Vouloir « pacifier » l'Afghanistan exclusivement par la force est une illusion. D'une manière ou d'une autre, un jour ou l'autre il faudra parler avec les talibans : de cela, aujourd'hui, la plupart des pays européens sont convaincus. Y compris la France qui vient pourtant de renforcer son contingent dans le cadre de l'ISAF, les troupes de l'Otan sur place. L'idée qui, de plus en plus prévaut, c'est tout simplement que les talibans sont des Afghans, qu'ils ne doivent pas être confondus avec les djihadistes internationaux, qu'ils sont représentatifs de fraction importante de la population de ce pays et qu'il n'y aura pas de réconciliation sans eux. Ce point de vue est aussi largement partagé en Afghanistan. Le dimanche 13 avril, le porte-parole du Front national, une formation d'opposition dirigée par l'ancien président Burhanuddin Rabbani, faisait état de contacts « à haut niveau » au cours des derniers mois entre des talibans et une délégation composée notamment de Burhanudin Rabbani et du conseiller du président Karzaï pour la sécurité, homme fort du Nord de l'Afghanistan, Mohammad Qasim Fahim. Une telle négociation, dont pour l'heure les Américains ne veulent pas, est évidemment risquée. Mais il n'y a sans doute, à terme, pas d'autre issue. « Il faut combiner la force et le dialogue, affirme le gouverneur de la grande ville pakistanaise de Peshawar, Owais Ahmad Thani, qui connaît parfaitement la société afghane. Car il n'y aura pas de solution tant qu'il n'y aura pas d'espace politique pour tous, quelle que soit la longueur de leur barbe ». En sachant qu'il faudra « des années pour reconstruire une nation » dans ce pays. Reste à savoir si les talibans, ou certains d'entre eux, sont prêts à faire les compromis nécessaires au retour de la paix, à tout le moins d'une paix relative. Leur popularité, réelle en pays pachtoune, vient de ce que leur combat est aujourd'hui considéré par la population comme une guerre de résistance contre une occupation étrangère. Le dossier afghan pose, plus généralement, la question de savoir si une force représentative d'un pan entier d'une société peut être éradiquée par la force, où s'il ne faut pas accepter l'idée qu'elle est là, et qu'elle doit avoir, sous certaines conditions, sa place dans le jeu politique. Une problématique que l'on retrouve en Palestine, avec le Hamas.