Une rencontre entre S.M. le Roi Mohammed VI et le président Abdelaziz Bouteflika est imminente. L'annonce a été faite par le ministre algérien des Affaires étrangères. La visite qu'effectue le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, dans notre pays, revêt une importance particulière dans un contexte tout aussi spécifique. En premier lieu le responsable algérien a à peine foulé la terre marocaine qu'il a annoncé une bonne nouvelle que l'on attendait depuis longtemps : « Le président Abdelaziz Bouteflika et le Roi Mohammed VI doivent se rencontrer très prochainement. » L'information, qui circulait en coulisses depuis quelques semaines est donc confirmée officiellement et publiquement par le chef de la diplomatie algérienne. On peut déduire des termes” Très prochainement » employés par Belkhadem que cette rencontre se tiendra dans les jours à venir. Autrement dit, toutes les dispositions protocolaires et celles inhérentes à l'ordre du jour des discussions des deux chefs d'Etat seraient déjà prises et seront finalisées au cours de cette visite. Reste à savoir où et quand cette rencontre aura lieu même si beaucoup de prémices favorisent sa tenue en France. La coïncidence n'est pas fortuite entre la visite du président algérien à Paris, mercredi dernier, et la visite au Maroc, le lendemain, de son ministre des Affaires étrangères. La synchronisation est parfaite quand on sait que les deux capitales maghrébines ont connu un ballet diplomatique sans précédent depuis quelques mois. Plusieurs responsables français et américains ont effectué de multiples visites dans les deux grands pays du Maghreb pour essayer de dénouer la crise entre les deux pays. Le président français, Jacques Chirac, qui entretient de bonnes relations avec les deux pays n'a jamais caché ses intentions de rapprocher les points de vue de Rabat et d'Alger. Les responsables américains, qui accordent un intérêt de plus en plus pressant à cette région, rivalisent avec les Français pour favoriser un rapprochement entre les deux voisins. L'annonce de la rencontre officielle entre les deux chefs d'Etat suppose que les deux puissances, chacune de son côté, ont réussi à briser le mur de la méfiance et de la défiance entre les deux pays maghrébins. Encore faut-il que le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, ait les mains libres pour pouvoir discuter du problème du Sahara marocain sans qu'il ne soit pointé par une arme des généraux algériens. Les observateurs étrangers ont constaté, depuis longtemps, qu'à chaque fois qu'un président algérien tente un rapprochement avec le Maroc, il se met dans le collimateur des militaires.Chadli Benjedid a été fait et défait, devant les caméras, par la junte militaire. Mohamed Boudiaf n'a pas eu la chance de survivre puisqu'il a été abattu par un militaire qui n'avait aucune raison de perpétrer un acte criminel isolé.Quant à Liamine Zeroual, le militaire qui a été élu par un collège de militaires, il n'a pas pu terminer son mandat et a été acculé à quitter la scène avant la fin de son mandat. Les trois présidents auraient pris un peu de liberté face à leurs protecteurs (et bourreaux) de la junte militaire qui n'ont pas fait dans la dentelle pour les éjecter. Le président Bouteflika, malgré son sens de la diplomatie et une longue expérience politique, est exposé à ce même danger. Jusqu'à maintenant il se maintient à son poste, mais il risque gros s'il ose faire un pas sans avoir l'aval des Généraux. Dans son édition du mercredi 5 février, le quotidien français " Libération » explique comment Bourteflika réussit à maintenir l'équilibre : « ...Dans ce bras de fer (NDLR entre Bouteflika et l'armée) il (Bouteflika) dispose de deux atouts. L'un touche à la sale guerre : Bouteflika sait que les Généraux sont obsédés par la crainte de devoir un jour rendre des comptes...la multiplication des témoignages sur les exactions des services de securit constitue en effet toujours une épée de la justice internationale au-dessus de leur tête... En insistant sur la responsabilité de l'Etat dans les disparitions de 10000 personnes tout en faisant miroiter une amnistie générale, le président signifie aux décideurs qu'il demeure la clef de leur impunité. » Est -ce à dire que les décideurs militaires algériens vont se calmer pour autant ? Ce n'est pas non plus sûr quand on sait que la junte militaire a commencé, par médias affidés, à tirer à boulets rouges sur le président Bouteflika. À l'occasion de la visite de ce dernier à Paris, le quotidien algérien le « Matin" n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour saborder toute solution sur le Sahara marocain : « ...La France a bien observé l'absence de réaction algérienne lors du passage à Alger de James Baker...Pas plus que l'Algérie n'a réagi officiellement aux nouvelles propositions de M Baker sur le règlement du dossier sahraoui alors que, jusque-là, elle affichait une position de principe : le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui... » La presse algérienne notamment celle aux ordres des militaires a d'ailleurs reproché depuis des mois au gouvernement un certain revirement de la position de l'Algérie sur le Sahara marocain. C'est dire que la pression des décideurs militaires continue à s'exercer comme auparavant, voire avec plus d'intensité. À preuve cet article incendiaire contre James Baker commis par le « Soir d'Algérie » le 2 février, qui traite l'envoyé spécial de Kofi Anan de bandit et de pilleur :" A la mort de Hassan II, et contre toute attente, le promoteur des accords de Houston opère une volte-face aussi soudaine que criante. Que s'est-il passé qui expliquerait cela ? Les Européens qui enquêtent là-dessus (NDLR lesquels ?) lient ce reniement à l'odeur du pétrole en zone maritime sahraouie sous contrôle illégal marocain... » Et l'auteur de l'article commandité, Aziouz Mokhtari, poursuit son hérésie journalistique en accusant James Baker de soutenir le Maroc moyennant des avantages financiers et autres prospections pétrolières. La boucle de l'hégémonie militaire est bouclée quand les Généraux algériens empruntent une plume pour fusiller Baker et, à travers lui, le président algérien. Ce dernier n'est pas en position de force comme l'écrit notre confrère français « Libération » car les Généraux continuent à cerner la présidence. Abdelaziz Bouteflika sait que son champ d'action est très limité : il prône la normalisation avec le Maroc et la résolution du problème du Sahara en comptant sur le soutien effectif des Français et des Américains. Encore faut-il que ces deux puissances aient les moyens pour convaincre les militaires de s'abstenir de saborder cette initiative. Sinon il ne reste que deux options au president Bouteflika, soit il rentre dans les rangs des militaires, soit il sera tout simplement éliminé.