Par Mireille Duteil Dans le nouveau triangle de la mort, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina-Faso, les djihadistes sont les maîtres. Ils tiennent le terrain et choisissent le moment de leurs coups contre les forces armées. Le 1er novembre, l'attaque de la base militaire malienne d'Indelimane, proche de Menaka, par une centaine d'hommes en moto et pick-up s'est soldée par la mort de 49 soldats. Le lendemain, un militaire français de l'opération Barkhane était tué dans l'explosion d'une bombe artisanale, dans la même région. En septembre, 40 soldats maliens avaient été éliminés dans deux bases voisines. S'acheminerait-on vers une situation à l'afghane, comme le laissent entendre certains ? C'est peut-être aller vite en besogne, mais il est exact que la situation sécuritaire de cette zone est mauvaise. Comme en Afghanistan, les attaques sont revendiquées par l'Etat islamique. Au Sahel, il se nomme Etat islamique du Grand Sahara (EIGS) dirigé par Abou Walid el Sahraoui. Est-ce à dire que l'EI, largement démantelé en Irak et en Syrie, se serait rapatrié dans cette région de l'Afrique ? C'est peu probable. La situation est autre. Cette dernière décennie, sous les coups de boutoir des opérations Serval puis Barkhane (France), celles de la Minusma (forces des nations unies) et des pays du G5-Sahel, les groupes armés de la zone ont été largement décapités. Pour recruter, leurs nouveaux chefs ont fait allégeance à l'Etat islamique espérant attirer des jeunes Sahéliens. Une stratégie couronnée de succès et qui a rejoint ces derniers mois celle des responsables de l'EI au Proche-Orient. Affaiblis en Syrie et en Irak, les chefs djihadistes ont multiplié les appels à l'intention de leurs affidés en Afrique. En avril, Abou Bakr al-Baghdadi avait lancé un appel à ses partisans au Mali et au Burkina-Faso. Récemment, son successeur a cité « l'Afrique centrale » parmi les nouveaux espoirs de l'organisation djihadiste. Face au pourrissement de la situation, la France se sent prise au piège. Elle a 4500 hommes sur le terrain dans le cadre de l'opération Barkhane qui doit pourchasser les djihadistes et non sécuriser l'armée malienne. Sans compter que Barkhane ne peut pas assurer la sécurité d'une région vaste comme l'Europe. L'incompréhension est donc forte de la part des populations africaines qui ne comprennent pas pourquoi ce sont les soldats maliens qui paient le prix fort de la violence. La présence militaire française est de plus en plus mal supportée. Et pour des raisons politiques, le Mali et plus encore le Burkina-Faso, chaque jour de plus en plus déstabilisé, rechignent à faire appel plus largement à l'aide militaire française. Paris cherche une issue à ce dilemme. Pour ne pas rester en première ligne, Macron veut obtenir de ses alliés européens qu'ils s'engagent plus largement au Sahel. L'idée est de mettre en place un groupe de forces spéciales européennes qui enverraient des hommes dans les compagnies de combat maliennes. Bamako rechigne. Sa marge de manœuvre, comme celle du Burkina-Faso, est ténue. Parallèlement, les capitales doivent mettre en place des politiques de réconciliation nationale. C'est un travail de longue haleine. Or à Bamako, Ougadougou et Niamey, on n'a pas le temps pour soi.