Le ministère de la Santé vient de dévoiler le «Plan Santé 2025». En plus d'être une vision, ce Plan est présenté aussi par ses auteurs comme étant un plaidoyer visant à faire adhérer l'ensemble des parties prenantes à la stratégie proposée pour que les objectifs, ambitieux, tracés soient atteints. Le financement de cette stratégie, sans compter les dépenses en ressources humaines, nécessitera un budget global estimé à 61 milliards de dirhams. C'est là toute la difficulté. Où trouver cet argent. En plus de l'optimisation des ressources disponibles et de l'application rigoureuse de la bonne gouvernement, le ministère veut instituer le principe du « pollueur-payer » en instituant son droit à bénéficier d'une partie des taxes issues de l'industrie du tabac, par exemple. Il veut aussi s'ouvrir aux partenariats public-privé, veut responsabiliser les régions et les institutions locales dans l'investissement pour la Santé publique, etc… Pour rappel, les grandes lignes de ce Plan ont été présentées et approuvées en Conseil de Gouvernement le 19 avril 2018. Cette vision, précise le ministère de la Santé, s'inscrit dans la continuité des plans 2012-2016 et 2017-2021, et repose sur sur 3 piliers. Le premier est l'organisation et le développement de l'offre de soins en vue d'améliorer l'accès aux services de santé. Le deuxième concerne le renforcement des programmes nationaux de santé et de lutte contre les maladies. Le dernier est relatif à l'amélioration de la gouvernance et l'optimisation de l'allocation et de l'utilisation des ressources. Ces 3 piliers se déclinent en 25 axes, 125 actions et près de 700 mesures opérationnelles. Le tout repose sur six valeurs : équité, solidarité, accessibilité, qualité, performance et redevabilité. Le ministère que dirige Anas Doukkali rappelle que le Plan Santé 2025 s'inscrit également dans la stratégie mondiale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) relative aux ressources humaines à l'horizon 2030. Cette stratégie vise l'optimisation de la performance, de la qualité et de l'impact du personnel de santé à travers des politiques de ressources humaines s'appuyant sur les données factuelles, contribuant à assurer la santé et le bien-être des individus, une couverture sanitaire universelle effective, la résilience et des systèmes de santé renforcés à tous les niveaux. Elle vise aussi la concordance entre l'investissement dans les ressources humaines pour la santé aux besoins futurs de la population et des systèmes de santé, en tenant compte de la dynamique du marché du travail et des politiques d'éducation, de manière à pallier les pénuries et améliorer la répartition du personnel de santé et parvenir ainsi à une amélioration maximale des résultats sur les plans de la santé, du bien-être social, de la création d'emplois et de la croissance économique. Son autre objectif est le renforcement des capacités des institutions aux niveaux local, national, régional et mondial pour un leadership et une gouvernance efficace des mesures prises dans le domaine des ressources humaines pour la santé. S'y ajoute le renforcer des données concernant les ressources humaines pour la santé, pour le suivi et le contrôle de la mise en œuvre des stratégies nationales et régionales et de la stratégie mondiale Pour rappel, l'OMS situe le Maroc parmi les 57 pays du monde qui présentent une pénurie aiguë en personnel soignant. Etat des lieux selon le Plan Santé 2025 Actuellement, les effectifs du personnel médical et infirmier demeurent largement en deçà des besoins minimaux pour garantir à l'ensemble de la population une offre de soins de qualité. Les données indiquent que les médecins, dentistes, pharmaciens, sages-femmes et infirmiers exerçant dans le secteur public représentent un effectif de 47.364 professionnels, soit un ratio de 7,3 médecins pour 10.000 habitants et 9,2 infirmiers et techniciens de santé pour 10.000 habitants La distribution régionale des professionnels de santé favorise largement les régions métropolitaines et les zones urbaines. 40% des professionnels du public et 60 % des professionnels des deux secteurs sont concentrés dans les régions Casablanca- Settat et Rabat-Salé-Kénitra où vivent 34% de la population. La région Tanger-Tétouan-Al Hoceima ne dispose que de 11% des effectifs du secteur public et de 8% des effectifs des deux secteurs. Il en est de même pour les autres régions: Béni Mellal-Khénifra : 5 % pour les deux secteurs, Souss- Massa: 6% pour les deux secteurs, Drâa-Tafilalet: 3 % pour les deux secteurs, Laâyoune-Sakia Al Hamra : 2 % pour les deux secteurs. La répartition entre médecins généralistes et médecins spécialistes dans le secteur public (graphique 3) est anormalement inversée, soit 4 792 généralistes pour 9 174 spécialistes. Le personnel paramédical du secteur public (infirmiers auxiliaires, assistants médicaux et adjoints de santé, techniciens spécialisés…) totalise 32.040 personnes, dont 7 455 exercent au niveau des CHU. Le Plan Santé 2025 diagnostique un vieillissement chez le corps médical La pyramide des âges des ressources humaines du secteur public révèle des effectifs plus importants dans la tranche d'âge des 40-60 ans. Les sorties annuelles du personnel dépassent dans certains cas (en 2016) les postes budgétaires alloués, soit 2 312 professionnels. 6 687 fonctionnaires du Ministère de la Santé partiront à la retraite par atteinte de la limite d'âge dans cinq ans, soit 14 % de l'effectif du personnel actuel. Ils seront 10 295 à l'horizon 2025, soit 22 % de l'effectif actuel. Par rapport aux besoins exprimés par le Ministère de la Santé, soit plus de 51.000 postes budgétaires entre 2008 et 2018, seuls 23.600 postes budgétaires (dont 94,5 % pour les corps métier et 5,5% pour les corps support) ont été créés, alors que durant la même période 10.450 départs à la retraite (dont 78 % pour les corps métier et 22 % pour les corps support) n'ont pas été compensés. Ces départs vont s'accentuer au cours des quinze prochaines années pour atteindre une moyenne annuelle dépassant 1.400 départs. Par ailleurs, la demande en personnel de gestion qualifié pour faire face aux besoins nouveaux et pointus exigés par les réformes majeures engagées devra être prise en considération, et une politique de formation adéquate doit être mise en place dès à présent. Chers médicaments Le Plan Santé 2025 relève que les prix des médicaments restent élevés par rapport au pouvoir d'achat des Marocains comparé à celui de pays similaires, que les protocoles thérapeutiques ne sont pas généralisés, que le système d'approvisionnement et de gestion du médicament dans le secteur public est défaillant et que la pénétration du générique est faible. Ce document nous apprend aussi qu'aujourd'hui, 66 % de la population marocaine dispose d'une couverture médicale de base (AMO, y compris pour les étudiants, 31 % et RAMED 35%). Prévalence de certaines maladies graves . L'incidence des cancers, d'après le Registre des cancers du Grand Casablanca pour l'année 2012, est estimée à 40 000 nouveaux cas par an. . L'insuffisance rénale, selon l'enquête sur les maladies rénales au Maroc (MAREMAR) réalisée en 2011, a montré que la prévalence de la maladie rénale chronique avoisine les 3%, soit environ 1 million de personnes concernées. . Les maladies respiratoires chroniques, notamment l'asthme (environ 3,7% chez l'adulte et 4,4% chez l'enfant) et la broncho-pneumopathie chronique obstructive (3,9 %) sont de véritables problèmes de santé publique au Maroc. Carences infrastructurelles Au plan des infrastructures, on dénombre, pour une population supérieure à 34 millions d'habitants, 34 structures de soins psychiatriques et addictologiques réparties dans les différents réseaux d'établissements de santé (réseau hospitalier, réseau de soins de santé primaires et réseau d'établissements médico-sociaux). La capacité litière totale est de 2209 lits, soit une densité de 0,65 lit pour 10 000 habitants. Ce chiffre reste inférieur à la moyenne de la région EMRO (1 lit/10 000 habitants). On observe d'autre part une iniquité dans la répartition territoriale de ces structures. Actuellement, deux régions ne disposent pas encore de structure psychiatrique ou addictologique (Dakhla- Oued Eddahab et Guelmim-Oued Noun). Handicap et vieillissement en chiffres Les personnes en situation de handicap, qui représentent près de 7 % de la population du Maroc, dont 33,7% sont âgées de 60 ans et plus. La prévalence du handicap, en nette augmentation à l'échelle mondiale, est aujourd'hui un réel défi pour le Maroc, compte tenu du vieillissement de la population et des pathologies afférentes à ce groupe. Les personnes âgées, dont 64,4 % sont atteintes au moins d'une maladie chronique en 2017, contre 57,5% en 2011. Les prévalences du diabète et de l'hypertension artérielle sont respectivement de 20% (22,9% en milieu urbain et 15,3% en milieu rural) contre 14,8% en 2011 et 34% (36,4% en milieu urbain et 30,1 % en milieu rural) contre 28 % en 2011 (ENPSF, 2018).