Dans un rapport récent de la «Deutsche Bank», baptisé «Ce que nous devons faire pour reconstruire», les chercheurs suggèrent une taxe pour le télétravail, en raison de l'expansion du phénomène. Avec la recrudescence des contaminations au Maroc, le télétravail se profile de plus en plus comme un choix à long terme. A Casablanca, nouvel épicentre épidémique au Royaume, les autorités publiques, notamment le Wali de la région Casablanca-Settat, Saïd Ahmidouch, ont exhorté toutes les entreprises et administrations publiques et privées, à adopter le mode de travail à distance, en vue d'endiguer la propagation du Coronavirus dans les milieux professionnels. Cependant, au Maroc où le digital commence à peine à se trouver une place, bon nombre de contraintes de natures technique et sociale s'imposent, au vu des lacunes d'infrastructures que la pandémie a révélé. Une connectivité limitée, des outils informatiques inadaptés, l'augmentation du nombre de cyber-attaques, l'isolement social, une rupture des liens sociaux ...ce sont là des complications auxquelles les entreprises et les administrations publiques s'activent à trouver des solutions. La tendance au travail à distance ne risque pas de se généraliser, affirment les spécialistes, toutefois, elle perdurera après la pandémie. Une hypothèse corroborée plusieurs études, dont l'étude récemment publiée de l'entreprise informatique Cisco, portant sur 3000 entreprises dans 21 pays, plus d'un tiers des entreprises prévoient maintenir 50% de leurs employés en télétravail, au terme de la pandémie. Imposer une taxe aux télétravailleurs ? Si les interrogations concernant le travail à distance au Maroc campe encore autour des contraintes infrastructurelles rencontrées, les économistes en Europe vont plus loin dans le débat. Dans un rapport très controversé, les chercheurs de la « Deutsche Bank » soutiennent que les employés qui choisissent de travailler à domicile devraient payer des taxes additionnelles, et ce, pour compenser les privilèges que le télétravail induit. « On a besoin d'imposer une taxe aux travailleurs à distance depuis des années », peut-on lire dans le rapport, « la situation sanitaire due à la Covid a juste rendu le constat évident. Notre système économique n'est tout simplement pas conçu pour faire face à des personnes qui peuvent se déconnecter de la société physique ». Luke Templeman, chercheur à la Deutsche Bank et coauteur du rapport, avance, dans ce sens, que de nouveaux styles de travail nécessiteront de nouveaux systèmes fiscaux. « Le travail à domicile fera partie de la nouvelle normalité post-Covid », argumente-t-il, s'appuyant sur l'augmentation du nombre d'employés qui ont adopté le télétravail durant les deux dernières décennies, avec le développement distinctif des technologies liées à internet. Entre 2005 et 2018, par exemple, le nombre d'Américains travaillant régulièrement à domicile a augmenté de 173%. D'autant plus que la proportion de ces derniers, qui était de 5,4% avant l'avènement de la COVID, a été multipliée par dix, durant les quelques derniers mois, pour atteindre 56%. Au Royaume-Uni, cette proportion a atteint 47%. Une option que voudront conserver, pour deux ou trois jours par semaine, plus de la moitié de ces employés, selon une enquête de la Deutsche Bank. Une taxe modeste pour soutenir les plus démunis Luke Templeman plaide pour une taxe, « modeste » à son avis, de 5% pour chaque jour travaillé à domicile. Sur la base du salaire moyen, un employé au Royaume-Uni serait imposé de 6,73 livres par jour de télétravail, le travailleur américain paierait 10,58 dollars, tandis qu'un salarié moyen allemand contribuera à hauteur de 7,69 euros. Le chercheur de la Deutsche Bank suggère que la taxe en question devra être payée soit par l'employé, ou par l'employeur s'il ne fournit pas les moyens nécessaires (un bureau) à son collaborateur. Les recettes fiscales résultantes, qui pourraient atteindre des milliards de dollars selon les auteurs du rapport, profiteraient aux travailleurs à faible revenu qui ne peuvent pas effectuer leur travail à distance, tels les infirmiers ou les ouvriers d'usine. « D'un point de vue personnel et économique, il est logique que les personnes qui assument le risque de contamination, pour de faibles salaires, reçoivent un coup de main », explique Luke Templeman, « Ceux qui ont la chance d'être en mesure de se travailler à distance le leur doivent ». L'argent encaissé dans le cadre de la taxe télétravail devrait donc être redistribué afin d'augmenter les salaires des populations défavorisées. Nabil LAAROUSSI