Au lendemain du déclenchement de la crise mondiale, plusieurs responsables marocains ont affirmé que nos fondamentaux sont solides et que nos systèmes, aussi bien bousier que bancaire, sont à l'abri de la crise. Or depuis, la tendance baissière s'est bien installée et les temps ont bien changé pour la place boursière de Casablanca. On a commencé alors à chercher la cause de ce plongeon. Quels que soient les arguments avancés pour justifier la dégringolade spectaculaire de la place, l'activité de la bourse de Casablanca est donc concernée par les répercussions de la débandade des marchés internationaux. En 2009 et même en2010 aucune introduction n'a été enregistrée. Les principaux indicateurs alimentent les craintes des investisseurs et des petits épargnants. D'après les analystes financiers, les pertes de la bourse de Casablanca se sont chiffrées en milliards de dirhams. Cette tendance est inquiétante, d'autant plus que le marché boursier évolue dans le clair-obscur tout en donnant, lors de certaines séances, l'impression de monter. Au passage, le MASI, indice de toutes les valeurs cotées, est entré en 2010 dans une spirale haussière. Cependant, une telle hausse n'a ni la vigueur ni le rythme de la chute qui l'a précédée. Elle reste en effet molle, étalée sur le temps, et surtout elle intègre de fortes fluctuations en intraday comme en témoignent les fortes variations à la hausse, comme à la baisse, qu'enregistraient les indices au cours d'une même séance. D'après une analyste financière d'Attijari intermédiation, la chute du marché s'explique par le manque de hardiesse qui le caractérise. Certes, des dividendes ont été distribués, mais cela est insuffisant pour encourager les détenteurs de capitaux à investir en bourse. Une autre raison invoquée concerne le désintéressement et le manque de confiance, confirmés par le coup d'arrêt donné à de nouvelles introductions. D'après Mustapha Belkhayat, trader et analyste financier à la tête d'un fonds canadien, la forte chute cumulée n'est pas le résultat d'un manque de confiance. Pour lui, la place boursière marocaine manque de profondeur : nombre restreint d'intervenants sur le marché (sociétés de bourse, banques et fonds de gestion) et de sociétés admises à la cote (53 aujourd'hui), conditions d'admission à la cote peu flexibles et décourageantes, surtout pour les jeunes sociétés, un régime fiscal jugé très contraignant, que ce soit pour les institutionnels ou pour les petits porteurs. Le trader précise par ailleurs que l'attractivité réelle de toute bourse dépend de son mode de gouvernance, de sa transparence et de sa connexion réelle à l'économie dans laquelle elle opère. Il souhaite que la correction soit "salutaire" en retrouvant des niveaux de valorisation en phase avec les fondamentaux des sociétés cotées et de l'économie en général afin d'attirer encore plus d'investisseurs, locaux et étrangers. D'après lui, c'est le moment où jamais pour changer de cap et inciter les investisseurs étrangers à miser sur la place financière. «On était vraiment dans une période bearish*» Youssef Benkirane, président du directoire de BMCE Capital Bourse et de l'APSB Entretien réalisé par f-z jdily L'Observateur du Maroc. Comment s'est portée la place boursière de Casablanca en 2010 ? Youssef Benkirane. La place boursière de Casablanca s'est très bien comportée en 2010 puisque la performance est autour de 22% pour le principal indice, le MASI. C'est largement supérieur à plusieurs places situées dans la même zone. La Jordanie a enregistré moins six, la Tunisie plus 17%. Mais il s'agit là d'un ralentissement par rapport aux années 2007, 2006 et 2005… On ne peut pas parler de ralentissement. Le marché casablancais s'est inscrit dans une tendance haussière depuis le mois d'avril 2010 suite à l'annonce de la méga opération de l'ONA/SNI. Et ensuite l'annonce de l'introduction d'une grande partie du capital des filiales agroalimentaires dans une première étape et dans une seconde étape des sociétés qui sont un peu plus matures. Ces opérations d'envergure ont eu pour effet de dynamiser la bourse de Casablanca qui s'était installée depuis la crise de 2008 dans une torpeur avec des volumes et des progressions très faibles. On était vraiment dans une période que l'on pourrait qualifier de «bearish», depuis 2008 jusqu'à Avril 2010.Il s'agit d'une très longue période de marasme boursier. Est ce que ce marasme pourrait s'expliquer par le fait que certains secteurs dont des sociétés sont cotées en bourse ont été touchés par la crise ou par un attentisme qui a marqué l'univers des investisseurs ? En fait comme nous l'avons vu en 2008, c'était une crise financière sans précédent qui a touché les places financières internationales et, bien sûr, qui s'est répercutée sur le Maroc. Il s'agit plus d'une crise de confiance. Mais l'économie marocaine a su montrer sa résilience durant cette crise puisque nous avons même affiché un taux de croissance du PIB de 4%. C'est important et c'est la politique économique menée depuis quatre ou cinq ans qui a permis d'avoir des équilibres macro-économiques. Nous avons, en 2009, un déficit budgétaire de 2,2% ou de moins de 3%, une inflation qui est faible avec un budget d'investissement public d'à peu prés 160 milliards de dirhams. Cependant, on continue à reprocher à la place de Casablanca son manque de profondeur. Que proposez-vous pour remédier à cela ? C'est vrai. Il faut néanmoins expliquer que le manque de profondeur désigne la liquidité de la place. Il est vrai que Casablanca n'est pas suffisamment liquide par rapport à ce qu'on pourrait espérer. Les solutions sont les suivantes : Il faut introduire des sociétés en bourse de manière à rendre la place un peu plus liquide. C'est ce qui va arriver en 2011. On aura alors beaucoup d'introductions. Nous attendons les opérations autour du groupe ONA/SNI : Centrale laitière, Lesieur et Cosumar. Ces opérations sont programmées pour le premier semestre. D'autres suivront. Qu'en est-il du rôle de la bourse dans le financement de l'économie ? Aujourd'hui, la bourse de Casablanca ne joue pas le rôle qu'elle devrait jouer. Néanmoins nous avons pu constater que le marché intervient de plus en plus dans le financement de l'économie marocaine. * Tendance baissière.