La campagne présidentielle en France est un feuilleton qui épuise les scénaristes. On pense à ces séries américaines, où les personnages réinventent leurs rôles saison après saison. L'échéance est dans treize mois seulement mais polarise toute la vie publique. Cela tient à la présidentialisation du régime et à la personnalité de Nicolas Sarkozy qui a fait de son mandat une campagne permanente et hystérise la scène politique. Les Français sont à ce point obsédés par le rendez-vous que la rumeur du monde (réveils arabes, désastre japonais, dénouement ivoirien, menaces européennes, etc.) semble un entre-actes. Pour l'instant, les premiers rôles s'économisent. Ils attendront le dernier moment pour se dévoiler. Dominique Strauss-Kahn est tenu à cette réserve par les règlements du FMI. Il devra abattre son jeu à l'été, avec les primaires socialistes. Nicolas Sarkozy entretiendra lui aussi un semblant d'ambiguïté pour préserver autant que possible son autorité de chef d'Etat. Plongé dans les abîmes des sondages, il espère encore tirer quelques dividendes des interventions en Libye, en Côte d'Ivoire ou au G20. Les têtes d'affiche étant provisoirement empêchées, place aux seconds rôles. Après l'épisode Borloo et la saga Le Pen, voici la séquence Nicolas Hulot. L'animateur de télévision a annoncé sa candidature à l'investiture écologiste et mis les Verts sans dessus-dessous. Il n'a pas besoin de mener campagne pour être populaire. Sa notoriété remonte aux années 80, avec la création d'Ushuaia, un magazine de l'extrême. Il a ensuite créé la fondation qui porte désormais son nom. Il l'a conçue comme un groupe de pression censé influer sur les décideurs politiques pour « inciter les citoyens à adopter les bons gestes au quotidien ». Une stratégie d'influence qui l'amena à faire un bout de chemin avec Jacques Chirac, à obtenir des candidats à la dernière présidentielle qu'ils signent son « pacte écologique » et enfin, à soutenir avec enthousiasme le Grenelle de l'Environnement. Autant de rendez-vous décevants. Comme les politiques n'ont pas répondu à ses attentes, il était naturel que Nicolas Hulot tente lui-même de faire prévaloir ses idées en s'imposant sur la scène politique. Les médias qui le reconnaissent comme l'un des siens ont assuré une couverture flatteuse à son entrée en politique. Son discours programme prétend « libérer la société et les esprits des diktats d'un mode de production et de consommation contaminés par l'illusion de la croissance quantitative et s'émanciper d'un monde happé par la frénésie du toujours plus et par la compétition agressive, s'affranchir du profit et du marché sans limite, réhabiliter l'esprit public… » Le tout dit sans rire. Perspective assez verbeuse et suffisamment ambitieuse pour rallier toutes les chapelles de l'écologie à la française. Sauf que les dirigeants historiques du mouvement sont de redoutables man?uvriers qui n'ont pas l'intention de se laisser écarter par le nouveau venu. Ils lui trouvent tous les défauts. D'avoir été proche de J. Chirac ou de Jean-Louis Borloo, c'est-à-dire trop à droite. De devoir sa fortune à TF1 et que sa fondation soit subventionnée par des groupes puissants, c'est-à-dire trop proche de la grande industrie toujours soupçonnée de pires crimes contre l'environnement. Pour un homme de télévision habitué à susciter la sympathie, c'est une épreuve que d'essuyer le feu des critiques et le poison des insinuations. Il va lui falloir endurer bien pire. Etre candidat à la présidentielle impose d'embrasser tous les sujets. D'avoir réponse à tout. Avoir un plan pour sauver Benghazi, l'euro ou le système de protection sociale. Développer un projet pour la Méditerranée et décrire dans le détail son programme fiscal ou sa réponse aux problèmes que soulèvent l'immigration, la grande pauvreté ou le vieillissement de la population. Il ne s'agit pas seulement d'avoir des idées pour relancer la croissance, il faut les développer, les chiffrer, les défendre face à des candidats qui ont l'expérience du monde, du gouvernement des hommes et de la gestion des grands équilibres. Nicolas Hulot n'a pas forcément la carapace pour survivre à ce combat héroïque que représente l'engagement politique. Sa notoriété et son talent l'ont hissé au premier rang et rendu familier des Français de tous les milieux. C'est un capital dont il sera difficile de tirer un dividende en politique. A moins que l'utopie qu'il ambitionne d'incarner dans la course présidentielle semble aux Français une réponse aux angoisses qui les travaillent. Ces questions d'identité, cette quête de sens, ces peurs du lendemain, du déclassement et de violence qui font le lit de tous les extrêmes.