Après ce premier signe de sa volonté de ne pas laisser pourrir la situation dans la région, le président américain a fait un autre pas décisif le 19 mars. Alors que tout compromis entre l'Amérique de Bush et la République islamique semblait impossible, il a tendu la main aux Iraniens sur un ton tranchant radicalement avec les brefs messages formels que les présidents américains publient toujours à l'occasion de Nowrouz, le Nouvel An iranien. Ne pas changer le régime de Téhéran En fait, du jamais vu! "Je voudrais parler directement au peuple et aux dirigeants de la République islamique d'Iran", a-t-il dit dans une vidéo de trois minutes sous-titrée en farsi (iranien) postée sur le site de la Maison Blanche et sur You Tube, et en rendant hommage à la culture et à la civilisation iraniennes. Barack Obama a ainsi signifié qu'il reconnaissait les dirigeants iraniens dans leur ensemble, c'est-à-dire qu'il n'attendait pas le résultat de l'élection présidentielle iranienne du 12 juin pour amorcer un dégel des relations. Difficile d'indiquer plus clairement que le temps où Washington entendait changer le régime était révolu. «L'Iran a le droit de prendre la place qui lui revient dans la communauté des nations ( ) mais cette place ne peut être obtenue par la terreur et les armes, mais par des actions pacifiques», a-t-il toutefois insisté, en affirmant que rien n'avait changé dans la volonté des Occidentaux d'empêcher Téhéran de se doter d'une capacité nucléaire. Cette précision est décisive au moment où Dennis Blair, le chef du renseignement américain, prévient qu'il sera «difficile» de convaincre l'Iran d'abandonner son programme nucléaire par des moyens diplomatiques. Régler les conflits par leur périphérie Tout indique en réalité que Barack Obama entend s'occuper sérieusement de la guerre en Afghanistan, comme du Proche-Orient. Mais vu le blocage du processus de paix - que le gouvernement de droite et d'extrême droite constitué en Israël ne va pas arranger -, il le fait en passant par la «périphérie» celle-ci étant décisive : l'Iran, mais aussi la Syrie, deux pays qui détiennent une clé importante pour la résolution - ou le blocage - de ces conflits. Il est dès lors indispensable d'améliorer les relations des Etats-Unis avec Téhéran et Damas, et d'apaiser plus généralement les tensions avec le monde arabo-musulman. La secrétaire d'?tat, Hillary Clinton, a ainsi invité les Iraniens à une conférence ministérielle internationale sur l'Afghanistan le 31 mars à La Haye - invitation à laquelle Téhéran dit «réfléchir». Peu avant, deux émissaires américains, Jeffrey Feltman et Daniel Shapiro se rendaient à Damas Une manière éclatante de signifier que l'Amérique d'bama n'a pas de complexe à dialoguer avec les "bêtes noires" des Etats-Unis au Proche-Orient. Objectif : tenter de neutraliser leur pouvoir de nuisance et les amener si possible au dialogue. Signe de ce smart power - pouvoir habile - de Barack Obama : tout en considérant qu'il «fallait des actes», Téhéran a admis que le message de Washington était «positif». De son côté, Khaled Mechal, le chef du Hamas palestinien en exil à Damas, faisait quasiment un appel du pied à Obama en notant que les Etats-Unis avaient «changé de rhétorique»