C'était il y a 5 ans. Le 19 mars 2003 l'armée américaine lançait ses premiers missiles sur Bagdad. Avec un objectif : faire tomber Saddam Hussein. Ce sera chose faite quelques semaines plus tard. Mais à l'époque les Américains n'imaginaient pas que la suite serait aussi difficile. Personne, ni à la Maison Blanche, ni au Pentagone, n'avaient prêté attention aux mises en garde des analystes du Département d'Etat. Le secrétaire à la défense Ronald Rumsfeld ne voulait pas s'intéresser à l'après-Saddam et les néo-conservateurs qui l'entouraient étaient persuadés que les Irakiens découvriraient avec enthousiasme les charmes de la démocratie. Au lieu de quoi, le pays s'est enfoncé dans la guerre. Dans les guerres, plutôt. Car les Américains se sont très vite trouvés confrontés à une mosaïque de violences : insurrectionnelle, avec la montée en puissance du mouvement Al Qaïda ; inter-communataires, opposants chiites et sunnites ; intra-communautaires, à l'intérieur du camp chiite puis entre les salafistes et certaines grandes tribus sunnites ; criminelle presque toujours ; intra-régionale enfin, sur fonds de lutte d'influence entre l'Iran et les grands pays arabes sunnites, notamment l'Arabie Saoudite. Près de 4000 soldats américains ont été tués, 29 000 blessés. Quant au victimes irakiennes de la violence, nul n'en connaît le nombre exact. L'Organisation mondiale de la santé parle d'au moins 150 000 personnes. Au plus fort de la violence, en 2006 et pendant le premier semestre 2007 les experts faisaient état de 1500 morts chaque mois. La guerre a chassé de chez eux un très grand nombre d'Irakien, au point de provoquer un exode qui n'a de comparable, par son ampleur, dans la région que celui des Palestiniens en 1948. La donne est-elle en train de changer ? Les attentats sont encore fréquents mais le niveau de la violence, et le nombre de victime a effectivement diminué ces derniers mois. Une statistique américaine récemment publiée faisait état de 60 morts par jour en janvier 2008 au lieu de 180 en juin 2007. Fragile, cette accalmie très relative, s'explique pour deux raisons : une nouvelle stratégie américaine, mise en place par le commandant en chef des forces américaines sur place, le général David Petraeus et la trêve décrété en août 2007 par Moqtada Al-Sadr, le chef de l'armée du Mahdi, l'un des groupes chiites les plus radicaux. La stratégie de David Petraeus a consisté à mettre en uvre, pour la première fois, une politique volontariste de cooptation de certaines milices sunnites liées à certaines tribus. En clair, à retourner une partie des sunnites contre les combattants proches d'Al Qaida. C'est un changement complet par rapport à l'attitude des Américains au lendemain de la chute de Saddam. Ils avaient alors démantelé l'armée du dictateur tout comme le parti Baas- et s'était du même coup aliéné un grand nombre de Sunnites, privés du jour au lendemain de revenus. Le général Petraeus au contraire s'est assuré la collaboration de milices supplétives sunnites à travers une série de pourparlers menés avec les chefs des grandes tribus. Ils seraient aujourd'hui 80 000, payés par le Pentagone et essentiellement basés au nord du pays. La situation demeure cependant très fragile. La trêve observé par les 60 000 miliciens de Moqtada Al-Sadr n'avait été décrété que pour 6 mois, à la suite de sanglants affrontements inter-chiites dans la ville de Kerbala. Et nul ne sait ce qu'il en est actuellement des très discrets pourparlers dans lesquels sont engagés,, notamment sur ce point, Iraniens et Américains. Quant aux supplétifs sunnites du général Petraeus, ne peut dire aujourd'hui s'ils seront, sur la durée, une force de pacification. Ou des Seigneurs de la guerre. Cette politique tribale pourrait bien en effet déboucher sur une multiplication des conflits locaux. Bien loin en tous cas de la reconstruction et de la réconciliation nationale