Une semaine après Mardi 26 septembre, dans une lettre adressée au Chef du gouvernement, le Souverain donne un délai maximum de six mois à l'Exécutif pour réformer le Code de la famille. Un chantier à la fois délicat, épineux et surtout " nécessaire " comme l'a noté la lettre royale. Si la Moudawana révisée de 2004 a été une véritable révolution juridique et sociale consacrant l'égalité homme-femme, aujourd'hui une nouvelle réforme s'impose pour l'aligner à l'évolution de la société marocaine actuelle. Une refonte que les activistes féministes et les défenseurs des droits des enfants n'ont cessé de réclamer durant ces dernières années. Pourtant au lendemain de cette annonce et les jours qui suivent, le débat est devenu de plus en plus houleux. Les réseaux sociaux sont innondés de réactions et de publications anti-réforme. Influenceurs, pseudo-prescripteurs d'opinion ou citoyens lambda... Ils s'y donnent à coeur joie. Les menaces Une véritable levée de bouclier avec des arguments réactionnaires de part et d'autre. Des posts qui s'attaquent frontalement aux femmes déjà " trop choyées " par la loi et qui seront favorisées davantage aux dépends des hommes. Ou encore des publications " rancunières " rabaissant les hommes et se réjouissant de leur " prochain déclin ". Un nouveau round extrêmement violent de la guerre des genres ! Les sujets qui fâchent Un débat houleux basé surtout sur des fake news et de fausses informations. Au coeur de la polémique, des sujets épineux comme la polygamie, l'héritage, le mariage des mineurs, la filiation, le divorce, la garde et la tutelle des enfants, la pension alimentaire, le partage équitable du patrimoine ... Que du bonheur ! Les pistes de solutions ! " La réforme de la Moudawana n'a pas encore eu lieu. Sur quelle base ces gens discutent et donnent leurs avis ? Ils sont en train de commettre d'énormes erreurs en analysant des lois qui n'ont pas encore été proposées et encore moins validées par le Souverain et adoptées par le parlement et le gouvernement ", s'insurge Bouchra Abdou, activiste féministe et directrice de l'association Tahadi pour l'égalité et la citoyenneté. Si la réforme de la Moudawana est encore en gestation et l'Exécutif a encore six mois devant lui pour élaborer le nouveau projet, sur les réseaux sociaux il n'en est rien. Des influenceuses se réjouissent déjà du "partage équitable" des biens et de l'expulsion de l'ex mari du logement familial. Des redpillistes ( Le mouvement masculiniste Red Pill ) qui contre-attaquent en réclamant le droit à la polygamie et refusent la pesnion alimentaire et la tutelle aux femmes. Ils vont plus loin en appelant au boycott du mariage. " Pas de pension alimentaire pour les femmes actives sinon le Maroc sera rempli de millions de vieilles filles ", menacent-ils dans un hashtag largement partagé ! Résistance au changement " Le changement est toujours difficile et coûteux surtout celui des valeurs, des traditions et des mentalités. Il suscite la peur, la méfiance et la résistance. Ce que nous voyons aujourd'hui suite à l'annonce de la nouvelle réforme ressemble beaucoup au refus et au rejet constaté en 2002 lorsqu'on préparait la Moudawana de 2004 ", nous explique Samira Muheya, présidente de la Fédatation des ligues des droits des femmes ( FLDF). L'activiste féministe nous rappelle les marches réactionnaires anti-réforme organisées à cette époque. " Une polémique semblabe à celle d'aujourd'hui et nourrie par les craintes et les opinions rétrogrades des conservateurs ", note Samira Muheya qui estime que ces "pseudo-prescripteurs d'opinion" ne font que profiter de l'ignorance des citoyens pour " amplifier leurs craintes " par rapport au prochain changement. Rubrique : Conseils Pour Bouchra Abdou, c'est surtout un problème d'ignorance... à tous les étages. " Malheureusement, ce " vacarme " sur les réseaux sociaux est très significatif. Il démontre le degré d'ignorance parmi les citoyens et les citoyennes mais surtout parmi ceux qui s'estiment analystes politiques, sociologues, intellectuels et juristes. Ils se permettent de se prononcer à propos de sujets complexes et délicats comme la réforme de la Moudawana et c'est extrêmement inquiétant ", dénonce l'activiste. Arrêtez ces dérapages ! Chargeant les autorités, Bouchra Abdou pointe leur responsabilité dans ce " laisser-aller " sur les réseaux sociaux. " C'est un chantier national, royal et de droits humains aux implications cruciales pour notre pays et notre société. Tout le monde doit y être engagé d'une manière responsable. On ne peut pas laisser la voie libre à des gens nullement qualifiés pour poster des publications mensongères, des vidéos calomnieuses ou lancer des live débordants de misogynie et de haine contre les hommes tout en propageant de fausses informations ", matraque la directrice de Tahadi. Comment mettre fin aux dérapages ? " C'est de la violence numérique tout court ! Il est temps que le Ministère public et les services de la sûreté nationale activent la loi et procèdent à son application sur ces gens. Ils ne pratiquent pas la liberté d'expression tout au contraire. Ils versent largement dans la diffamation, le mensonge en induisant les citoyens en erreur et c'est très dangereux ! ", s'inquiète l'activiste. Son appel sera-t-il entendu ? A suivre !