En 2008, la consommation du ciment s'est élevée à 14 millions de tonnes, en hausse de 9,86% par rapport à 2007, année où la croissance du secteur affichait deux chiffres (12,6%, à près de 13 millions de tonnes). Sans surprise, ce ralentissement était déjà prévisible. «L'année 2008, tout en se maintenant à un taux élevé, connaîtra sans doute un fléchissement de la demande», avait pronostiqué en début d'année l'APC (Association professionnelle des cimentiers). Le même rythme sera observé pour les deux années à venir, puisque la profession s'attend à une progression comprise entre 9 et 10%. Exit donc l'euphorie ayant marqué les trois dernières années : ce n'est qu'en 2005 que le cap de 10 millions de tonnes aura été dépassé, portant ainsi la consommation per capita de 263 kg à 407 kg entre 2000 et 2007. Ce ralentissement de la consommation du ciment intervient alors que le secteur est engagé dans un effort d'investissement colossal : pour les trois années à venir (2009-2011), le montant des investissements engagés par les quatre cimentiers regroupés au sein de l'APC (Lafarge Maroc, Holcim, Ciments du Maroc et Asment Témara) s'élève à 10,5 milliards DH, pour une capacité de production additionnelle de plus de 5 millions de tonnes. Alors que 6 milliards DH ont déjà été investis entre 2005 et 2007. Outre l'ouverture de nouvelles usines, cet effort concerne aussi des investissements d'extension et d'accroissement des capacités. «Le développement ou l'accélération des programmes d'investissement des cimentiers ont été motivés par les nouveaux rythmes de croissance de la demande auxquels il leur fallait répondre et le souci de chacun des opérateurs de capter une part de la croissance», rappelle l'APC. A terme (à l'horizon 2011), la capacité de production devra avoir doublé pour atteindre 21 millions de tonnes pour une demande potentielle de 19,5 millions de tonnes. «Grâce aux investissements engagés, les quatre cimentiers disposeront des capacités nécessaires pour y pourvoir», soulignent les responsables de l'APC. Ce qui n'a pas empêché certains promoteurs immobiliers, les plus grands producteurs de logements notamment Addoha et Ynna holding, d'investir dans leurs propres cimenteries. Le Groupe de Anass Sefrioui, à travers sa nouvelle filiale Ciments de l'Atlas (CIMAT), prévoit de réaliser au coût de 5,6 Mds DH deux cimenteries d'une capacité totale de 3,2 millions de tonnes (une à Ben Ahmed et l'autre à Beni Mellal). Tandis qu'Ynna Asment, filiale du Groupe Achaabi, construira une unité dans la région de Settat pour une capacité de production de 2 millions de tonnes/an pour un investissement de plus de 3 milliards de dirhams. L'entrée en service de ces unités est prévue en 2010-2011. La décélération de la demande du ciment pourra-t-elle mettre en cause cet effort d'investissement ? Anass Sefrioui, patron du groupe Addoha, avait récemment rassuré sur le maintien de ses projets en dépit d'une conjoncture morose dans l'immobilier et d'une chute des cours des valeurs immobilières sur la place financière casablancaise. Ce qui est sûr en tout cas est que la baisse de régime dans les chantiers immobiliers et touristiques aura à coup sûr un impact sur le rythme de croissance du secteur cimentier, poussant peut-être les opérateurs à revoir leurs projets de développement, trop ambitieux et basés sur des scénarios de croissance à deux chiffres. Signe du temps : la consommation aura connu une chute brutale pendant le mois de décembre 2008 : 767.000 tonnes contre 1,2 millions de tonnes en novembre de la même année. Comparée au mois de décembre 2007, la consommation est également en baisse de 6,33%. La période de fête de l'Aid El Kébir, synonyme de moins de ventes de ciment pour cause de congé dans les chantiers, justifie-t-elle cette mauvaise performance du mois de décembre 2008. Ou bien le secteur est-il entré dans une phase d'essoufflement après une euphorie éphémère (2005-2007)? Les prochains mois apporteront sûrement quelques éléments de réponse.