La politique étrangère ne suffit plus à se faire réélire. L'exemple de George Bush père battu à plates coutures à la fin de son premier mandat, alors qu'il venait de conduire la première guerre d'Irak a été médité par les dirigeants de la planète, Nicolas Sarkozy en tête. Il ne suffit plus d'aller plastronner aux cotés des Grands de ce monde pour faire oublier à ses concitoyens les difficultés du temps présent. Le président français ne se faisait donc guère d'illusions sur le bénéfice électoral à espérer de la tenue d'un G20 à Cannes. Tout au plus espérait-il que l'énergie déployée pour contenir la crise des dettes souveraines soit mise à son crédit. Que l'image s'impose d'un président qui maitrise des dossiers dont la complexité est décourageante. D'un homme d'état au dessus des contingences, s'employant à réformer les aberrations du système financier international. C'était l'an dernier. Il y a un siècle. Avant le printemps tunisien, la guerre en Libye, le coup d'Etat en Egypte. Avant le tsunami japonais et la catastrophe de Fukushima. Quand l'Amérique avait encore son triple A. A l'époque où l'euro était censé protéger l'Europe des mauvais vents de la mondialisation, donc avant que l'Europe ne réclame l'aide de la Chine pour protéger l'euro. Tout un monde désormais enfoui. La France prétendait alors réformer le système monétaire, améliorer la gouvernance mondiale et la régulation financière, lutter contre la volatilité des prix des matières premières et imposer une mini-taxe pour financer le développement. C'était ambitieux au point de faire sourire les sceptiques mais seuls les cyniques pouvaient juger l'objectif vain. La décision de George Papandréou de recourir au référendum pour faire adopter par les Grecs le plan négocié la semaine dernière à Bruxelles a dynamité le programme pourtant revu à la baisse du G20. Il y a longtemps que le mot même de référendum est tabou en Europe. C'est normal puisqu'il est devenu quasi impossible à un gouvernement en place de les remporter. Et cette désaffection se manifeste à chaque scrutin européen où le nombre d'électeurs à se déplacer est en baisse constante. Plus aucun gouvernement ne semble en mesure de faire accepter à sa population un nouveau transfert de souveraineté vers Bruxelles. Et surtout pas les Grecs qui endurent une crise sans précédent et s'imaginent victimes des manigances de leurs voisins. Désormais en Europe, les référendums donnent la parole aux peuples pour qu'ils disent le ras-le-bol que leur inspire la classe dirigeante. Ils ne répondent pas aux questions posées, ils disent non à ceux qui les posent. C'est ainsi que malgré 3 000 policiers sur le qui-vive, un Awacs dans le ciel et le commando Marine sur la plage, un Kamikaze a réussi à dynamiter la réunion du G20. Y compris les illusions de l'Europe à définir la place de Pékin dans l'économie mondiale, en obtenant un calendrier en vue d'une convertibilité du yuan. Chinois et Américains ont pris un malin plaisir à accuser l'Europe de tous les maux, soulignant son incapacité à se gendarmer, regrettant le risque qu'elle fait courir à l'économie mondiale, et faisant ainsi oublier leurs propres responsabilités. On a ainsi revécu à Cannes ce qui s'était passé à Copenhague : la solitude de l'Europe prise en étau par les pays émergents et les pays industrialisés… Autre leçon amère pour la diplomatie française, c'est de mesurer les dégâts qu'aura provoqués la crise libyenne dans le dialogue avec les pays émergents. L'Afrique du sud, le Brésil et l'Inde n'ont pas apprécié l'interprétation «imaginative» que Paris et Londres ont imposée de la résolution 1973. Les massacres de Syrte, l'exécution sommaire des Kadhafi, père et fils, ont entaché d'un jour assez sinistre la mission officiellement dévolue de «protéger les civils». L'opposition de la Russie et de la Chine étaient prévisibles et elle a été contournée. En revanche, la crispation de Brasilia, Johannesburg et Delhi qui ont soupçonné en Libye une entreprise néo coloniale laissera des traces. De même, la perte de confiance de Paris et de Londres dans la capacité de ces puissances à assumer des responsabilités mondiales. La France s'est bien gardée à Cannes de remettre sur le devant de la scène la réforme du Conseil de sécurité de l'Onu. C'était l'un des chevaux de bataille de Nicolas Sarkozy, il y a un an à Séoul. Il restera désormais à l'écurie.