Les retombées de la capture de Saddam Hussein s'estompent devant le ressentiment éprouvé par les Irakiens envers la coalition du fait des violences, des pénuries et de l'inflation galopante. Les fidèles du président déchu ont bravé les interdits et les soldats US pour manifester leur sympathie envers le captif. La capture de Saddam Hussein n'entraîne aucune diminution de la violence en Irak, où des groupes armés ont lancé plusieurs attaques, alors que s'instaurait un débat sur les modalités d'un futur procès de l'ancien président. Des analystes irakiens et étrangers estiment que la spectaculaire arrestation de l'ancien dictateur risque paradoxalement d'unifier une guérilla antiaméricaine jusqu'alors très divisée. « La capture de Saddam Hussein va donner plus de force à la résistance », a ainsi déclaré Hassan al-Ani, professeur de sciences politiques à l'Université de Bagdad. « Les gens qui n'acceptent pas l'occupation vont être libres de lutter sans être considérés comme des partisans de Saddam.» À Londres, plusieurs experts relevaient eux aussi que la capture de Saddam Hussein, politiquement importante pour MM. Bush et Blair, pourrait galvaniser la résistance contre la coalition et ses alliés. Entre-temps, le sort judiciaire de l'illustre prisonnier divise la communauté internationale, partagée entre un procès en Irak ou son jugement par un tribunal international et sur l'application ou non de la peine de mort. « Maintenant, l'ancien dictateur va faire face à la justice qu'il a refusée à des millions de personnes », avait déclaré dès dimanche M. Bush, sans dire devant quelle instance il souhaitait que Saddam Hussein comparaisse. Mais il a refusé de se prononcer sur la question de la peine de mort. « J'ai mes opinions personnelles sur la façon dont Saddam doit être traité, mais je ne suis pas un citoyen irakien. Ce sont les Irakiens qui vont devoir décider, a déclaré Bush, partisan connu de la peine capitale. Pour le président en exercice du Conseil intérimaire de gouvernement irakien, Abdel Aziz Hakim, c'est le tribunal pénal que vient de créer le Conseil qui doit juger Saddam Hussein. M. Hakim a déclaré qu'il pourrait y avoir « des conseillers et des personnalités internationales » lors du procès. Il a aussi affirmé que l'ancien président serait passible de la peine de mort. La Grande-Bretagne s'est au contraire opposée à une condamnation de Saddam Hussein à la peine capitale. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Iouri Fedotov, a déclaré que « seul le peuple irakien peut décider du sort de ses ex-dirigeants». Un certain nombre de voix ont mis en question l'impartialité et la capacité même de fonctionnement du Tribunal pénal chargé de juger les crimes contre l'humanité du régime de Saddam Hussein mis en place par le Conseil de gouvernement irakien. D'autant que, selon le Washington Post, les Irakiens souhaitaient que le procès se tienne dès le printemps prochain. C'est un suspect, pourchassé depuis des mois par l'armée américaine, qui a mené les troupes à Saddam Hussein. Les militaires ont mis la main sur le confident de l'ancien président vendredi tard le soir ou samedi matin à Bagdad. Ils l'ont emmené à Tikrit, où ses aveux ont conduit la 4e division d'infanterie (4ID) à la cache de Saddam Hussein dans la localité d'al-Daour, a indiqué le colonel James Hickey, commandant de 1re brigade de la 4ID qui a capturé le dictateur samedi soir. Le fugitif n'a pas été identifié. On sait que les soldats l'ont poursuivi deux jours mais, il a échappé aux mailles du filet. L'armée a fini par apprendre de quelques détenus que le suspect s'était probablement rendu à Bagdad. Finalement, le colonel Hickey a été informé à 10h50 heure locale samedi de l'arrestation du suspect dans la capitale. Initialement, ce prisonnier avait indiqué que Saddam Hussein se trouvait à l'ouest de Tikrit. Vers 11h00, le colonel Hickey a demandé à ses commandants de se tenir prêts à capturer l'ancien président plus tard dans la journée. Le prisonnier a été entre-temps emmené de Bagdad à Tikrit pour interrogatoire. « Des personnes très qualifiées ont conduit l'interrogatoire », a dit l'officier. Mais il n'était pas encore sûr d'obtenir les renseignements dont ils avaient besoin pour capturer Saddam Hussein. Ses hommes ont lancé des dizaines de raids à la recherche du président déchu autour de Tikrit depuis avril, date de la chute de son régime. Selon le colonel Hickey, ils l'ont parfois raté de peu. Mais cette fois-ci, c'était différent. En fin d'après-midi, le suspect a craqué et indiqué à ses interrogateurs où Saddam Hussein pourrait se cacher. « À 17h00, moi-même et quelques commandants avons appris que le suspect (Saddam Hussein) se trouverait dans la localité d'al-Daour, à l'une de deux localisations spécifiques », a poursuivi l'officier, confirmant que l'information avait été obtenue du suspect arrêté à Bagdad. Ce dernier a aussi avoué que Saddam Hussein pourrait avoir trouvé refuge dans un endroit souterrain dans un secteur proche de palmiers, selon le colonel Hickey. Il n'a pas précisé si l'armée avait payé une récompense au confident capturé de Saddam Hussein dont la tête avait été mise à prix par les Américains pour 25 millions de dollars. Mais il a clairement dit que le fugitif avait été un élément crucial dans la traque et qu'il était recherché depuis des mois. « Il y avait quelque chose dans son passé qui avait attiré notre attention. Et au fur et à mesure que nous obtenions plus d'informations à son sujet, depuis le 8 juillet jusqu'à présent, nous étions très intéressés de lui parler », a dit le colonel Hickey. Saddam Hussein est un homme « brisé » qui implore apparemment ses geôliers de le protéger de son propre peuple, a déclaré un responsable irakien qui a pu le rencontrer peu après sa capture. « J'ai trouvé un homme brisé. Il était, il me semble, psychologiquement à bout et très démoralisé», a-t-il affirmé.