RAPPORT En prenant connaissance des recommandations du CNDH, le souverain ouvre la voie à l'adoption d'une nouvelle politique, basée sur le droit, envers les immigrés et les demandeurs d'asile. Le Maroc veut donc assumer pleinement son statut de terre d'accueil. «Le Souverain a pris note des recommandations pertinentes du CNDH et a réitéré sa conviction que la problématique migratoire, objet de préoccupations légitimes et parfois sujet de polémiques, doit être approchée de manière globale et humaniste, conformément au droit international et dans le cadre d'une coopération multilatérale rénovée ». Le communiqué du Cabinet royal a été on ne peut plus clair. C'est sous l'angle du droit qu'il va falloir désormais traiter la question migratoire au Maroc. Le message royal a été diffusé aussitôt après que le souverain ait pris connaissance, le 9 septembre, du rapport thématique relatif à la situation des migrants et des réfugiés au Maroc. Intitulé « Etrangers et droits de l'Homme au Maroc : pour une politique d'asile et d'immigration radicalement nouvelle », ce document va droit au but. Loin de verser dans la complaisance, ses auteurs relèvent que le contrôle accru des frontières s'est accompagné de campagnes régulières de contrôle d'identité et d'interpellations qui ont donné lieu à de nombreuses violations des droits des migrants en situation irrégulière : interpellation de réfugiés, violences et mauvais traitements, refoulements sans saisine de la justice…). Ces actes s'ajoutent, lit-on dans le même rapport, « aux violences de délinquants et de trafiquants des êtres humains et aux violations subies par les migrants pendant leur long parcours migratoire ». En établissant ce diagnostic, le CNDH précise ne pas contester « le principe du droit des autorités marocaines à contrôler l'entrée et le séjour des étrangers et leur devoir de lutter contre les trafics des êtres humains ». L'institution souligne toutefois que « les pouvoirs publics ne peuvent, dans l'accomplissement de ces missions, se soustraire aux dispositions constitutionnelles en matière de droits humains et de droits des étrangers, aux engagements internationaux contractés en vertu de la ratification de l'ensemble des instruments de protection des droits de l'Homme ». Pour aider le pays à avancer dans le bon sens dans ce dossier, très sensible, le CNDH donne de précieuses recommandations que le gouvernement a tout intérêt à faire siennes. Et pas seulement le gouvernement, puisque l'institution s'est aussi adressée au Parlement, aux médias, aux entreprises et aux syndicats ainsi qu'à l'ensemble des acteurs sociaux et des partenaires internationaux du Maroc. Surtout que les principaux aspects de la problématique ont été décortiqués et de nombreuses actions correctives ont été proposées. Qu'il s'agisse de la situation des réfugiés et des demandeurs d'asile, des étrangers en situation administrative irrégulière ou de la lutte contre la traite des personnes ou encore des étrangers en situation régulière, le CNDH a émis des recommandations réalisables. L'objectif est de voir le Maroc adopter une nouvelle politique de l'immigration et du droit d'asile. L'accueil favorable réservé par le souverain à ce travail est un signal fort qui augure une rupture avec les anciennes politiques. Le rapport a été également bien accueilli par la société civile, les politiques et les partenaires étrangers du pays. C'est le cas notamment de Camille Denis. La coordinatrice du Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM) accueille avec enthousiasme l'appel du CNDH à l'ouverture d'un dialogue élargi avec la société civile sur les questions migratoires. « Le rapport servira de base de travail », estime-t-elle, émettant toutefois des réserves quant à la nécessité d'édicter de nouvelles lois, quand le cadre juridique existant ne demande qu'à être étoffé et surtout appliqué. De son côté, Ali Lotfi est tout aussi satisfait. Le Secrétaire général de l'ODT, syndicat qui a été le premier à permettre à des immigrés de manifester sous sa bannière, veut maintenant voir des actions concrètes réalisées. Son organisation a d'ailleurs reçu 50 enfants de 4 à 15 ans nés de parents immigrés, qui doivent inscrits à l'école. « Pour l'heure, c'est loin d'être une tâche facile ! », martèle-t-il, en rejetant la propension de certains activistes à accuser le pays de racisme. Aller de l'avant pour résoudre les problèmes posés sur la base du droit, c'est ce que veut le roi Mohammed VI. C'est pour cela que le souverain a réuni, le 10 septembre, des membres du gouvernement et de hauts responsables concernés. Il est clair que ce dossier est prioritaire. Pas question de perdre du temps ! Au lendemain de la diffusion du communiqué du Cabinet royal concernant le rapport du CNDH, le souverain a présidé, au palais royal de Casablanca, une séance de travail, en présence du Chef du Gouvernement et de plusieurs ministres et hauts responsables, consacrée à l'examen des divers volets relatifs à la problématique de l'immigration. Cette réunion s'inscrit dans « la perspective d'établir une nouvelle politique migratoire globale dans le Royaume », indique le communiqué du Cabinet royal diffusé à l'occasion. On apprend aussi que le roi a donné ses instructions au gouvernement afin de procéder, sans délais, à l'élaboration et la mise en place d'une stratégie et d'un plan d'action appropriés, en coordination avec le CNDH et les différents acteurs concernés, dans la perspective de formuler une politique globale en matière d'immigration. Donc, pas question de perdre du temps dans ce dossier !