Sinistré par la crise, le secteur de l'immobilier n'arrive toujours pas à redémarrer correctement. Selon Bank Al-Maghrib (BAM) et l'Agence nationale de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie (ANCFCC), l'indice des prix des actifs immobiliers (IPAI) a baissé, en glissement annuel, de 0,8% au troisième trimestre de 2020 et les transactions de 9,5%. Le repli des prix reflète des baisses de 1,2% pour les actifs résidentiels et de 0,4% pour les terrains, les prix des biens à usage professionnel ayant, en revanche, progressé de 3%, précisent BAM et ANCFCC dans une note sur la tendance globale du marché immobilier au 3ème trimestre 2020. La diminution du nombre des transactions est, quant à elle, en relation avec la baisse de 15,3% des ventes des actifs résidentiels, explique la même source, notant qu'en revanche, les ventes des terrains ont quasiment stagné et celles des biens à usage professionnel ont progressé de 22,8%. Par catégorie d'actifs, la baisse des prix des actifs résidentiels reflète les replis de 1,1% des prix des appartements, de 2,7% pour les maisons, compte tenu de la hausse de 0,8% des prix des villas. Concernant les ventes, elles ont baissé de 15,3%, avec des reculs de 14,8% pour les appartements, de 26,1% pour les maisons et de 10,1% pour les villas. S'agissant des biens à usage professionnel, l'évolution de leurs prix résulte des hausses de 3% pour les locaux commerciaux et de 3,8% pour les bureaux.
PLF2021 : quels amendements pour redynamiser le secteur ?
Face à cet état des lieux déplorable, les deux amendements relatifs au secteur immobilier ont été introduits au projet de loi de finances au titre de l'exercice 2021. Il s'agit premièrement de l'extension du bénéfice de l'exonération totale et permanente de l'IS au profit des OPCI pour concerner également les locations à usage d'habitation (immobilier résidentiel). Il y a également la prorogation, jusqu'au 30 Juin 2021 (au lieu de 31 Décembre 2020 prévue initialement par la loi de finances rectificative de 2020) de: L'exonération totale des droits d'enregistrement au profit des logements sociaux (logement de faible valeur de 140.000 DH et logement social de 250.000 DH).
La réduction de 50% des droits d'enregistrement au profit de l'immobilier à usage d'habitation (y compris les terrains destinés à cet usage). Cet amendement concerne également la revue à la hausse de la valeur des biens assujettis à cette réduction (biens dont la valeur est inférieure à 4 millions de dirhams (MDH) au lieu de 2,5 MDH prévu initialement par la loi de finances rectificative de 2020).
Mohamed Lazim, directeur général du cabinet GUI4, expert en immobilier, l'exonération totale des droits d'enregistrement applicable à la 1ère vente d'un logement social ou de faible valeur permettra, sans doute, d'encourager les clients à acquérir les logements sociaux surtout que le programme de ces logements arrive à sa fin au 31 décembre 2020 ou au plus tard au 31 décembre 2021 pour les promoteurs immobiliers dont leurs conventions expirent durant la période entre le début de l'état d'urgence sanitaire et le 31 décembre 2020.
Cependant, vu que le segment du logement social est fortement touché par la crise sanitaire dans la mesure où la majorité de ses clients (la classe moyenne et la classe ouvrière) sont en difficulté financière (perte d'emploi, baisse de leurs niveaux de revenus, etc), le DG du cabinet GUI4 recommande de prolonger le délai d'exonération au moins jusqu'au 31 décembre 2021 au lieu du 30 juin 2021. Cela permettra d'augmenter le nombre des bénéficiaires de cette exonération et croitre, par conséquent, le volume des transactions des logements sociaux, sachant que l'aboutissement d'une opération de vente d'un logement social (traitement du dossier par la banque, versement de la TVA entre les mains du notaire, accomplissement des démarches administratives, etc) nécessite un délai qui varie entre 2 à 6 mois.
Concernant l'autre disposition, elle constitue une opportunité pour le développement de l'immobilier résidentiel de par l'absorption partielle du stock non vendu des actifs immobiliers résidentiels (appartements, villas, immeubles résidentiels, etc), l'investissement dans des programmes mixtes sans se soucier de l'aspect fiscal, ainsi que par l'augmentation du rendement locatif des biens résidentiels de par le fait qu'ils seront gérés par des professionnels qui maîtrisent la réglementation en vigueur.
Quid de la location immobilière ?
Selon M. Lazim, cette mesure permettra aussi d'augmenter l'offre locative des logements résidentiels et d'améliorer la transparence des transactions immobilières résidentielles vu que ces transactions seront réalisées sous le contrôle des autorités compétentes.
Néanmoins, il signale que les investissements dans le marché locatif résidentiel peuvent rencontrer certaines difficultés à court terme dans la mesure où la demande locative en logements résidentiels est faible par rapport à la demande d'achat. En effet et selon les statistiques du Haut-Commissariat au Plan (HCP), la part des ménages propriétaires de leurs logements est à hauteur de 61,9% contre 27,3% des ménages locataires. Cette situation est due principalement à trois facteurs, rappelle l'expert, primo, d'autre culturel, du fait que les ménages marocains préfèrent investir dans la pierre comme étant une valeur refuge. Secundo, le facteur économique, puisque les prix des loyers de logements sont assez élevés voir même équivalents à une mensualité d'un crédit immobilier. Finalement, il y a le cadre juridique qui régi les baux d'habitation (loi n° 6-79) accorde plus de prérogatives aux locataires qu'aux bailleurs induisant, ainsi, une préférence de certains propriétaires à garder leurs logements vacants au lieu de les louer (selon les statistiques du HCP, plus de 1 million de logements sont vacants). Ainsi, pour réussir l'investissement des OPCI dans le marché locatif, Mohamed Lazim, recommande trois dispositions importantes à savoir : - Revoir la loi 6-79 relative aux baux d'habitation et à usage professionnel de manière à équilibrer entre les intérêts des bailleurs et des locataires. - Diversifier, d'une façon étudiée, l'offre locative des biens résidentiels en termes de typologie (villas, appartements, etc), de standing et de surface de manière à satisfaire les besoins des ménages.
- Choisir soigneusement les zones potentielles pour l'investissement en immobilier résidentiel locatif de manière à avoir un taux de vacance réduit voir nul.
Cela dit, il convient de noter que l'indice des prix des actifs immobiliers réalisé par BAM et ANCFCC, souligne que les transactions, ont progressé de 22,8%, avec des accroissements de 22,4% des ventes des locaux commerciaux et de 25% de celles des bureaux. Par ville, ladite note fait ressortir que les prix se sont accrus, en glissement trimestriel, à Rabat, Casablanca, Marrakech et Tanger de 12%, 2,9%, 0,9% et 5,3% respectivement. (Avec MAP)