Le monumental quotidien américain «The Wall Street Journal» (WSJ) semble avoir besoin d'une restructuration sans précédent dans les annales de la presse mondiale. C'est ce que laisserait penser la « speed-evaluation» faite par Boubker Jamaï Lors d'une rencontre pour la défense de Bouachrine, organisée par l'AMDH, hier vendredi 31 mai 2019 à Rabat. Dans sa quête habituelle de profondeur, ce monsieur s'est emmêlé les pinceaux en parlant du WSJ. Profitant de la crédulité de la majeure partie de son auditoire, il a confondu ultra-conservateurs, libéraux, Bouachrine, sionisme et hommes d'affaires. Comble du ridicule, après une disgracieuse digression où il était même question de Marx, Boubker Jamaï a commencé à parler d'un article écrit par Ahmed Charaï dans le WSJ. Le problème c'est qu'il ne l'a même pas lu, ayant lui-même clairement dit que son contenu lui a été rapporté par Slimane Raissouni. Sait-il seulement que ce dernier a vraiment lu l'article ? et s'il l'a lu l'a-t-il vraiment compris ? Est-ce cela le devoir d'investigation et de recoupement dont se gargarisait Jamaï pour faire la leçon aux journalistes ? S'il s'était au moins donné la peine de lire l'article dont il parlait, Boubker Jamaï aurait vu que dès l'attaque, il y est question du mouvement «me too» lancé par les libéraux. Cela n'a pas empêché le WSJ, qu'il qualifie de «plus conservateur que les conservateurs», de le publier. «Wa Zegui m »ana a Si boubkar !» Pour rappel, l'article dont il est question a été publié en anglais. Nous en publions la traduction intégrale pour que tout le monde sache que la version de Raissouni, déclamée par Jamaï, n'est qu'un pur mensonge. Le 23 février, la police marocaine a arrêté Taoufik Bouachrine, rédacteur en chef du quotidien Akhbar al-Yawm, à son bureau de Casablanca. S'appuyant sur le témoignage de près de 30 femmes, y compris certains de ses propres employés, la justice a accusé Bouachrine de viol, tentative de viol, agression sexuelle et traite des êtres humains. Mais contrairement aux nombreux scandales médiatiques récents en Occident, qui ont donné lieu à l'expression de remords de la part des mis en cause, Bouachrine a nié toutes les accusations et a insisté sur le fait qu'il était victime d'un complot. Il convient de noter qu'il est un critique virulent du gouvernement et un ardent défenseur du Parti islamiste Justice et développement (PJD). De leur côté, certains défenseurs de la presse craignent que les accusations portées à son encontre ne soient une tentative de le faire taire. Ce qui est cependant clair, c'est que la plupart des Marocains, face aux accusations crédibles contre M. Bouachrine, ont peu de sympathie pour ses accusatrices. Les discussions entre jeunes sur Twitter et Facebook les pointent du doigt en les qualifiant de « tentatrices » et de « salopes », suggérant qu'elles l'ont piégé. On croyait que les camarades islamistes de M. Bouachrine, qui revendiquent une supériorité morale sur leurs rivaux politiques, allaient vite prendre leur distance de lui. Mais aucune déclaration n'a été faite dans ce sens par la direction du PJD ou par tout autre groupe islamiste. Par ailleurs, la réaction timide des groupes de défense des femmes au Maroc a peut-être été plus surprenante. La plupart sont restés silencieux à propos de M. Bouachrine ou ont ont simplement appelé les autorités à protéger les droits de l'accusé et de ses accusatrices. Même la division féminine du Parti socialiste unifié marocain a mis plus d'une semaine pour réagir. Une partie de cette équivoque et de ce retournement des blâmes peut être attribuée à la méfiance à l'égard du système judiciaire marocain. Mais cela n'explique pas l'hostilité généralisée à l'encontre des femmes courageuses qui se sont manifestées pour raconter leurs abus en public. La première, la journaliste Naima Lahrouri, a écrit qu'elle avait eu peur de s'exprimer parce que «de larges franges de la société ne rendent malheureusement pas justice aux femmes». Mais elle a souhaité que les Marocains sachent que «je m'en fiche si l'Etat a une querelle avec [M. Bouachrine.] Je me soucie seulement du fait qu'il me harcèle sexuellement. » Il faut savoir qu'aucune des accusateurs de M. Bouachrine qui ont fait des sorties publiques n'a déclaré avoir été violé, bien que toutes accusent leur agresseur d'abus sexuel. Son ancien employé, Kholoud al-Jabri, se plaignant de harcèlement sexuel, a lancé à un intervieweur de télévision : «Je suis prête à accompagner toute personne qui pense que j'ai été violée chez un médecin de son choix pour prouver que je suis toujours vierge. " La déclaration de Mme Jabri cache une la raison plus profonde, je crois, que M. Bouachrine bénéficie d'un soutien plus important que ses victimes présumées. La «culture d'honneur» règne toujours dans la société marocaine. Elle lie la dignité ou la honte d'une famille à la virginité de ses filles non mariées. Cette culture punit sévèrement une femme violée qui sera stigmatisée en permanence et aura de faible chance de trouver un mari.