L'institution du mariage au Maroc serait mal en point ... à en croire les chiffres livrés par Abdellatif Ouahbi, le ministre de la Justice. Répondant au parlement à une question écrite à propos de la hausse des chiffres du divorce dans notre pays, le ministre a commencé par modérer en rappelant la baisse relative enregistrée en 2020. Passant de 26.914 cas en 2004 à 20.372 en 2020, ces chiffres vont enregistrer un véritable bond en 2021 avec 26.957 cas, soit +6.585 par rapport à l'année précédente. Une hausse jamais constatée depuis l'entrée en vigueur du nouveau code de la famille et qui suscite les inquiétudes surtout avec la confirmation de cette tendance haussière en 2022. Alors que l'année n'est même pas encore bouclée, les données remontant des différents tribunaux marocains annoncent quelques 300.000 cas de divorce, enregistrés en neuf mois seulement. Divorce « civilisé » D'après Ouahbi, les divorcés marocains auraient une prédilection pour le divorce par consentement mutuel qui représente 76% des cas en 2021 contre 7% seulement en 2004. Le ministre explique ce choix par la prise de conscience croissante des couples marocains de « l'importance de mettre fin à la relation conjugale de manière amicale, de résoudre les conflits familiaux par le dialogue et par les accords ». Mais aussi grâce à la souplesse et la facilité des procédures du divorce par consentement mutuel. Par contre le divorce révocable est en nette tendance baissière avec 526 cas en 2021 contre 7.146 cas en 2004, comme l'explique le ministre. Tentant d'expliquer les causes d'une telle explosion des chiffres du divorce, Ali Chaâbani, chercheur en sociologie, évoque le facteur législatif. « Le code de la famille a facilité les procédures du divorce. Ceci a encouragé les couples à passer à l'acte en engendrant par conséquent cette importance hausse », analyse le chercheur. Ce dernier met l'accent également sur le droit de demander le divorce dont jouit dorénavant la femme et dont elle était privée auparavant. Chaâbani évoque également le facteur économique et l'incapacité de certains maris de subvenir aux besoins de leurs familles. Les causes Rappelons que la crise économique liée à la pandémie Convid-19 a provoqué une vague de divorce à travers le monde et non seulement au Maroc. Le chômage forcé et les pertes massives d'emploi ont été souvent à l'origine de mariages dissous à cause notamment de la précarité socio-économique. « Mais le facteur économique n'est pas toujours la cause. Il y a également les problèmes sociaux liés au couple lui-même, à son entourage et à l'intrusion des familles dans la vie des jeunes couples », ajoute le chercheur. « Ceci sans oublier le facteur psychologique, l'individualisme grandissant dans notre société et les problèmes intrinsèques liés aux personnalités des deux époux », analyse Chaâbani. « Manquant d'expérience et en l'absence d'orientation et des structures « traditionnelles » ( les sages de la famille) qui jouaient un rôle de réconciliateurs, les couples choisissent la facilité et optent pour le divorce au premier obstacle rencontré », ajoute le spécialiste. D'autres experts évoquent le « manque d'intimité » et l'étalage des problèmes conjugaux sur les pages des réseaux sociaux. A l'affût de conseils, les jeunes couples se retrouvent sous la pression de préjugés et de jugements de valeur conduisant inéluctablement à la rupture. Autant de suppositions et de causes possibles au phénomène qui exige des études sociologiques approfondies afin d'en cerner les tenants et les aboutissants.