L'Observateur du Maroc et d'Afrique : Quels sont aujourd'hui les principaux défis en matière de cybersécurité, que ce soit pour le secteur public ou privé ? Lennig Pedron : Les défis sont nombreux et variés. L'enjeu est immense, car nous évoluons dans un environnement numérique encore jeune, en constante mutation. Il s'agit, pour les Etats, de préserver leur souveraineté numérique, et pour les entreprises, de garantir à leurs clients la sécurité des services qu'ils utilisent. La confiance est la clé : le citoyen doit pouvoir avoir foi dans les plateformes publiques, tout comme le consommateur dans les services du secteur privé. La transformation numérique accroît-elle le risque de cyberattaques ? Elle augmente surtout la surface d'attaque. C'est une logique simple : plus une organisation se digitalise, plus elle expose de points d'entrée potentiels aux cybermenaces. Cela ne veut pas dire qu'il faut freiner cette transformation — au contraire, elle est indispensable — mais il faut l'accompagner de mesures de sécurité adaptées, pour suivre le rythme sans compromettre la confiance des usagers. Comment évaluez-vous le niveau de maturité face au risque cyber en Afrique ? Ce n'est pas qu'un enjeu africain, c'est un enjeu mondial. L'Afrique, à l'instar des autres régions, est concernée et s'organise. Ce que je vois ici, au GITEX Africa, c'est une dynamique impressionnante en termes d'expertise, de structuration et d'engagement des acteurs. Quels sont les points névralgiques d'un système d'information qu'une entreprise doit absolument protéger ? Il faut d'abord identifier son « coffre-fort » : les données les plus sensibles et stratégiques. Ces actifs varient selon les structures, mais la règle reste la même : on ne protège pas tout de la même manière. Comme dans une maison, toutes les pièces n'ont pas besoin d'être blindées — mais le coffre-fort, oui. Cette hiérarchisation est essentielle. Comment bâtir une véritable confiance numérique ? Tout commence par la prise de conscience. Personne n'est à l'abri d'une cyberattaque, mais ce qui fait la différence, c'est la résilience. Être résilient, c'est être prêt : savoir comment réagir, avoir des plans d'urgence, tester sa capacité de réponse. Il faut aussi être transparent dans la gestion de crise. C'est ce qui crée de la confiance à long terme. Le Maroc a récemment été ciblé par des cyberattaques. Comment protéger au mieux ses secteurs stratégiques, comme l'automobile ? L'automobile est aujourd'hui le premier secteur exportateur du Maroc, avec un écosystème qui se digitalise à grande vitesse (industrie 4.0). Cela exige des investissements massifs en cybersécurité. Or, à l'échelle mondiale, ces investissements ne sont pas encore à la hauteur. Il est urgent que chaque acteur intègre cet enjeu dans ses priorités. Quel rôle joue la réglementation dans ce processus ? La réglementation est un pilier fondamental. Elle garantit la transparence, impose des standards, et sanctionne les abus. Mais elle ne suffit pas. La cybersécurité repose aussi sur des facteurs humains : la formation, la sensibilisation, la culture du risque. Ce n'est pas qu'une question de technologie. En Suisse, vous avez mis en place la Trust Valley. De quoi s'agit-il ? La Trust Valley est un partenariat public-privé unique. Elle rassemble institutions publiques, grandes entreprises, PME, start-ups et universités autour de l'objectif commun : bâtir un écosystème de confiance numérique. Ce modèle permet d'unir les expertises, d'accélérer les innovations et de renforcer la souveraineté numérique collective. Envisagez-vous une collaboration avec des acteurs marocains ? Elle a déjà commencé. Lors du Gitex, nous avons discuté avec plusieurs partenaires, dont l'UM6P, très engagée dans l'innovation et l'accompagnement des start-ups. Notre programme Tech4Trust accueille chaque année des jeunes pousses du monde entier. Nous serions ravis d'avoir des start-ups marocaines dans la prochaine édition. Les candidatures sont ouvertes jusqu'à fin août. C'est une réelle opportunité.