S'il fallait encore une preuve pour s'en convaincre, eh bien elle a été administrée tout récemment ! Quand il s'agit d'aller en bon ordre vers le front des négociations avec le gouvernement, les centrales syndicales se surpassent en sectarisme, pour ne pas dire en égoïsme, lors du moment de vérité. Celui où il s'agit de définir une feuille de route et d'harmoniser les approches. Le débat fraîchement relancé sur les augmentations de salaires sectorielles, le relèvement du SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti), du SMAG (salaire minimum agricole garanti), l'amélioration des pensions de retraites et autres questions connexes telles que l'assainissement du climat social dans les entreprises… Tout cela a été remis sur le tapis avec, pour toile de fond, les mêmes appréhensions d'usage : fait-on vraiment un pas en arrière mais deux pas en avant, pour avancer mathématiquement parlant, ou bien n'est-ce qu'un épisode de plus dans l'interminable feuilleton des relations conflictuelles entre gouvernement, patronat et centrales syndicales ? Des acquis objectifs Réunis l'autre semaine à Rabat, dans le cadre d'un conclave qu'on disait fort opportun compte tenu du climat économique et politique du moment, les acteurs du dialogue social ont certes entériné un certain nombre de décisions assises sur le principe du consensus. Présidé par le Premier ministre Abbas El Fassi, le round actuel des négociations (entamées déjà depuis février dernier et dynamisées lors de la dernière semaine d'avril) s'est en effet soldé par l'adoption de mesures que la plupart des signataires concernés présentent comme un acquis objectif. Mais l'absence à cette étape des négociations d'acteurs de poids réduit sensiblement l'intérêt d'une telle initiative, même si l'on admet toujours volontiers que les absents ont tort et que la majorité des opinions prime sur le reste. En l'occurrence, la FDT (Fédération démocratique du travail), l'UGTM (Union générale des travailleurs du Maroc), l'UMT (Union marocaine du travail) et l'UNTM (Union nationale du travail au Maroc), qui représentent à elles seules l'essentiel du mouvement syndical dans le pays, ont dû se résoudre à l'idée de faire des compromis pour arracher des accords avec le gouvernement et mieux baliser les rapports avec le patronat. Ce dernier étant engagé lui aussi dans la dynamique, sous la houlette de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc). Comme on s'y attendait un peu, la CDT (Confédération démocratique du travail) a préféré jouer la carte du boycott, défendant une ligne somme toute classique dans sa stratégie, fondée sur le rejet du «traitement irresponsable du gouvernement vis-à- vis du mouvement syndical et du mépris des revendications matérielles, sociales et professionnelles légitimes de l'ensemble des salariés», lit-on dans le communiqué publié par la centrale. Quoi qu'il en soit, les acquis restent de bons acquis (voir encadré) et les semaines à venir seront certainement décisives dans ce processus auquel toutes les parties veulent donner du sens, loin des passions et des tensions négatives. Car, faut-il le appeler, la conjoncture commande plus que jamais la sérénité et l'apaisement pour permettre au pays de traverser la phase des turbulences actuelles…