Côté cour, il y a cette drôle de guerre qui se déroule sur le littoral libyen, entre mer et désert, entre l'aviation et l'artillerie lourde du colonel Kadhafi et quelques milliers d'insurgés venus de Cyrénaïque. Des «combattants aux pieds nus», jeunes opposants enthousiastes et courageux, dont la plupart portent une arme – quand ils en ont une – pour la première fois. Ils sont mal encadrés par d'ex-militaires de l'armée libyenne qui ont tourné casaque. Sans stratégie, sans intendance, seule l'impéritie de l'armée du colonel et de ses équipements militaires explique qu'ils tiennent le terrain depuis une grande semaine et n'ont reculé que de quelques dizaines de kilomètres vers l'Est, en direction de Ras Lanouf, le terminal pétrolier. Côté jardin, c'est une véritable guerre diplomatique qui a débuté entre les deux camps ennemis. Le 8 mars, le colonel Mouammar Kadhafi envoyait un émissaire au Caire pour y rencontrer des militaires du Conseil suprême. Le lendemain, il expédiait un autre responsable au Portugal via Malte et deux autres à Bruxelles. Ce même jour, deux membres du Conseil national de transition, l'organe représentatif de la rébellion, Mahmoud Jebril, 59 ans, ex-ministre du Plan, et Ali Al-Esawi, 45 ans, ambassadeur en Inde il y a deux semaines encore, étaient reçus à Strasbourg, par des députés européens des partis libéraux et démocrates. Leur objectif : obtenir que le Conseil national de transition (CNT) soit reconnu comme le «seul représentant de la Libye». Leur avantage : être les opposants de Mouammar Kadhafi dont les 41 ans passés à la tête de la Libye n'auront laissé que de mauvais souvenirs politiques et diplomatiques. Sauf peut-être dans quelques pays d'Afrique noire qui sont plus ses obligés que ses alliés ? C'est le 27 février qu'en Cyrénaïque, province rebelle de l'Est de la Libye, les insurgés décidaient de créer le CNT. Ses contours sont flous. Il rassemble alors une trentaine de personnes, de tous horizons. Dans la Jamahiriya libyenne (l'Etat des masses), les partis, associations, corps intermédiaires sont interdits. Les opposants ne représentent pour la plupart qu'eux-mêmes. Ils sont tous originaires de Cyrénaïque, et ont pour point commun, une même détestation du système politique mis en place par Kadhafi et un même désir de changement pour bâtir une Libye moderne. Moustapha Abdeljalil, ministre de la Santé jusqu'à la mi-février, réputé honnête homme, a été nommé à la tête de ce Conseil transitoire. Dans l'immédiat, leur souci est de renverser Mouammar Kadhafi. Ensuite, ils élaboreront un programme politique et leurs divergences éclateront probablement au grand jour entre libéraux, modernistes, islamistes (influents en Cyrénaïque) et représentants des tribus. Dans l'immédiat, les deux membres du CNT présents à Strasbourg ont fait des demandes explicites aux Européens : reconnaissance officielle du Conseil de transition ; aide militaire, économique, médicale, humanitaire ; création d'une zone d'interdiction de survol par l'armée libyenne. Mais ont-ils expliqué : «l'Histoire libyenne doit être écrite par des mains libyennes. Il faut paralyser le pouvoir meurtrier de Kadhafi mais vous devez nous donner les moyens de le faire nous-mêmes». En clair, pas question d' envoyer des soldats étrangers sur notre sol. La sagesse.