Selon le ministère de la Défense taïwanais, l'armée a programmé, pour juillet prochain, des exercices militaires d'interception des navires de guerre et de lutte contre un éventuel encerclement chinois de l'île. De son côté l'armée chinoise avait exécuté des manoeuvres autour de l'île, suite à la rencontre aux Etats-Unis entre le président de la Chambre américaine des représentants Kevin McCarthy et la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, membre d'un parti pro-indépendance. Dans les eaux, des navires de guerre, des vedettes rapides lance-missiles et des avions de chasse ont été mobilisés pour ces opérations qui ont donné lieu à des simulations de frappes ciblées et à un encerclement de Taïwan. Affaire de puces La Chine ne veut pas entendre parler d'un quelconque rapprochement entre les Etats-Unis et Taïwan, considérant que l'île est une de ses provinces, qu'elle essaie d'intégrer à son territoire depuis 1949, date de la fin de la guerre civile. Pourquoi autant d'acharnement sur cette île de 36.197 km2 sur laquelle vivent près de 24 millions habitants? On peut résumer la réponse en une phrase: Si Taïwan tombe, ce sont 2.500 milliards de dollars qui s'évaporeront du commerce international. Et ce ce n'est pas tout. Quant on sait de quoi sont composées les exportations de Taïpei on craint le pire. C'est dans cette île que sont produites les puces électroniques qui font tout marcher aujourd'hui. Télécommunications, voitures, électroménager, systèmes de défense, industries... Bref tout ce qui est électronique. A deux doigts de la catastrophe Juste après la crise pandémique de Covid, le monde a été presque paralysé par la pénurie des puces électroniques. Le monde a frôlé la catastrophe économique qui allait avoir de lourdes conséquences sur l'humanité entière. Pas de puces, pas de production, pas de commerce, des millions de chômeurs, des usines à l'arrêt, des troubles sociaux... L'enfer. Cette pénurie passagère était en quelque sorte une petite répétition du scénario qui risque de se produire si Taïwan est attaquée ou isolée du reste du monde. L'île produit 99% des puces électroniques les plus évoluées. La société SMTC est un géant des semi-conducteurs qui fournit les plus grandes firmes à travers le monde. Les géants intouchables Fondée en 1987, elle fournit NVIDIA, AMD, Qualcomm ou encore Apple, entre autres. Taïwan est devenue ce qu'on appelle un goulot d'étranglement. Tout passe par elle. Par conséquent, son encerclement veut dire le blocage économique de tout le monde. Dans la filière des semi-conducteurs, un partage des compétences s'est fait à travers le temps. Les Etats-Unis qui accaparaient 37% de part de marché n'en ont plus que 13% aujourd'hui. Mais ils maîtrisent la conception qui est l'élément fondamental du processus. L'enjeu dépend aussi de la recherche-développement qui coûte de plus en plus cher et constitue une barrière à l'entrée infranchissable. Pour les semi-conducteurs de 10 nanomètres (1 nanomètre est 50.000 fois plus fin qu'un cheveu), il faut débourser 174 milliards de dollars. Le montant atteint 297 milliards pour 7 nanomètre et... 540 milliards pour 5 nanomètres. Aujourd'hui, les chercheurs se penchent sur les puces de 3 nanomètres, en améliorant la finesse de la gravure (processus d'impression des circuits électroniques). La case R&D Cette percée « permet de réduire la consommation d'énergie jusqu'à 45 %, d'améliorer les performances de 23 % et de réduire la surface de 16 % ». Et avec processus de seconde génération, les gains sont de 50 %, 30 % et 35 %, respectivement », explique-t-on à Samsung qui a devancé ses concurrents. Jusqu'où ira encore la miniaturisation? Les recherches se poursuivent. Et la guerre se poursuit. Les Etats-Unis, fortement conscients des enjeux, préparent déjà la parade. Le président Joe Biden a annoncé un plan de milliards de dollars pour encourager les firmes à investir sur le territoire américain pour sécuriser la chaîne d'approvisionnement. Le CHIPS and Science Act est doté d'une enveloppe de 52.7 milliards de dollars. Ce montant comprend 39 milliards de dollars en incitations à la fabrication, dont 2 milliards de dollars pour les puces utilisées dans les automobiles et les systèmes de défense, 13,2 milliards de dollars en R&D et en développement de la main-d'œuvre, et 500 millions de dollars pour assurer la sécurité des technologies de l'information et des communications internationales et les activités de la chaîne d'approvisionnement des semi-conducteurs. Le plan prévoit également un crédit d'impôt à l'investissement de 25 % pour les dépenses en capital liées à la fabrication de semi-conducteurs et d'équipements connexes. Plan de guerre Ces incitations sécuriseront l'approvisionnement intérieur, créeront des dizaines de milliers d'emplois bien rémunérés et syndiqués dans la construction et des milliers d'autres emplois hautement qualifiés dans le secteur manufacturier, et catalyseront des centaines de milliards supplémentaires d'investissements privés, promet le projet. Pour les Etats-Unis, il s'agit d'échapper au goulot d'étranglement taïwanais et s'assurer une part juteuse de ce marché de 1000 milliards de dollars prévus pour 2030. La Chine et l'Europe ont aussi mis en place leurs plans axés surtout sur la R&D. Dans cette bataille sanglante, un pays se positionne en maître absolu, parce personne ne peut le concurrencer, les Pays-Bas. C'est ici que trône ASML, la société qui fabrique les machines de photolithographie pour toute l'industrie de semiconducteurs du monde. Et ses engins ne sont pas des petits gadgets. Il faut débourser pas moins de 200 millions de dollars pour acquérir ce concentré de science et de technologie, basé à Veldhiven et cotée sur le Nasdaq et l'Euronext Amsterdam.