C'est entendu, on commence à s'en persuader, Barack Obama est avant tout le président des Etats-Unis et non celui du monde. Certes, c'est le chef de l'Etat le plus puissant de la planète, sans concurrent et sans véritable challenger. Depuis des années, l'autre puissance, le challenger communiste, en l'occurrence l'Union soviétique, s'est désintégrée, a implosé pour retrouver son nom et son périmètre géographique et il n'est pas sûr que la Russie, à la direction actuellement faussement duale - elle est celle surtout de Vladimir Poutine - ait été «rétrogradée» seulement à la deuxième place. La Chine, l'Inde, et dans une certaine mesure l'Europe, sont en embuscade dans le hit parade des puissances. Le Japon, en ce qui le concerne, est trop nettement distancé et son économie est trop perturbée pour songer à autre chose qu'à sauver les meubles hérités d'une seconde partie d'un vingtième siècle plutôt triomphant. Washington demeurera donc, pour un certain temps encore, la capitale du premier Etat du monde, économiquement, militairement, scientifiquement et même financièrement, malgré l'énorme tempête que l'on vient de connaître, ce dernier trimestre. Il y a, effectivement, à côté des Américains d'autres pays qui possèdent (ou qui aspirent à acquérir) l'arme nucléaire, mais aucun n'est en mesure de s'opposer à eux sérieusement et à long terme. La Russie, elle-même, qui peut se targuer d'avoir voix à ce chapitre, parce qu'elle garde encore un terrible arsenal de destruction massive atomique, ne peut plus tenir la dragée haute ni aux Américains, ni à l'Europe. Et puis la Chine vient se mettre sur les rangs, affirmant son appétit et ses ambitions, bridée malgré tout par la fragilité d'une société et d'une économie qui restent foncièrement peu démocratiques, tournant le dos aux valeurs humanistes. Barack Obama gardera la tête du peloton des chefs d'Etat dans le monde sans conteste, au moins pour ses quatre premières années de mandat et pourra renforcer la politique de contention des Etats voyous et autres qui travaillent, d'une manière ou d'une autre, à se doter d'une force de frappe nucléaire, jouant au gendarme mondial même si son pays possède cette arme redoutable et moderne, sachant qu'il a été le seul à l'avoir utilisée par deux fois au Japon (à Hiroshima et à Nagasaki). L'Iran, et à un moindre degré la Corée du Nord, n'ont qu'à bien se tenir : le démocrate Barack H. Obama restera sur la même ligne d'attaque, peut-être et probablement sûrement utilisant d'autres méthodes que celles de son prédécesseur Georges W. Bush. Le discours d'investiture, de haute tenue linguistique, morale et politique, ne doit pourtant pas faire illusion. Le nouveau locataire de la Maison Blanche reste l'Américain libéral, imbu de la belle tradition de son pays qui veut réformer mais sans bouleverser durablement. Les Etats-Unis, peuple et Etat, veulent, sous sa direction, se retrouver loin des turpitudes, quelquefois démentiels le et toujours réactionnaires d'un Bush vite tombé dans les oubliettes d'une histoire dévoyée par son magistère de huit longues années. Le «yes, we can», peut dorénavant se transformer en un «yes, we do!», avec l'appui d'une marée d'activistes anonymes, armée solaire pour une action tournée résolument vers l'avenir. Qui, parmi les gens de bonne volonté, dans le continent américain et aux quatre coins du monde, se déroberait à un tel appel, tant il apparaît comme le bon sens même, lancé de surcroît par un leader qui a marqué la rupture véritable dans la longue théorie des président américains depuis deux siècles. Pas seulement en raison de la couleur de sa peau. Mais pour l'heure, il faut parer au plus pressé. La machine sociale est en panne, pas définitivement et durablement, mais manifestement plutôt profondément. Il est évident que l'actuel président attend un vote rapide sur la relance, avant deux semaines, accélérant le rythme considérablement pour mettre le Congrès au pied du mur, le menaçant de le faire accuser de retard coupable à propos du plan d'urgence de relance, d'autant plus que la situation de l'économie réelle ne cesse de se dégrader. La destruction des emplois ne cesse de croître à vitesse grand V. Et Barack Obama avec ses conseillers nouveaux/anciens donnent pour exemple la méga-ville de New-York où le taux de chômage s'établit à quelque 8%. Sur quoi la Maison Blanche s'appuie-t-elle pour essayer de mettre sur les rails cette politique de véritable salut public ? Essentiellement, parce que depuis le train des grandes nominations initiées par le président nouveau, on voit bien que le quarante-quatrième patron des Etats-Unis veut instaurer une espèce de système bi-partisan qui irait, par souci d'efficacité, au-delà du clivage (de la dichotomie) traditionnel Républicains/Démocrates. Le pourra-t-il durablement, plus loin que l'effet d'annonce et de la stratégie unioniste classique chère aux politiciens qui se veulent, à un moment privilégié, «new wave». A l'usage, on verra très rapidement si cette posture a quelque chance de perdurer et si Barack Obama pourra en faire un véritable «new deal» du vingt-et-unième siècle, frappé au coin du consensuel patriotique. Ce n'est pas une mince affaire dans un aussi vaste pays, où si on se proclame «tous américains», ou n'en est pas moins très jaloux des particularismes sociaux, régionaux, ethniques, religieux et aussi de classes. Commencer par le haut pour ensuite descendre, au fur et à mesure, vers le bas pour ramasser tous les Américains de toutes extractions et de toutes races pour arriver à ce «melting pot» désiré, rêvé depuis des décennies au cours desquelles des gens de tous azimuts sont arrivés dans ces territoires avec l'espoir fou de se fondre en une entité multi-culturelle aux grandes espérances. Le Maroc, pour sa part, ne peut que voir d'un bon (excellent) il, la promesse d'une nouvelle ère de l'autre côté de l'Océan Atlantique. Peuple, élite, société civile et Roi se sont exprimés en toute liberté, oubliant, comme un fait exprès, de faire toute allusion positive à ce qui a pu être appelé, à un moment ou à un autre, qui a pu être Georges Bush. Nous avons précédemment écarté d'un revers de plume toutes ces petites bellivesées relatives à «la première» reconnaissance par le Royaume de la jeune République nord-américaine ainsi que des péripéties d'une récente histoire idyllique entre les deux ?tats, partageant le même idéal anti-colonialiste. Il y a peut-être un petit fonds de vérité dans tout cela, mais la raison et l'objectivité commandent de relativiser et de garder toute lucidité. Nous préférons, pour notre modeste part, mettre les relations entre Washington et Rabat dans le contexte plus général du «se réconcilier avec le Monde», annoncé comme principe général de la diplomatie américaine par Barack Obama. Il faut y croire fermement et prendre au sérieux, comme prémice de ce programme annoncé, la promesse, annoncée lors du discours d'investiture de la fermeture du bagne de Guantanamo, le Tazmamart américain en terre occupée cubaine. Au moins, cela évitera à notre Maroc l'humiliant et atroce sous-traitement de ce qui est appelé, sans précaution aucune, le terrorisme international-islamiste en particulier. Le reste viendra, on peut en être de surcroît, assurés. En attendant, restons vigilants et réfléchissons à toute cette problématique. Aux politiques du Maroc, notamment les diplomates et les décisions, de réfléchir à tout cela pour inscrire l'itinéraire commun aux deux Etats dans le cours utile de l'Histoire. Il ne sert à rien de se bercer d'illusions rhétoriques. Le commencement est de juguler la crise financière internationale. Elle est partie de l'Amérique pour se propager dans le monde. C'est à partir de là-bas qu'il faut l'éradiquer si on veut soigner le monde.