Rejetés par le gouvernement lors de la présentation de la première version du projet de loi relative aux peines alternatives, les jours-amendes ont été finalement adoptés par la Commission de la Justice au parlement. Cette nouvelle mesure a fait l'objet d'un amendement qui a été adopté lors d'une séance dédiée au vote du projet de loi N°43.22 par la Commission de la Justice, la semaine dernière. Inégalité Important volet de la réforme du Code pénal en gestation actuellement, les peines alternatives et spécialement les jours-amendes ont dès le début provoqué les inquiétudes des juristes et des défenseurs des droits humains. La possibilité d'acheter sa liberté en payant des amendes par jour a été spécialement critiquée. Sceptiques, ses détracteurs estiment que cette mesure approfondirait les inégalités sociales et serait " absolument injustes et anti-droits humains ". « Au-delà de l'aspect lié aux classes sociales et aux inégalités inhérentes, on s'interroge sur les droits effectifs des victimes. Comment va-t-on les traiter dans ce genre d'affaires où les coupables sont condamnés à acheter leur liberté ? », s'interroge Naoufal Bouamri, avocat et activiste des droits humains. Analysant les tenants et aboutissants de la nouvelle peine proposée par le département de Abdellatif Ouahbi, l'avocat soulève la grande question de la réparation du préjudice par l'instauration de la justice. « Comment peut-on rassurer les victimes en l'absence de véritable sanction ? Comment préserver la confiance en la justice lorsqu'un coupable est capable d'acheter sa liberté rien que parce qu'il a de l'argent pour ce faire ? », s'inquiète le juriste. L'essence de la justice Les amendes versées à la Trésorerie générale ne sont-elles pas suffisantes pour instaurer une véritable justice ? Naoufal Bouamri n'y croit pas. Il cite plusieurs exemples pour argumenter. « Qu'en est-il d'une victime d'agression sexuelle, d'une femme ayant été violentée ou d'une personne victime d'un vol à main armée, quel sera son sentiment lorsque le lendemain du procès, elle verra son agresseur libre entrain de se promener à ses côtés comme si de rien n'était ? Ce type de peines alternatives risque de compromettre le principe et l'essence même de la justice », tranche l'avocat. Ce dernier va plus loin en alertant sur le risque d'un « dysfonctionnement social » provoqué par le bouleversement du concept de la justice équitable et de l'équilibre de la balance entre les différentes parties d'une affaire donnée. « Le fait d'acheter sa liberté ouvre dangereusement la voie à l'auto-justice, aux «règlements de comptes» et aux représailles personnelles sans pour autant faire appel à la Justice », s'alarme l'avocat. Peine sélective Modérant cependant, Naoufal Bouamri suggère d'appliquer cette peine alternative uniquement dans les simples infractions n'engageant pas de graves préjudices. « Le tribunal devrait respecter les droits des victimes, favoriser le principe de réconciliation et demander au préalable leur avis et leur accord avant d'appliquer de telles peines », conclut Naoufal Bouamri. Il est important de rappeler que selon le projet de loi, la peine de jours-amendes ne s'applique pas dans les affaires d'abus sexuels sur mineurs, trafic d'organes, trafic de drogues, terrorisme, abus de pouvoir; blanchiment d'argent et corruption