Le groupe pétrolier français Total pourrait s'associer au russe Lukoil pour exploiter ses pétroles de schiste. La Russie, qui détient probablement les plus importantes réserves de pétrole de schiste dans le monde, selon le département US de l'énergie, cherche à développer l'exploitation de cette ressource pour compenser la baisse de production de ses gisements vieillissants en Sibérie. Selon des sources proches des négociations, Lukoil, la première compagnie pétrolière privée russe et le major pétrolier français discutent d'une joint-venture pour coopérer dans l'exploitation du « pétrole non conventionnel » en Russie – une catégorie qui comprend le pétrole de schiste. Il n'existe toutefois aucune garantie que les négociations aboutiront à un accord, ont-ils ajouté. Total et Lukoil se sont abstenus de tout commentaire. Les négociations entre les deux entreprises ont débuté avant l'annexion récente de la Crimée par la Russie et les sanctions subséquentes imposées par les Etats-Unis et l'UE. Néanmoins, les négociations mettent en évidence le désir de certaines compagnies occidentales de continuer à faire des affaires en Russie, malgré la détérioration des relations politiques. Le mercredi dernier, Joe Kaeser, directeur général de Siemens, a rencontré le président Vladimir Poutine à Moscou et a promis de poursuivre les investissements de la compagnie allemande en Russie ainsi que sa coopération avec GazproM. Le partenariat potentiel avec Total marquerait un changement de stratégie pour Lukoil, qui a choisi jusqu'à présent de ne développer que ses actifs russes. L'entreprise a déclaré aux investisseurs, lors d'une présentation tenue à Londres ce mois-ci, qu'elle était en pourparlers avec un major européen sans mentionner le nom de la firme. Total jouit déjà d'une forte présence en Russie par sa participation de 16% dans Novatek, le plus grand producteur de gaz dans le pays après GazproM. Cet investissement a été mis sous surveillance depuis que Gennady Timchenko, le magnat russe qui détient 23% de Novatek, a été sanctionné par les Etats-Unis la semaine dernière. Total n'est pas la seule entreprise qui cherche à entretenir des relations d'affaires avec Lukoil. Rainer Seele, le président de Wintershall, la filiale de BASF, a récemment déclaré au quotidien Vedomosti que le groupe allemand était intéressé à élargir sa coopération avec le major russe. « Lukoil est la seule grande compagnie pétrolière russe qui ne compte aucun partenaire occidental majeur », a déclaré Karen Kostanian, analyste de pétrole et de gaz chez Bank of America Merrill Lynch à Moscou. Le Kremlin a placé parmi ses actions prioritaires le développement de nouveaux types de gisements de pétrole – y compris le schiste, l'Arctique, et la région très peu développée de la Sibérie orientale – au moment où la production des vieux champs pétroliers est en baisse. Les compagnies pétrolières occidentales se sont empressées de s'associer avec des groupes russes, profitant des allégements fiscaux en faveur des projets de « pétrole difficile » entrés en vigueur depuis septembre. Rosneft a conclu des coentreprises avec ExxonMobil et Statoil, tandis que Gazprom Neft, la filiale pétrolière de Gazprom, a formé une alliance avec Royal Dutch Shell. Bien que les réserves russes de schiste soient estimées à 75 milliards de barils, selon le Département américain de l'énergie (DoE), les analystes soutiennent que rien ne garantit que la Russie bénéficierait du même essor tiré par le schiste américain. La volonté de Lukoil d'établir des partenariats avec un groupe occidental confirme son optimisme envers le schiste russe ❚