A 14 ans, il admirait Conchita Wurst, la diva à barbe qui avait remporté l'Eurovision. Cinq ans plus tard, Bilal Hassani, devenu lui aussi une égérie queer, va à son tour participer au concours musical européen où il défendra les couleurs de la France. Avec ses perruques, son maquillage, son look lorgnant du côté de Kim Kardashian (les courbes en moins) il est devenu en quelques semaines une sensation sur les réseaux sociaux, où il doit toutefois faire face à une campagne de haine. « Je suis très fier de représenter mon pays en étant 100% moi-même, malgré les gens qui ont pu me dire sur internet que je ne représentais pas la France », a affirmé dimanche 27 janvier 2019 sur France 2 le jeune homme d'origine marocaine. S'il plaide à sa façon pour l'acceptation de soi et repousse les codes classiques de la masculinité, en empruntant au vestiaire féminin tout en s'affirmant comme un homme, il fait fi de ceux qui doutaient du potentiel d'un « Arabe avec une perruque ». « C'est encore aujourd'hui un combat. Il y a beaucoup de haine, beaucoup de choses qui pourraient m'affaiblir, me donner l'impression que je devrais peut-être arrêter, me brider et m'autocensurer », a-t-il confié. Sa chanson « Roi » a éclipsé des chanteurs confirmés comme Chimène Badi ou Emmanuel Moire et raflé la mise samedi soir, grâce aux votes des téléspectateurs de « Destination Eurovision », l'émission chargée de désigner le candidat français pour le concours final en mai en Israël. « J'suis pas dans les codes, ça dérange beaucoup », chante Bilal Hassani dans « Roi », coécrite par le tandem Madame Monsieur, arrivé 13e à l'Eurovision en 2018 avec « Mercy » (sur le drame des migrants). « L'écriture et la création de ce morceau m'ont beaucoup aidé. C'était vraiment thérapeutique », précise le chanteur qui assure ne pas vouloir « donner de l'attention à la haine ». « Déjà plus de 1.500 tweets insultants, discriminants ou menaçants en raison de son orientation (sexuelle) et/ou de son apparence », a fait savoir le collectif Urgence Homophobie, qui s'est associé à Stop Homophobie pour attaquer en justice « chaque personne qui a insulté, discriminé ou menacé » en ligne le jeune chanteur. « Il faut savoir aussi que depuis que j'ai 9 ans, je suis accro à l'Eurovision, autant pour l'enjeu artistique que pour la symbolique: toutes ces cultures et ces différences que la musique réunit, il y a une vraie magie dans ce grand show », confie-t-il sur Instagram à ses fans qu'il appelle sobrement « mes vies ». « Roi » pourrait le placer à l'Eurovision dans les pas de France Gall et de Marie Myriam, la dernière gagnante française en 1977. Vu plus de 6 millions de fois, le clip montre Bilal, petit brun aux cheveux courts chanter, avant de s'affirmer quelques années plus tard avec un look plus travaillé. Passionné de musique et de chanteuses à voix à l'instar de Beyoncé, il a pris dès l'enfance des cours de chant et de danse tout azimuts. A 15 ans, il apparaît dans la saison 2 de l'émission télévisée « The Voice Kids » et se fait remarquer avec sa reprise de « Rise Like A Phoenix » de Conchita Wurst. Une prestation en forme de renaissance. Il devient peu après YouTubeur: sur la plateforme où il popularise son tonitruant « Bonjour Paris! », il fait son coming out, poste des vidéos de maquillage ou des reprises de ses idoles. Le tout avec humour et un sens certain de la mise en scène. Remarqué par Janet Jackson, gratifié d'une interview dans la revue spécialisée Billboard, Bilal Hassani doit sortir son premier album au printemps chez le label Low Wood. Il n'a pas encore 20 ans.