Le 11 mai dernier, le conseil national de l'Istiqlal a annoncé la décision des amis de Hamid Chabat de quitter le gouvernement. Le secrétaire général a immédiatement révélé qu'il avait reçu un appel téléphonique du souverain, lui demandant se surseoir à l'application de la décision du parlement de son parti, en attendant le retour du chef de l'Etat au Maroc. Le 11 mai dernier, le conseil national de l'Istiqlal a annoncé la décision des amis de Hamid Chabat de quitter le gouvernement. Le secrétaire général a immédiatement révélé qu'il avait reçu un appel téléphonique du souverain, lui demandant se surseoir à l'application de la décision du parlement de son parti, en attendant le retour du chef de l'Etat au Maroc. Depuis, il n'y a rien de nouveau. Ce week-end encore, dans une réunion partisane, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a affirmé qu'il n'y avait aucune crise, que les ministres istiqlaliens travaillaient normalement, que le groupe parlementaire se comportait loyalement et que donc, il n'y avait que « du bruit ». D'autant plus qu'il n'aurait reçu aucun écrit du parti de l'Istiqlal. Il est allé plus loin en affirmant qu'il n'avait recherché aucun contact extérieur à la majorité actuelle, puisqu'elle est « solide ». A l'inverse, Chabat menace de se retirer et de manifester contre le gouvernement. Il ne s'agit pas ici de répertorier les noms d'oiseaux que les deux « alliés » se sont jetés à la figure, mais de poser deux questions essentielles : - Quel est l'impact politique et économique de la situation actuelle ? - Quelles sont les issues possibles dans le respect de la constitution ? Les agences de notation sont en train de réviser à la baisse le rating du Maroc. Il y a bien évidemment des éléments objectifs qui y concourent, comme l'état des comptes de la Nation. Mais un élément négatif surgit dans les analyses : Les risques d'instabilité politique. Or, le Maroc, par sa gestion du Printemps Arabe, par ses réformes politiques entamées depuis le début du siècle était le bon élève de la région. Une dégradation du rating, c'est un accès au crédit plus cher et une attractivité pour les investissements directs étrangers moins élevée. Sur le plan domestique, il est clair que les entrepreneurs ne sont pas enhardis par une telle situation. Ils attendent une batterie de réformes, qui ne peut être mise en branle par un gouvernement paralysé par l'implosion de la majorité. Alors que la crise qui se profile est la plus grave depuis des décennies, son coût économique est dévastateur. Les prérogatives du Roi Politiquement, le gouvernement actuel est issu des premières élections générales qui ont lieu depuis l'adoption de la nouvelle constitution. Elles ont imposé une alternance démocratique, menant le PJD à la tête du gouvernement, sans être majoritaire, avec de larges prérogatives. Le « cirque » actuel désespère les électeurs et affaiblit l'adhésion aux nouvelles institutions, alors que la constitution a été plébiscitée, dans un environnement régional en effervescence. Au-delà des calculs politiciens mesquins des uns et des autres, il serait bon de décliner les possibilités offertes par la constitution. Le parti de l'Istiqlal a commis une gravissime erreur en invoquant l'article 42. Celui-ci encadre l'intervention royale en cas de crise entre les institutions. Ce n'est pas le cas, il s'agit d'un différend entre deux partis de la majorité. Le Souverain a des prérogatives précises par la constitution qui le placent au dessus du jeu partisan. Il faut donc que les belligérants prennent leurs responsabilités. Chabat peut demander à ses ministres de déposer leur démission. Selon la constitution, cela n'a rien de subversif. Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement a quant à lui, 3 possibilités constitutionnelles. Il pourrait : - Constituer une nouvelle majorité en y invitant des partis de l'opposition actuelle pour remplacer le parti de l'Istiqlal. - Gouverner par une minorité parlementaire qui négocierait ses textes à chaque fois. - Aller vers des élections anticipées. La constitution lui permet ces trois cas de figure. Mais, La seule solution viable, c'est la refonte d'une coalition sur la base d'un programme gouvernemental nouveau, approprié à la crise et qui doit être adopté par le parlement. Il s'agit là de respecter les institutions représentatives et au-delà, le contrat entre les électeurs, les élus et l'exécutif censé représenter les options de la majorité. En fait, le vrai problème c'est que l'acte fondateur de l'alliance gouvernementale est caduc. Le gouvernement est obligé d'appliquer une politique qui n'a rien à voir avec le programme sur lequel la représentation nationale l'a investie. C'est, probablement, ce vers quoi on se dirige. En attendant, le mal fait à la construction démocratique, et qui la fragilise, est énorme