qui soient également capables de répondre aux questions liées au quotidien des Marocains, en perpétuel changement et évolution. «Notre objectif premier est de former des imams et mourchidates qui ne se limiteront pas seulement à mener les prières, ils devront être des transmetteurs des valeurs de tolérance, d'ouverture et de vivre ensemble, dans une société marocaine de plus en plus diverse et qui compte d'autres cultures et religions », souligne le président de l'Université Al Qaraouiyine. Des cycles de formation qui ont adopté le système LMD, avec des cycles de licences et de masters, qui permettent à ses lauréats, d'aller jusqu'au doctorat. Les imams ou faquihs ayant décroché un master, voire un doctorat, pourront se diriger vers l'enseignement supérieur, la recherche ou ijtihad, les métiers de notariat ou Adouls ou encore vers la magistrature (droit de la famille et de l'héritage notamment). Ces nouveaux imams suivent également des cours de langue (français et anglais), de religion comparée, des notions d'hébreux et de latin ou encore de grec. «Des formations qui leur permettent de favoriser le dialogue interreligieux et de consacrer les valeurs de tolérance », rappelle Jalal. Ces nouvelles formations religieuses représentent également un levier de taille dans l'arsenal du Soft power marocain, notamment au niveau continental. En intégrant, très tôt, les imams et mourchidates subsahariens dans ces instituts, le Royaume conforte son rôle de leader en termes de modernisation du champs religieux. Face à l'explosion des phénomènes d'intégrisme, le Maroc représente un acteur majeur dans le maintien du courant malékite dans la région. L'Institut forme ainsi des étudiants en provenance du Sénégal, du Mali, de la Côte d'Ivoire, du Nigéria, du Niger, du Tchad, de la Guinée et du Rwanda. Une offre qui ne se limite pas à l'Afrique, mais est également ouverte aux candidats français et thaïlandais.