Une dizaine de pays européens ont annoncé la suspension provisoire de l'utilisation du vaccin AstraZeneca ou de certains de ses lots. Face à ces décisions, de nombreuses interrogations se posent sur le maintien ou non du vaccin par le Maroc. Plusieurs pays européens ont annoncé avoir suspendu par précaution l'utilisation du vaccin d'AstraZeneca. La première réaction est venue de l'Autriche qui a annoncé la suspension d'un lot du vaccin d'AstraZeneca après le décès d'une infirmière, ayant reçu le vaccin. Selon les autorités autrichiennes, son décès aurait été causé par des troubles de la coagulation sanguine. Des complications similaires ont été constatées chez une autre infirmière. Cette suspension étant motivée par la nécessité de mener des investigations afin de déterminer s'il y a un lien de causalité direct avec le vaccin. Ce qui reste à date d'aujourd'hui de l'ordre de l'hypothétique. Les suspensions se poursuivent Malgré tout, et suite à la décision autrichienne, les annonces de suspension se sont succédées à une cadence impressionnante. D'autres pays ont décidé, au nom du principe de précaution, de suspendre à leur tour le vaccin anglo-suédois. Il s'agit de l'Irlande, le Danemark, la Norvège, l'Islande, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Italie, et tout récemment la France et la Suède. Echaudées par de précédents scandales sanitaires, les autorités sanitaires de ces pays redoutent que le vaccin puisse être à l'origine de formation de caillots sanguins, aux effets parfois mortels. Suite à cette polémique, AstraZeneca a déclaré que l'examen des données de sécurité des personnes vaccinées avec son vaccin Covid-19 n'a révélé aucun lien de causalité direct entre l'administration d'AstraZeneca et l'apparition de caillots sanguins. L'analyse commanditée d'urgence a couvert plus de 17 millions de personnes vaccinées au Royaume-Uni, dans l'Union Euro- péenne, mais également en Inde. «Un examen attentif de toutes les données de sécurité disponibles de plus de 17 millions de personnes vaccinées dans l'Union Européenne et au Royaume-Uni avec le vaccin Covid-19 AstraZeneca n'a montré aucune preuve d'un risque accru d'embolie pulmonaire, de thrombose veineuse profonde ou de thrombocytopénie, quel que soit l'âge défini, groupe, sexe, lot ou dans un pays en particulier», a déclaré la société AstraZeneca. Dans ce sillage, l'Agence Européenne des Médicaments (EMA) a déclaré, mercredi qu'il n'y avait «aucune indication» que le vaccin d'AstraZeneca soit la cause des caillots sanguins signalés. L'EMA a procédé à une évaluation au cas par cas des incidents et devrait achever son examen jeudi, a déclaré le directeur exécutif Emer Cooke. Suspension de la vaccination : un risque sanitaire plus dangereux qu'AstraZeneca Au Maroc qui semble épargné à ce jour par la psychose, plus de 4 millions de doses du vaccin AstraZeneca ont été administrées et d'autres suivront, notamment pour les deuxièmes doses. Les spécialistes marocains semblent s'accorder sur le fait qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Preuve à l'appui, plus de 10 millions de doses ont été administrées en Angleterre, sans aucun problème. De même, l'Inde qui a commencé à l'administrer à 300 millions de personnes ne semble pas prête à stopper sa campagne de vaccination. A la décharge de ce vaccin désormais décrié, les statistiques démontrent qu'en Angleterre, comme dans d'autres pays, les nouveaux cas, les décès et les réanimations ont remarquablement baissé. «Il y a des preuves très rassurantes qu'il n'y a pas d'augmentation du phénomène de caillot sanguin ici au Royaume-Uni, où la plupart de doses en Europe ont été administrées jusqu'à présent», a déclaré à la BBC le professeur Andrew Pollard, directeur du Oxford Vaccine Group qui a développé le vaccin avec AstraZeneca. Dans ce sens, le spécialiste a souligné l'importance de poursuivre la vaccination contre le Coronavirus, car sa suspension présente un énorme risque pour la santé, bien plus supérieur que celui supposé des caillots sanguins. Le Maroc doit-il emboîter le pas aux autres pays ? «Ces décisions qui sont prises par un certain nombre de pays n'ont pratiquement aucune base véritablement médicale ou épidémiologique. Ce sont des décisions politiques, prises dans un contexte particulier à certains pays européens, et enveloppées dans le principe large et élastique de la précaution sanitaire», nous déclare Allal Amraoui, chirurgien et député du Parti de l'Istiqlal à la Chambre des Représentants. Le même Amraoui souligne que «le médicament a répondu positivement à toutes les démarches menées par l'EMA, la FDA et par les autorités marocaines. Il paraît qu'il y a 37 cas concernés par ces complications à travers le monde. Mais aucune donnée scientifique fiable n'atteste à ce jour de l'augmentation de cette pathologie par rapport à une population donnée suite à sa vaccination par AstraZeneca». Rappelons que depuis le début de son utilisation, le vaccin d'AstraZeneca s'est confronté à une vague d'attaques, principalement issues de l'Europe avec laquelle le Royaume-Uni vient de concrétiser l'acte de divorce institutionnel dénommé Brexit. De là à dire qu'il y ait une corrélation politique entre ces considérations géopolitiques et celles d'ordre purement médical, il y a un pas que d'aucuns ont allégrement franchi. Des voix s'élèvent en effet en Angleterre pour avancer la thèse de représailles économiques et politiques, sous couvert médical. «Ce n'est pas la première fois qu'on jette le discrédit sur ce vaccin même s'il a fait ses preuves, comme en attestent plusieurs études scientifiques, en raison de son efficacité, de sa disponibilité et de son prix très abordable. Je pense qu'il prend le dessus sur les autres vaccins. Pourtant, je suis étonné de voir le nombre d'attaques qui perdurent», s'interroge à cet effet notre interlocuteur. Faut-il tout de même utiliser un anticoagulant après la prise du vaccin ? A cette question, M. Amraoui estime qu'il est possible de le faire «si jamais nous attestons de l'association de certaines pathologies avec le vaccin, mais, aujourd'hui, l'OMS a déjà confirmé qu'il n'y a aucune corrélation entre le vaccin et ces épisodes». «Avec un total de 4,5 millions de personnes qui sont déjà vaccinées, dont 3,5 millions au vaccin AstraZeneca, sous une étroite vigilance médicale, nous avons au Maroc suffisamment de recul pour pouvoir juger de la situation. Pourtant, nous n'avons à ce jour détecté aucun cas de complication grave», souligne Amraoui qui ajoute : «Il est important d'insister sur le fait que le rapport bénéfice/risque reste largement en faveur de la vaccination. Pour les autres considérations, elles sont pour la plupart en marge de l'intérêt sanitaire». Le gouvernement marocain avait annoncé le jeudi 24 décembre 2020 avoir commandé 65 millions de doses des vaccins chinois Sinopharm et britannique AstraZeneca, pour les injecter, à terme, à 25 millions de personnes. Depuis fin janvier 2021, plus de 4 millions de personnes, soit 11% de la population, ont reçu au moins une dose des deux vaccins. À la date de ce même lundi 15 mars, plus de 1,7 million de personnes a reçu la deuxième dose. Repères : Décès d'une infirmière autrichienne : L'événement déclencheur Au début du mois de mars, les autorités sanitaires autrichiennes ont cessé d'administrer un lot de vaccins d'AstraZeneca contre le Covid-19 après le décès d'une infirmière. La victime de 49 ans, qui avait reçu une dose du lot incriminé à l'hôpital régional de Zwettl (Basse-Autriche), est morte quelques jours plus tard des suites de « graves troubles de la coagulation », a indiqué l'Office fédéral pour la sécurité des soins de santé (BASG). «Par mesure de sécurité», il a été décidé de « ne pas distribuer les stocks restants du lot », précise le BASG qui dit « mener activement toutes les investigations nécessaires pour exclure définitivement tout lien ». Le Maroc suspend ses vols avec 32 pays Les vols en provenance et à destination de l'Argentine, la Bosnie-Herzégovine, le Botswana, le Cameroun, la Croatie et le Mozambique seront suspendus à partir du 15 mars à minuit et se poursuivront jusqu'au 10 avril prochain, annonce l'Office National des Aéroports (ONDA). Sont également concernés les passagers voyageant de ces pays à travers un autre pays. Cette nouvelle décision porte ainsi le nombre des pays avec lesquels le Royaume a suspendu ses liaisons aériennes à 32. Le virus fait fureur en Europe Plus de 900.000 décès du Covid-19 ont été officiellement enregistrés en Europe depuis le début de la pandémie en décembre 2019. Les 52 pays et territoires de la région (qui inclut la Russie et la Turquie) totalisaient 900.185 décès (pour 40.083.433 cas déclarés), devant l'Amérique latine et les Caraïbes (721.581 morts, 22.872.052 cas), les Etats-Unis/Canada (558.110, 30.406.496), et l'Asie (263.250, 16. 692.971). Cinq pays concentrent plus de la moitié de ces décès.