« C'est l'aboutissement d'une année croisée agricole, décidée par les ministres français et marocain de l'Agriculture », explique Bertrand Webretch. Après avoir accueilli le Maroc au Salon de l'agriculture de Paris, la France est aujourd'hui à l'honneur à Meknès, avant que le Maroc ne soit célébré en octobre prochain au Sommet de l'élevage à Cournon-d'Auvergne. Une dynamique qui densifie les échanges et renforce les partenariats entre les deux pays. La délégation française au SIAM 2025 témoigne de cette mobilisation : plus de cinquante entreprises et environ 300 représentants, issus d'institutions publiques, d'organismes de recherche, de formation et du secteur privé, sont présents pour promouvoir l'innovation, l'investissement et la coopération. Une coopération qui évolue avec les défis climatiques Ancrée dans l'histoire, la coopération agricole franco-marocaine évolue face à de nouveaux défis, en premier lieu le changement climatique. « Nous partageons des problématiques communes », souligne Bertrand Webretch. La sécheresse qui frappe certaines régions françaises comme Perpignan rejoint désormais les préoccupations traditionnelles du Maroc. Trois axes principaux structurent aujourd'hui cette collaboration. La coopération institutionnelle entre les ministères et organismes de formation et de recherche, ensuite, le soutien aux projets agricoles marocains à travers l'Agence Française de Développement (AFD), notamment dans les régions de l'Oriental, de Fès-Meknès et de Souss-Massa et le partenariat entre secteurs privés, dans un dialogue d'interprofession à interprofession. L'eau, enjeu stratégique de demain Face à l'accélération du stress hydrique, la gestion de l'eau s'impose plus que jamais comme un axe prioritaire de coopération entre le Maroc et la France. Partenaire historique du Royaume dans la politique des grands barrages, Paris entend aujourd'hui renforcer son appui, notamment sur le front du dessalement et de la gestion durable de la ressource. «Aujourd'hui que le Maroc est plus avancé que la France en matière de maîtrise des techniques de dessalement », reconnaît Bertrand Vibretch. Selon lui, « le programme marocain avance extrêmement rapidement. Les entreprises françaises qui y participent contribuent à un véritable partage d'expertise, enrichissant les savoir-faire des deux côtés. » Le Maroc ne se contente pas d'implanter des infrastructures. Il développe une approche intégrée, associant dessalement et stratégie agricole, avec des réussites emblématiques comme la station de Chtouka. « Ce que vous avez accompli ici est remarquable », souligne Bertrand Vibretch, admiratif. Dans ce contexte, les entreprises françaises sont de plus en plus impliquées dans les projets marocains, apportant leur technologie pour élargir et perfectionner les capacités de dessalement. Mais au-delà des grandes usines, l'heure est aussi à l'innovation : stations mobiles, recours aux énergies renouvelables, recyclage des eaux usées... Autant de pistes que le Maroc et la France explorent ensemble. « Nous travaillons ensemble pour partager nos approches sur l'interface entre usagers et administration, sur la manière de décider collectivement de l'utilisation de l'eau, et sur la réactivité nécessaire pour s'adapter aux aléas climatiques », explique Bertrand Webretch. Ces échanges sont en cours de concrétisation à travers de nouveaux projets de coopération technique et institutionnelle. "Nous travaillons actuellement à mettre en place un programme de partage d'expérience entre praticiens français et marocains", confie Webrecht. L'élevage est également au cœur des priorités pour 2025. "Avec les sécheresses répétées et la hausse du prix des céréales, il est crucial d'aider le Maroc à reconstituer son cheptel et à adapter ses systèmes d'élevage", insiste Webrecht. France-Maroc. Des passerelles vers l'Afrique Le SIAM confirme également le rôle du Maroc comme carrefour régional. De nombreux pays africains y sont représentés, et la France, consciente de cette dynamique, voit en Rabat un relais stratégique pour sa politique agricole en Afrique. "Nous ne venons pas seuls : nous bâtissons des passerelles avec le Maroc vers l'Afrique", note Webrecht. Cette approche se traduit par des partenariats bilatéraux, mais aussi par la participation à des réseaux africains, tel que celui dédié à la formation agricole et rurale, réunissant 19 pays sous une coordination basée à Montpellier. "Le Maroc y tient un rôle clé, avec un vice-président marocain très actif", précise-t-il. Sur le terrain, la coordination franco-marocaine se renforce aussi à travers des projets concrets. "Nous voulons aller au-delà du bilatéral : lancer des initiatives conjointes en Afrique", explique Webrecht. Des conventions et un avenir prometteur Le SIAM 2025 a été marqué par la signature de deux conventions emblématiques. La première lie l'INRA et le CIRAD français dans le domaine de la recherche agronomique. La seconde associe l'interprofession marocaine de l'olive à une association française spécialisée dans la promotion de l'olivier. "La culture de l'olivier devient une réponse au changement climatique, y compris en France. Les pépiniéristes marocains peuvent accompagner cette évolution", observe Webrecht. Et ce n'est qu'un début : une nouvelle convention entre l'INRA Maroc et INRAE France est attendue d'ici la fin de l'année, en présence des ministres de l'Agriculture. Parallèlement, d'autres initiatives prennent forme pour opérationnaliser la feuille de route signée en 2024, qui couvre notamment la gestion durable de l'eau, les échanges institutionnels et l'appui à l'investissement agricole. Confiant, Webrecht se réjouit de la qualité du partenariat : "Les relations agricoles franco-marocaines sont solides et dynamiques. Même dans les périodes de tension, la coopération n'a jamais été rompue. Nous partageons des visions, des méthodes et une grande proximité professionnelle."