C'était le 26 février. Ce jour là, l'Inde a annoncé avoir procédé « avec succès » a un premier tir expérimental d'un missile balistique à capacité nucléaire depuis une plate-forme sous marine dans le golfe du Bengale. Le missile, le K-15 est destiné à équiper un futur sous-marin nucléaire de fabrication indienne. Déjà capable de tirer des missiles à lancement terrestre et aérien, l'Inde rejoindrait ainsi le club très fermé des pays maîtrisant le tir sous-marin d'un missile. Il ne comprend, pour l'heure, que les Etats Unis, la France et la Russie, le Royaume Uni disposant pour sa part de systèmes américains. Un autre pays y est presque : la Chine. Si le Pakistan demeure le rival traditionnel, l'Inde dispute aussi à la Chine la place de première puissance d' Asie. Ce qui est loin de déplaire à Washington. L'Inde a longtemps été alliée à l'Union soviétique. Sans l'avoir vraiment choisi : elle était plutôt de ce bord là, sur fonds de guerre froide quand il fallait être dans l'un ou l'autre camp. Ensuite, il y avait eu la guerre des Moudjahidines afghans contre l'armée rouge et l'alliance scellée à cette occasion entre les Etats Unis et le Pakistan, l'ennemi de toujours. Amorcé par la visite de Bill Clinton en Inde en mars 2000, accéléré au lendemain du 11 septembre 2001, le rapprochement de la plus grande démocratie du monde et de l'Amérique s'est concrétisé en 2005 avec une offre américaine sans précédent : un « partenariat stratégique » entre les deux pays débouchant non seulement sur des ventes d'armes mais aussi sur la fourniture de réacteurs nucléaires civils. En clair, une reconnaissance de facto par Georges Bush du statut de puissance nucléaire de l'Inde (dont les premiers essais remontent à 1998), cette dernière s'engageant en échange à séparer ses installations nucléaires militaires et civiles et à placer les secondes sous le contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique. La très grande compréhension dont font preuve les Américains à l'égard des ambitions nucléaires de l'Inde alors que les même ambitions, nourries par les mollahs de Téhéran leur sont insupportables et viennent de faire l'objet de nouvelles sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies - s'explique largement par les inquiétudes que suscite à Washington la montée en puissance de la Chine. Les stratèges de Washington considèrent qu'elle est, à terme, la seule puissance susceptible de menacer l'hégémonie américaine. Et qu'il importe donc d'aider l'Inde à devenir un contrepoids. Y compris dans le domaine nucléaire, pourtant si sensible.