Bien sûr que cette coïncidence est tout à fait fortuite. Que les deux élections aient eu lieu le même jour (vendredi 12 juin 2009) est un hasard de calendrier. Elles ne peuvent donc avoir de signification, même si on s'autoproclame expertissime en élections en pays musulmans. Ceci dit, je ne peux m'empêcher de rapprocher - et de comparer-non les deux votations elles-mêmes, mais ce qui s'est passé là bas et ici au lendemain de ces consultations. Au pays des Perses, ou de leurs descendants, pour désigner le président et dans ce Royaume méditerranéo-atlantique pour former les municipalités ainsi que les communes. Dans la nuit de vendredi à samedi, ou plutôt au petit matin, sacrifiant au rite de la veillée électorale, nous avons appris grosso modo comment les choses s'étaient déroulées chez nous et puis également qu'il n'y aurait probablement pas de second tour pour le scrutin du pays des ayatollahs. Cette fois-ci, les tenants de l'opposition républicaine au régime de Téhéran ne se laissèrent pas faire. Tout un peuple, surtout composé de jeunes et de femmes, prit la rue d'abordage et cria sa colère ainsi que leur dépit de s'être fait «voler» sa victoire en raison d'une énorme fraude généralisée, organisée et perpétrée par un régime réactionnaire qui ne recule devant aucune manipulation pour maintenir en place ses serviteurs les plus zélés. A Téhéran, le pouvoir suprême étant inamovible de par le système dawlat al-faquih institué par l'imam Ruhollah Khomeiny, après la déchéance du shah Réza Pahlawi et qui veut que le haut clergé désigne toujours en son sein un «guide» qui est caudillo, führer, dictateur, maître in fine de toute décision de quelque nature que ce soit dans la république islamique d'Iran -toujours sans appel L'élection du Président de la République n'est donc pas une opération consistant à désigner une sorte de premier magistrat de l'Etat, mais plutôt à faire nommer un auxiliaire du pouvoir, une sorte de Premier ministre aux pouvoirs étendus chargé d'appliquer la politique déterminée et définie par le Guide suprême -actuellement, l'ayatollah Khamenei, vert vieillard cauteleux et psychorigide. A l'heure où nous écrivons ces lignes, une foule déferlante de plus d'un million d'individus défie, avec courage et même témérité, le pouvoir des chiites intégristes qui se trouvent surpris de se trouver face à un début d'insurrection populaire. On peut imaginer que le camp actuel du pouvoir ne peut qu'avoir présent à l'esprit la manière abrupte, en épingle à cheveux, dont presque toujours les ruptures se sont faites dans ce pays où de longues plages de stabilité semblaient (faussement) assurer la pérennité du pouvoir des maîtres de l'heure. Ne nous transformons pourtant pas en Cassandre des temps modernes ! Disons tout simplement que dans cette contrée apparemment de l'impossible, il est, tout à fait possible qu'un espéré se rue, à tout instant, dans l'histoire. Sans crier gare ni s'annoncer poliment. Quel rapport, me demandera-t-on, a toute cette périlleuse situation iranienne, avec le lendemain des élections communales au Maroc ? Mais tout simplement, me semble-t-il, parce qu'en ce royaume, malgré les résultats quelque peu déroutants sortis des urnes marocaines, il n'y eut qu'un grand concert de vagues satisfactions sorties de toutes les bouches partisanes formant presque tout l'arc politique national. Tout se serait plutôt bien passé... Les millions d'électeurs, qui ont tenu, pour près de 52% du corps électoral, à participer au scrutin, ont procédé dans un calme rassurant, sauf ici et là où des incidents regrettables auraient été vite jugulés, à faire apparaître la nouvelle hiérarchie des organisations dans le pays. Dans les jardins magnifiques du ministère de l'Intérieur, les dirigeants et représentants des principaux partis se sont prêtés, après la synthèse présentée, comme de tradition, par le patron des opérations électorales monsieur Chakib Benmoussa, au jeu des réactions officielles à la tonalité positive dans leur ensemble. Cela m'a réjoui particulièrement, non pas en raison du succès de celui-là ou de la défaite de cet autre, mais parce que c'était, en définitive, la vraie première fois que les résultats d'un vote au Maroc, s'ils ne sont pas été acceptés de bon cur par la totalité des belligérants (les vaincus ne pouvant qu'exprimer un sentiment amer de désappointement, au moins), n'ont pas été rejetés catégoriquement en totalité et dans le détail. C'était dit sur tous les tons - sans excessives convenances unanimistes - mais avec de diverses nuances dont certaines ne manquaient pas de subtilité. Le Parti de l'Istiqlal, premier en nombre de sièges lors des précédentes législatives, pour ne pas dire qu'il s'est classé deuxième, après le tout récent nouveau venu «Authenticité et Modernité», étale sa satisfaction d'être parvenu à une position honorable avancée». Triomphalisme modéré du R.N.I. avec pour sa part le mouvement islamiste du P.J.D. qui explique son sixième rang par le fait qu'il n'ait pas présenté de candidats partout dans toutes les circonscriptions et que par conséquent il n'a pu faire apparaître la réelle importance de ses troupes de fidèles, de militants et de sympathisants Quant aux socialistes, ils ont préféré faire profil bas, paraissant se suffire d'une très légère amélioration de leur score national par rapport à leur cuisante déroute de septembre 2007, laissant au seul Ismaïl Alaoui, le chef de file des ex-communistes (P.P.S.) le soin (élégamment dit) de faire état de sa déconvenue, (faussement) étonné qu'un parti né quelques mois auparavant puisse «se voir attribuer le premier rang dans [ce] suffrage d'envergure nationale». En résumé, aucun couac notable ni anicroche significative, n'ont été notés, tout en relevant que personne de crédible politiquement n'ait adhéré explicitement aux commentaires pour le moins lénifiants du ministre de l'Intérieur ou aux phrases enthousiastes et puériles des articles et éditoriaux de la presse aux ordres ou simplement inféodée. Dans ce domaine précis de l'application concrète des règles de la démocratie à l'épreuve des confrontations loyales pour dire les choix profonds des citoyens, un tournant a peut-être été pris formellement et finalement depuis une décennie. Sûrement pour le bien du pays. Souhaitons et travaillons ensemble pour qu'il devienne pérenne, car il reste néanmoins encore fragile et non irréversible. C'est déjà un acquis important qu'il y ait eu, la semaine dernière, cette distinction claire et nette entre le lendemain tragique de l'élection là bas en Iran et celui globalement débonnaire ici dans le Royaume. Il nous faut, à nous Marocains, apprendre à respecter les règles du jeu et à respecter, avec fair play, les résultats de nos compétitions politiques-saines.