Nadia Fettah Alaoui, ministre du Tourisme, de l'artisanat, du transport aérien et de l'économie sociale. Comme nous l'annoncions en exclusivité il y a quelques jours, des mesures drastiques vont être prises pour faire redécoller Royal Air Maroc (RAM). Le gouvernement le confirme, à demi-mots. Par Mohammed Zainabi
Royal Air Maroc (RAM) a mis en place un plan d'austérité pour faire face aux répercussions de la crise liée à la pandémie du coronavirus (Covid-19), a indiqué hier au parlement la ministre du Tourisme, de l'artisanat, du transport aérien et de l'économie sociale. Nadia Fettah Alaoui répondait à une question centrale lors de la séance des questions orales à la Chambre des représentants. « La compagnie nationale RAM a établi un plan d'austérité assorti d'une panoplie de mesures pour lutter contre les retombées de la crise », a-t-elle annoncé. En parlant de plan d'austérité, la ministre a révélé que la compagnie nationale RAM l'assortira d'une « panoplie de mesures » pour lutter contre les retombées de la crise. « Actuellement nous sommes en train d'élaborer un plan de relance fondé sur une analyse de la demande et des mesures préventives pour les passagers et les employés », s'est-elle limité à avancer. Or, dans aucun pays au monde, on ne peut évoquer un concept aussi effrayant qu'un « plan d'austérité » sans en donner les détails. Les ministres le savent mieux que d'autre, l'absence d'information crée la désinformation. Et celle-ci peut créer d'énormes problèmes. C'est ainsi qu'au Maroc, certains responsables s'étaient retrouvés à mener des campagnes de communication de crise, alors qu'ils auraient pu éviter d'en arriver là en communicant tout court. En l'occurence, le langage de la vérité s'impose. « Plan d'austérité » n'est peut-être qu'un mot dans la bouche de la ministre Nadia Fettah Alaoui. Mais ce terme va donner des insomnies au personnel de la compagnie nationale, aux entreprises utilisatrices des lignes aériennes de la RAM et même à de simples voyageurs. Le « plan d'austérité » dont parle Nadia Fettah Alaoui voudrait-il dire que RAM va se séparer d'une partie de son personnel ? La ministre ne le dit pas (encore), mais selon nos informations, certaines dessertes RAM seront supprimées, comme Miami ou Washington DC par exemple. Que ferait-on alors du personnel navigant de ces lignes ? On sait aussi que des bureaux de la compagnie seront fermés dans certains pays. La même question se pose concernant le personnel de ces bureaux. A moins de chercher à cacher le soleil par un tamis, Royal Air Maroc sera contrainte de recourir à une réduction du personnel. Si la richissime Etihad Airways prévoit de licencier 1 200 employés, selon une information rapportée récemment par Reuter, et que Qatar Airways compte se séparer de 20% de ses salariés, selon la même source, on voit mal comment RAM pourrait ne pas recourir à pareilles mesures. Parler des décisions douloureuses est le rôle des ministres. Cela ne relève même pas du courage politique, mais juste de la responsabilité politique. En revanche, le silence politique, quand il dure trop, relève de la pyromanie. Le gouvernement n'en dit rien encore, mais des bureaux RAM seront fermés.
Lapalissades Cadres et employés de Royal Air Maroc n'avaient pas besoin de la ministre pour apprendre que l'Association internationale du transport aérien a annoncé dans un rapport que les recettes des compagnies aériennes devraient baisser d'environ 252 milliards de dollars et que l'industrie aéronautique verra son potentiel diminuer de plus de 30% cette année. Etant en chômage technique pour la plupart, ils ont dû lire ce document qui parle, pour le cas du Maroc, d'une baisse attendue du trafic aérien d'environ 5 millions de passagers. La ministre a juste timidement évoqué « les risques qui en découlent en termes de pertes financières et de pertes d'emplois dans le secteur ». Après cette annonce, vaguement lancée, le gouvernement doit assumer sa responsabilité et dire clairement aujourd'hui combien de salariés seront licenciés. Il doit aussi déterminer et débloquer vite l'aide financière à apporter à la compagnie nationale. « A l'instar de beaucoup de compagnies aériennes, nous pourrons lever de la dette garantie par l'Etat, pour faire face aux engagements du mois de juin», s'est limitée à affirmer la ministre. Et d'adviendra-t-il après le mois de juin ? On ferme RAM ? Abdelhamid Addou plus courageux que le gouvernement Le PDG de RAM a envoyé, à la mi-mai, une lettre au personnel de la compagnie. Abdelhamid Addou parle dans sa missive des « sacrifices importants » qui s'imposent et d'une « réduction drastique de la voilure » qu'il dit inévitable. le patron de RAM souligne aussi la nécessité du « soutien matériel » de la part de l'Etat. On ne sait pas, jusqu'à présent, si les discussions entamés avec les départements concernés ont abouti à des solutions concrètes. En tout cas, rien ne filtre, jusqu'à présent. « Nous chercherons à préserver au maximum l'emploi tout en garantissant la pérennité financière de la compagnie», avait promis Addou. Mais tout dépendra de l'aide de l'Etat. Le tableau de bord de RAM est alarmant. «Pour notre compagnie, la fermeture a concerné très rapidement l'ensemble du réseau, l'impact sur le trafic a été violent avec une baisse respective de 60% en mars et 100% en avril, par rapport à l'année dernière, après une forte croissance à deux chiffres, entre novembre et février», indique Addou dans sa lettre. Déplorant que c'est la pire crise que vit l'entreprise qu'il dirige, il estime les pertes en chiffre d'affaires à 50 millions de dirhams par jour. Optimiste, Abdelhadi Addou avait annoncé que la reprise pourrait s'étaler sur une période minimale de 36 mois, avant que RAM retrouve un réseau comparable à 2019. « Cette reprise sera longue, douloureuse et appellera chacun de nous à faire preuve de discernement et d'abnégation pour privilégier l'intérêt commun et la préservation des emplois, aux considérations court-termiste », peut-on lire dans sa lettre. Presqu'un moi après ces mots, la ministre est venue murmurer devant les parlementaires quelques bribes de ce qu'a déjà osé crié le PDG de RAM à ses collaborateurs. Quid des aéroports ? S'agissant des aéroports, la ministre a indiqué que, depuis l'annonce des premiers cas d'infection au Covid-19, l'Office national des aéroports (ONDA) a travaillé en étroite coordination avec les différents intervenants pour prendre les mesures sanitaires et organisationnelles nécessaires afin de faire face aux répercussions du coronavirus avant la déclaration de la maladie comme étant une pandémie mondiale par l'OMS. Pendant la période de confinement sanitaire marquée par la fermeture de l'espace aérien national, a-t-elle poursuivi, l'Office a poursuivi la désinfection des diverses installations aéroportuaires qui n'ont pas cessé leurs activités liées au fret aérien et la réception de diverses marchandises et des équipements médicaux utilisés par le ministère de la Santé, dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus. L'ONDA conformément aux orientations de l'Etat en matière de soutien aux unités économiques et commerciales, a fourni des facilités à tous ses partenaires, dont le report du paiement des factures de trois mois et des délais supplémentaires pour les partenaires pour la mise en œuvre des accords passés avec l'Office, en plus de l'annulation ou la réduction des obligations financières au profit des unités commerciales opérant dans les aéroports, a-t-elle ajouté. Dans le cadre de la reprise du travail et l'ouverture de l'espace aérien, Fettah Alaoui a fait observer que le ministère veille à l'élaboration d'une série de recommandations visant à assurer des conditions de travail appropriées pour les opérations aériennes, à protéger les passagers et les usagers et à assurer en général la protection de la sécurité et de la sûreté de l'aviation civile. Il s'agit, a-t-elle résumé, de reprendre progressivement les activités de transport aérien et d'accorder les facilités nécessaires aux prestataires de services dans les aéroports. La ministre n'a précisé ni la date de la reprise, ni la forme que va prendre la progressivité dont elle parle. Le brouillard reste épais, trop épais. 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