Se retenant à peine depuis des mois, les fans du football ont finalement laissé éclater leur colère sur les réseaux sociaux. Les selfies du spectacle de l'humoriste Yassar à Casablanca montrant une salle archicomble ont été la goutte qui a fait déborder le vase. Les hashtags #Ouvrez_les_stades, #le_foot_appartient_au_public, #libérez_les_stades ont aussitôt envahi les réseaux sociaux. Les fans en colère dénoncent d'ailleurs le « deux poids, deux mesures » dans l'application des restrictions liées à la pandémie. Tension montante « Certes un spectacle humoristique avec un grand public et la reprise de la vie artistique dans notre pays est une chose réjouissante. Mais la question qui se pose : en quoi le public des spectacles artistiques est-il différent de celui des stades ? Ne doivent-ils pas être traités sur un même pied d'égalité ? » s'interroge le journaliste sportif Jamal Asstafisur sa page très suivie. Ce dernier évoque d'ailleurs la situation financière actuelle très critique des clubs de football marocains et spécialement le Widad et le Raja de Casablanca. « L'absence des spectateurs dans les stades privent ces clubs de près de 3 milliards de centimes, une sacrée entrée pour des clubs en crise» argumente le journaliste. Même vision sur la page Ultras Maroc qui réclame l'ouverture en urgence des stades devant un public qui ne demande qu'à soutenir ses clubs préférés moralement et financièrement. « Arrêtez d'isoler nos clubs de leurs fans et de les priver de ce soutien tellement précieux ! » s'insurgent les administrateurs de lapage aux milliers de followers. Faisant échos aux aspirations des fans du football qui rappellent le « besoin pressant » d'ouvrir ces stades. « Assister aux matchs, vivre ces moments uniques d'euphorie, respirer l'air des stades et retrouver cette ambiance particulière tout cela nous manque entant que public et entant que fans. Pourquoi nous priver de la seule échappatoire pouvant nous procurer un semblant de plaisir en ces temps moroses?» s'insurge Youssef. M, ferventwidadi qui n'en peut plus d'être loin des gradins. Soufiane. El, un autre internaute en colère s'exprimant sur la page MancityB'Darija, n'arrive pas à comprendre comment est tolérée l'ouverture des salles de spectacle alors que les stades demeurent fermés. « Nous ne sommes pas contre les spectacles artistiques, mais contre cette politique de deux poids, deux mesures. Les salles fermées grouillent de monde tandis que les stades ouverts et en plein air sont déserts. C'est quoi cette logique ? »critique l'administrateur de la page, en rappelant que les gradins restent le seul exutoire d'une jeunesse malmenée par la crise et vivant un profond mal être. Dualité « Ce qui provoque la tension et la colère c'est cette dualité du traitement et l'incapacité à convaincre », analyse Jamal Asstaifi. Sur un ton ironique, la page Widad 1973, carrefour des fans du club casablancais, tourne en dérision les mesures restrictives qui ne s'appliquent qu'aux stades de football. « Ni les centres commerciaux, ni les salles de cinéma, ni les spectacles artistiques, ni les moyens de transport bondés, ni les cafés et autres restaurants et boites de nuits ne permettent la propagation de la pandémie. Seuls les stades, qui sont des espaces ouverts, favorisent la prolifération du virus ! » précise un post de la page. Incapables de comprendre la persistance de cette décision, les fans en colère se sont livrés d'ailleurs à des comparaisons avec d'autres pays d'Europe et même d'Afrique en incitant les autorités sanitaires et le gouvernement à prendre exemple et à libérer les stades. Rappelons que le public a fait son come back dans les gradins à partir de mai 2021. Au Maroc, depuis juin 2021, les fans de la ronde n'ont pas cessé de réclamer l'ouverture des établissements sportifs. La réouverture des théâtres et autres salles de cinéma n'a fait qu'attiser ce désir ardent de retrouver les anciennes habitudes. « Le mal du stade » « Espace de divertissement mais aussi d'expression pour beaucoup de fans, le stade est pressenti comme un foyer. Une deuxième famille est retrouvée là bas avec laquelle le spectateur a le sentiment de partager une passion et un état d'esprit » explique Mehdi Boussaid, chercheur en sociologie. Un sentiment de communion mais surtout d'appartenance, spécialement lorsqu'il s'agit de grands fans tels que les membres des ultras. « Qu'ils soient ultras ou simples fans, ces spectateurs se sentent actuellement privés d'une soupape leur permettant d'amortir une pression et une frustration cumulées depuis plus deux ans», ajoute le chercheur.