En temps normal, nous jetons 20 kg de nourriture par année et par personne. C'est l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) qui le précise. Selon ses statisticiens, le gaspillage alimentaire représente entre 95 à 115 kg par individu et par an en Europe et en Amérique du Nord, tandis qu'il atteint 6 à 11 kg en Afrique et en Asie. À vue d'oeil, ces chiffres explosent sous nos cieux durant tout le mois du Ramadan. À en croire nombre de sociétés de ramassage contactées lors de la préparation de ce dossier, le gaspillage déculpe pendant le mois sacré et atteint des pics inquiétants. Selon une étude réalisée par Mohammed Aman, un écologiste du Bahreïn spécialiste de l'environnement et des déchets, les musulmans, donc les Marocains compris, jettent plus de 40% des plats préparés chaque jour pendant le Ramadan. « Les gens ont tendance à multiplier par trois la quantité de nourriture qu'ils consomment durant l'Iftar », précise Mohammed Aman. Et d'ajouter : « Il y a entre quatre à six types de plats sur les tables des musulmans durant l'Iftar, ce qui signifie que plus de trois d'entre eux seront de trop. Résultat, 40% de la nourriture est gaspillée chaque jour ». Préparer davantage de plats que d'ordinaire coûte cher. Les ménages ont donc tendance à s'endetter pendant le mois sacré pour acheter des denrées dont ils n'ont pas besoin en vérité. Preuve des dilapidations ramadanesques, le nombre de pains jetés à la poubelle durant ce mois est l'équivalent de 10% de nos importations de céréales, selon Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC). Rachid Maâroufi économiste va encore plus loin, sur les 4,1 milliards de baguettes de pain consommées pendant le Ramadan, 120 millions sont jetées à la poubelle. Remontant la chaîne de gaspillage, Maâroufi pointe un doigt accusateur en direction des pouvoirs publics dont la politique d'éradication des marchés informels n'a pas eu les résultats escomptés. Pour lui, il y a urgence à mettre en place les marchés de proximité ayant pour but de résorber ce gaspillage. Parallèlement, fait-il remarquer, il existe un manque de maîtrise de la chaîne au niveau des chambres froides, d'où des quantités importantes de produits qui périssent rapidement. En réalité, certains produits connaissent un début d'avarie, si ce n'est la totalité, au niveau des ports en raison de problèmes bureaucratiques, parfois durables, entre l'importateur et l'administration portuaire, ce qui impacte d'ailleurs la valeur du produit. Laquelle se trouve revue à la hausse, à cause de la forte demande, au détriment du consommateur. « Mais on ne peut parler de gaspillage sans évoquer la responsabilité du citoyen qui n'a pas de culture de consommation rationnelle », ajoute-t-il. Et on l'aura deviné, le gaspillage touche beaucoup plus les quartiers huppés avec un taux de 70%, confie notre interlocuteur. La Fédération des droits du consommateur s'élève depuis deux ans contre la surconsommation durant ce mois censé être de privation. L'objectif est de sensibiliser le public à la rationalisation de la consommation lors de ce mois sacré. Le gouvernement a aussi lancé cette année de campagnes de sensibilisation au niveau des différents supports médiatiques et des mosquées sur le même sujet. Sauf que les consommateurs, affamés le jour et vorace le soir, font toujours la sourde oreille ❚