Plusieurs attaques d'orques contre des embarcations de pêcheurs ont été rapportées ces dernières semaines. Les récits et les vidéos enregistrées au large du nord montrent ce grand prédateur marin rôder puis donner de forts coups de queue aux barques chargées de poissons. Des attaques qui ont causé de graves pertes matérielles aux pêcheurs victimes. Un comportement inhabituel, selon les spécialistes, de la part de ce mammifère marin sociable et peu agressif dans l'état sauvage. Contrairement à son attitude qui peut devenir hostile en captivité. La fameuse histoire de l'orque « Tilikum » qui vivait en captivité au SeaWorld Orlando en Floride, confirme d'ailleurs les affirmations des scientifiques. Cet orque mâle a en effet tué trois personnes durant son séjour dans ce parc aquatique dont une jeune étudiante biologiste, un visiteur et sa propre dresseuse. Mystère Si la captivité peut provoquer des réactions hostiles de la part de ce grand prédateur marin, pour les scientifiques, son attitude agressive en haute mer envers les humains reste incompréhensive. Connue par sa préférence pour les eaux froides en antarctique et en arctique, l'orque peut toutefois vivre dans les mers tropicales. « Il y a une quarantaine d'individus dans le détroit de Gibraltar, répartis en une dizaine de familles. C'est la seule population d'orques de la Méditerranée connue et étudiée », expliquait déjà en 2020, au site d'information français 20 minutes, Guillaume Guinet, Directeur de recherches au Centre National de la Recherche Scientifique Français. D'après lui, ces cétacés viennent l'été se nourrir de thon rouge. De son côté Sami Hassani, Directeur de l'association Conservation des Mammifères et Oiseaux Marins évoque une sorte de « déprédation » pratiquée occasionnellement par les orques de la Méditerranée. « Attirés par l'odeur du poisson fraichement pêché, ces prédateurs d'ordinaire capables de chasser leurs proies, choisissent la facilité et viennent se servir dans les filets des pêcheurs » explique-t-il. Quelques témoignages et certaines vidéos des pêcheurs victimes des attaques au nord du Maroc confirment d'ailleurs cet intérêt particulier pour leurs prises de la part des orques. Ce qui n'explique cependant pas les attaques directes contre ces embarcations et les autres. Phénomène de plus en plus fréquent, plusieurs incidents ont été enregistrés ces dernières années au large de la Méditerranée, sur les côtes espagnoles mais également en Atlantique sur les côtes portugaises. Une soixantaine d'attaques ont été recensées non seulement contre les barques de pêcheurs mais également contre des voiliers, les yachts et autres bateaux de plaisance. Pistes « Ces mammifères marins dont la taille peut atteindre jusqu'à 8 mètres pour un mâle sont réputés pour leur sociabilité envers les Hommes ou au pire leur indifférence. Lorsqu'une orque s'attaque à un bateau ou autre, on évoque souvent la curiosité des jeunes individus », explique Adil Bounssar, chercheur en océanologie à l'Institut de Recherche pour l'Exploitation de la Mer. Déroutés par la vitesse des embarcations navigant dans leur périmètre, les jeunes orques seraient ainsi tentés de ralentir leur élan en s'attaquent précisément au gouvernail. Une attitude impressionnante de la part de cet animal marin connu pour sa grande intelligence. Autre piste évoquée par les scientifiques et qui verse dans le même sens : « C'est peut-être une question de territoire. Ce prédateur défend ainsi son habitat, un territoire important pour le groupe, une zone de chasse ou de reproduction. Il tente de cette manière de le signifier aux humains pour les repousser et les chasser », suggère Adil Bounssar. Une autre hypothèse a été avancée par les scientifiques suite aux attaques de Gibraltar en 2021 : un phénomène de mimétisme. Explication ? A l'origine de ces incidents, un seul individu ou une seule famille d'orques. Les agressions contre les embarcations auraient ainsi commencé par le comportement atypique d'un cas isolé qui s'est ensuite propagé par un effet d'imitation assez présent chez ces mammifères. « On a ainsi affaire à une transmission horizontale du comportement qui est différente de celle verticale s'opérant entre la mère et son petit », explique le chercheur océanologue. Ce dernier note qu'il se peut que les pêcheurs soient finalement victimes d'une seule et même orque, une sorte d'individu marginal qui développe sa propre manière d'agir. Des tas d'hypothèses pour percer le mystère de ces orques en colère et qui menacent la sécurité des pêcheurs au large des côtes du nord. Rappelons que l'orque ou l'épaulard est une espèce menacée d'extinction. La moitié de la population est en danger selon une sérieuse étude publiée dans la Revue Science en septembre 2018. Derrière ce triste destin on retrouve le plastique qui envahit les océans et les mers du globe. Les polychlorobiphényles, ces substances toxiques longtemps utilisées dans l'huile et la peinture seraient en effet le grand danger guettant ce super prédateur marin. Même après leur interdiction, ces composants chimiques persistent dans les eaux, surtout dans les régions industrialisées. Ainsi, les orques, premières victimes, risquent de disparaître complètement d'ici 30 à 50 ans. Une situation aggravée par la reproduction lente de cette espèce. Un orque n'arrive à maturité sexuelle qu'à 20 ans et la gestation dure jusqu'à 18 mois.