Fini le temps où des officiels marocains ne se déplaçaient à Bruxelles que pour jouer aux pompiers. L'heure est à l'anticipation. Le 18 septembre à Bruxelles se tenait la 5e réunion annuelle de la Commission parlementaire mixte (CPM) Maroc-UE. Il s'agit d'un organe de concertation que co-président le député Abderrahim Atmoun du côté marocain et Pier Antonio Panzeri du côté européen. Différents sujets étaient à l'ordre du jour dont notamment le partenariat pour la mobilité, l'accord de pêche et l'accord de libre-échange complet et approfondi. Et parce que le Parlement européen est une machine imprévisible, il était aussi question de débattre du projet de rapport Tannock, du nom de son rapporteur l'eurodéputé britannique Charles Tannock, sur les droits de l'Homme dans le Sahel. Surprise : ce rapporteur, qui n'a jamais visité le Maroc même si on l'y a officiellement invité, ne s'est pas limité à cette région, mais y a inclus le Sahara marocain. Moment fort de l'échange qui a eu lieu à ce propos, l'intervention de Driss El Yazami, en sa qualité de président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH). « Que ce dernier puisse être invité officiellement à venir s'exprimer devant des eurodéputés est une victoire en soi », se félicite-t-on du côté marocain. A raison d'ailleurs, puisque El Yazami a su démonter un à un les graves accusations portées à l'encontre du Royaume dans le rapport Tannock. Le président du CNDH a également reproché à ce dernier de n'avoir pas daigné le rencontrer au cours de l'élaboration de son document. Nombreux sont les eurodéputés qui ont été surpris par le ton direct et franc du responsable marocain. Résultats, l'essentiel des amendements qui chargeaient le Maroc ont été par la sue retirés. Voilà une action de lobbying direct qui montre que le Maroc a bien changé son approche. Désormais, le pays agit d'une manière décomplexée pour défendre non seulement la cause nationale, mais également ses intérêts dans les différents dossiers qui le lient à l'UE. Atmoun le confirme : « L'heure est désormais à l'anticipation. Le temps où les Marocains ne faisaient que jouer aux pompiers dans leurs rapports avec les européens est bien révolu ». Ce parlementaire a pu mesurer de visu la complexité des appareils décisionnaires de l'Union. Il lui a fallu passer, sur ses propres frais, deux mois au Parlement européen pour bien comprendre ses rouages. « Les ennemis du Maroc sont présents en force à Bruxelles, ce serait une erreur de ne pas être sur place pour suivre de près ce qui se passe. Surtout que les décisions se préparent longtemps à l'avance ». Pour le co-président du CPM, le Royaume a maintenant un capital sympathie au sein de l'UE lui permettant de parler, avec la plus grande sérénité, même des sujets qui fâchent. « Nous tenons un langage crédible que nous devons maintenir pour avancer avec les Européens », insiste Atmoun. « L'approche marocaine s'avère aujourd'hui porteuse par sa cohérence », témoignent des eurodéputés français, espagnols et italiens que nous avons rencontrés à Bruxelles. Des connaisseurs des arcanes de l'UE louent le dynamisme de Menouar Alem, ambassadeur et chef de la mission du Royaume auprès de l'Union européenne, dont l'expérience permet de fluidifier les contacts à Bruxelles. La rencontre tenue récemment dans la capitale européenne entre le Groupe parlementaire du Parti populaire européen (PPE) au Parlement européen et des députés représentants six partis marocains s'inscrit dans cet élan. Et c'est de bon augure pour le Maroc que le président de ce groupe lui-même déclare : « Le partenariat Europe-Maroc est plus qu'important pour la stabilité de toute la région ». Et d'ajouter : « Le Maroc avance et nous voyons effectivement le changement ». Autre déclaration qui a son importance, celle de Sari Essayah. Cette eurodéputée finlandaise du Groupe PPE a déclaré que le Maroc impressionne par la rapidité avec laquelle il a opéré des changements démocratiques substantiels dans un contexte géopolitique particulier. « L'UE doit prêter aussi son concours total au renforcement de l'aspect démocratique et de développement économique et social du Maroc et de son voisinage », a-t-elle martelé. Venant d'une eurodéputée nordiste de droite, ces phrases ont leur importance.