La hausse des prix des denrées alimentaires pourrait provoquer des troubles dans le monde entier et menacer la stabilité politique, met en garde le responsable des programmes humanitaires de l'ONU. Cet avertissement survient au lendemain de deux journées d'émeutes en Egypte provoquées par le doublement en un an du prix des aliments de base, ainsi que des nombreuses protestations qui ont eu lieu dans d'autres régions du monde. Sir John Holmes, sous secrétaire aux affaires humanitaires de l'ONU et Coordonnateur des secours d'urgence, a déclaré lors d'une conférence tenue à Dubaï que la hausse des prix allait déclencher une escalade dans les protestations et les émeutes qui se déroulent dans les nations les plus vulnérables. Il a averti que la pénurie alimentaire et la flambée des prix du carburant pourraient aggraver les difficultés dues au réchauffement de la planète. Les prix ont augmenté de 40% en moyenne au niveau mondial depuis l'été dernier. « Les implications [de cette crise alimentaire] en matière de sécurité ne devraient pas non plus être sous-estimées au moment où des émeutes de la faim sont déjà signalées dans le monde entier, » a déclaré M. Holmes. « Les tendances actuelles des prix des denrées alimentaires sont susceptibles d'augmenter à la fois la fréquence et l'intensité [des situations] d'insécurité alimentaire. » Il a ajouté que le principal défi pour l'action humanitaire est le changement climatique, qui a entraîné un doublement du nombre de catastrophes naturelles, celui-ci étant passé d'une moyenne de 200 à 400 par an au cours des deux dernières décennies. Outre les violences dont l'Egypte a été le théâtre cette semaine, la hausse des prix et la rareté accrue des produits alimentaires ont donné lieu à de nombreuses manifestations : Emeutes en Haïti la semaine dernière, qui ont provoqué la mort de quatre personnes Manifestation violentes en Côte d'Ivoire Emeutes au Cameroun en février qui ont fait 40 morts Manifestations violentes en Mauritanie, au Mozambique et au Sénégal Protestations en Ouzbékistan, au Yémen, en Bolivie et en Indonésie Le personnel des Nations Unies en Jordanie s'est également mis en grève un jour cette semaine pour exiger une augmentation des salaires en raison d'une hausse des prix de 50%, tandis que les pays asiatiques comme le Cambodge, la Chine, le Vietnam, l'Inde et le Pakistan ont freiné leurs exportations de riz afin d'être en mesure d'assurer l'approvisionnement intérieur. Les autorités des Philippines ont averti que ceux qui stockaient du riz pourraient faire face à une accusation de sabotage économique devant les tribunaux. Un moratoire sur la conversion de terres agricoles pour la construction de logements ou de terrains de golf est à l'étude, tandis que les établissements de restauration rapide sont enjoints de ne servir qu'une demi-portion de riz. La FAO indique que la production de riz devrait augmenter cette année de 12 millions de tonnes, soit 1,8%, ce qui permettrait de soulager la pression. Elle s'attend à une augmentation « assez importante » des récoltes dans tous les grands pays producteurs de riz en Asie, notamment au Bangladesh, en Chine, en Inde, en Indonésie, en Birmanie, aux Philippines et en Thaïlande. M. Holmes est le dernier haut responsable en date à mettre en garde contre l'aggravation de la crise alimentaire à laquelle le monde est confronté. Josette Sheeran, directrice du Programme Alimentaire Mondial des Nations unies, avait déclaré le mois dernier : « Nous observons un nouveau visage de la faim. Nous constatons qu'elle concerne les villes, plus que jamais [auparavant]. Nous constatons que l'alimentation est présente dans les rayonnages [des magasins] mais que les gens ne sont pas en mesure de se la procurer. » Le programme a lancé un appel pour faire passer son budget d'aide de 2,9 milliards de dollars à 3,4 milliards afin de pouvoir faire face à la hausse des prix qui compromet sa capacité à fournir de la nourriture à 73 millions de personnes dans le monde. Robert Zoellick, le président de la Banque mondiale, a déclaré que « bien plus de gens vont souffrir et mourir de la faim » à moins que les Etats-Unis, l'Europe, le Japon ainsi que d'autres pays riches ne fournissent des fonds. Il a également rappelé que les prix de toutes les denrées alimentaires de base avaient augmenté de 80% en trois ans, et que 33 pays étaient confrontés à des troubles à cause de cette hausse. Au Royaume-Uni, le professeur John Beddington, nouveau conseiller scientifique en chef du gouvernement, a avertit lors de son premier discours le mois dernier que les effets de la crise alimentaire se feraient ressentir plus vite que les changements climatiques. Il estime que le secteur agricole devrait doubler la production alimentaire, tout en n'utilisant que moins d'eau qu'aujourd'hui. Il a également insisté sur le fait que la perspective d'une pénurie alimentaire au cours des 20 prochaines années était tellement grave qu'il fallait s'y attaquer immédiatement : « Le changement climatique est un réel problème qui est en train d'être traité grâce à de grands investissements mondiaux. En revanche, je suis inquiet au sujet de cet autre enjeu majeur - ayant la même échelle de temps - qui est celui de la sécurité alimentaire et énergétique. »