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Santé mentale au Maroc : Une folle réalité !
Publié dans L'observateur du Maroc le 27 - 03 - 2013


Par Hayat Kamal Idrissi
Parent pauvre de la santé publique, la santé mentale au Maroc souffre de nombreux handicaps. Si le nombre des malades mentaux ne cessent de croître ces dernières années, l'infrastructure médicale, elle, ne suit pas. La vingtaine d'hôpitaux spécialisés éparpillés à travers le royaume sont submergés. D'où l'inévitable détérioration des conditions de prise en charge des patients. Capacité litière très faible, pénurie de personnel spécialisé, absence de spécialités d'accompagnement et de politique intégrée de santé mentale, manque de moyens et de contrôle… Les maux sont innombrables et les remèdes tardent à venir. C'est ce qui fait dire aux défenseurs des droits de l'Homme, comme aux professionnels de la santé, aux patients et à leurs familles et même aux responsables que la situation est catastrophique. Décryptage.
36, vu de l'intérieur
Vendredi, 15h45, une trentaine de personnes investissent l'entrée du pavillon 36 du centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd de Casablanca. Des femmes, des hommes et même des enfants attendent l'heure des visites tout en s'occupant comme ils peuvent. Tandis qu'une femme d'un certain âge s'active à rassurer sa voisine sur le bon rétablissement de son fils, deux autres jeunes femmes s'impatientent en s'accrochant aux barreaux de la portière nullement intimidées par les remontrances du gardien de l'hôpital. De l'autre côté de la portière, un jeune homme ne cesse de remuer un sachet en plastique avec des pommes dedans. Tantôt il s'énerve, tantôt il se calme sous les implorations de sa mère, avant de revenir à la charge … Il veut absolument voir son père pour lui remettre ces pommes. Mais ni le gardien, ni les agents de sécurité, encore moins les policiers se réfugiant dans une fourgonnette de service ne lui permettent de réaliser son souhait. Son père est un détenu à Oukacha. Il est venu au service psychiatrique avec un autre prisonnier, sous escorte. Tous deux doivent prendre leurs traitements suite à une crise. La discussion entre les policiers et le jeune homme a vite tourné au vinaigre, sous le regard vitreux du père et l'œil curieux de l'assistance. Mais « le spectacle » prendra fin avec l'ouverture des portes à 16h00, lorsque ces visiteurs impatients se sont précipités à l'intérieur en cherchant du regard, depuis l'entrée, leurs proches internés.
Les lieux de visite des patientes femmes sont séparés de ceux des hommes. Ce sont deux univers différents. Les hommes reçoivent leurs visiteurs dans une sorte de terrain de basketball entièrement grillagé. Déçus, ceux qui ne reçoivent personne regardent les autres en lançant des cris étouffés pour attirer l'attention. Pour cette mère de famille venant s'enquérir de l'état de son mari, les deux heures de la visite vont lui permettre de lui apporter quelques petits soins. Elle lui touche le visage et le corps. Ses gestes montrent son inquiétude. « Tu as bien mangé ? tu as bien dormi ? Tu as pris tes médicaments? », demande-t-elle à son mari, avant de lui présenter un grand plat de couscous qu'il attaque sous son regard attendri. Plus loin sur les bancs du petit jardin jouxtant le pavillon des femmes, c'est le même rituel. De ce côté aussi, on voit un couscous, avec les mêmes gestes, la même inquiétude. « C'est vendredi, nous leur ramenons du couscous pour qu'ils ne se sentent pas tout à fait exclus », explique cette femme venue rendre visite à sa fille avec tous les membres de la famille, les enfants compris. Une foule immense qui semble déranger cette patiente qu'on appellera H. Outrageusement maquillée, cette trentenaire achève avec voracité le paquet de cigarettes que son copain lui a ramené. Excitée, elle aborde sans ménagement la mère de sa colocataire (S.). Elle lui rappelle sa condition de « malade mentale », de « toxicomane », de «meblia» (addict) qui a absolument besoin de cigarettes et qui se rabat le plus souvent sur les mégots. S., elle, était ailleurs, quasiment absente tandis que H. élève de plus en plus le ton. Tous les visiteurs se tournent alors vers elle. « Elle était à «bit dlam» (la chambre sombre). Elle a eu une crise grave. Pour la calmer, ils l'ont mise là-bas. C'est horrible, là-bas ! », crie la « meblia ». La mère de S. ajoutera que sa fille s'est déshabillée et a couru dans les couloirs en criant. Une forte crise qui a nécessité son isolement. Pour échapper aux regards, la maman tire sa fille par la main et l'emmène se promener sous ce soleil hivernal sans chaleur qui ne parvient pas à chasser le brouillard ternissant le regard hagard de la patiente.
Mais H. ne s'est pas calmée pour autant. Hargneuse, elle n'a pas cessé de dénoncer « les pratiques violentes et intimidantes » du personnel médical dans cette « chambre de la honte ». «Il faut dire qu'au pavillon des femmes, nous sommes plutôt bien, c'est là-bas que ça craint ! », insiste-t-elle en nous racontant la tentative de viol dont elle a failli être la victime. « C'est une patiente lesbienne qui vient d'arriver. Elle a profité de mon état de somnolence à cause des médicaments pour me déshabiller et abuser de moi. Ce sont les autres patientes qui ont averti les infirmières pour venir me sauver », confie-t-elle sous le regard inquiet de son fidèle amoureux.
Le patient vu comme un fardeau
Les patients atteints de maladies psychiatriques partagent un triste vécu quotidien dans des établissements saturés, qui sont en flagrant manque de moyens et de personnel. « Mais il faut reconnaître que la situation au service psychiatrique d'Ibn Roch s'est beaucoup améliorée ces dernières années. Mon fils y a été interné à 20 reprises, j'ai pu observer cette évolution », note Naïma Trachen, présidente de l'association Amali des familles des malades mentaux.
Mère d'un jeune homme atteint de schizophrénie, cette femme milite depuis des années pour la réhabilitation et la réinsertion de cette catégorie de patients. Pour elle, au delà des hôpitaux spécialisés, ces malades ont grand besoin de «structures intermédiaires ». « Après les périodes d'internement qui varient selon les cas, les personnes malades sont à la charge de leurs famille ; ce qui n'est pas une tâche facile. La schizophrénie est une maladie chronique et très difficile à gérer dans le milieu familial. Elle nécessite une prise en charge biologique, psychologique et sociale », argumente cette militante associative. Occuper les malades, leur offrir un espace d'expression, meubler le vide de leur vie par des activités régénérantes et favorisant leur réinsertion, tout en soulageant les familles concernées, ce sont là les objectifs que veut atteindre Naïma Trachen. Cette dernière a déjà lancé un centre d'informatique spécifique pour les malades schizophrènes. D'après elle, cette initiative a prouvé son utilité et a déjà porté ses fruits.
Une chance que beaucoup d'autres malades n'ont pas. D'après les rapports sur la santé mentale dans notre pays, nombreux sont les patients qui n'ont même pas accès aux soins. Pris en charge par les membres de leurs familles ou livrés à eux-mêmes, ces patients en mal de traitement représentent une menace pour eux-mêmes et parfois pour leurs proches, voire pour ceux qu'ils peuvent rencontrer sur leur chemin. Rien qu'en 2013, la presse a rapporté que plus de trois meurtres matricides ont été perpétrés par des personnes souffrant de déséquilibres psychologiques qui se trouvaient en arrêt de traitement. Le manque d'accès aux médicaments, dont le prix varie entre 200 et 3.000 DH par mois, vient en tête des causes de ces « dérapages » qui sont évitables, d'après les spécialistes.
Folle réalité
La situation concernant les maladies psychiatriques est inquiétante au Maroc. Un rapport du Conseil national des droits de l'Homme datant de septembre dernier a dévoilé, sans complaisance, cette réalité. Dressant l'état des lieux de la santé mentale au Maroc et des établissements hospitaliers chargés de la prévention et du traitement des maladies mentales, ce document a porté sur 20 établissements et services hospitaliers spécialisés dans le traitement des maladies mentales et psychiques à travers le Royaume.
Driss El Yazami, président du CNDH, résume les dysfonctionnements de ce secteur dans l'insuffisance et l'inadéquation des structures en termes de répartition géographique et d'équipements en plus de la non-conformité de ces structures aux normes et aux exigences de sécurité et de surveillance. Le rapport diagnostique également une très grande pénurie du personnel médical et paramédical et une grande insuffisance de programmes de formation et de formation continue. Les auteurs de ce rapport incendiaire relèvent également l'absence de profils nécessaires en matière de psychiatrie, tels que les psycho-éducateurs, les psychologues cliniciens, les généralistes, les ergothérapeutes, les art-thérapeutes et les assistants sociaux. Ils enfoncent le clou en mettant en exergue la mauvaise qualité des services médicaux et non médicaux administrés aux usagers de la psychiatrie et des conditions de vie auxquelles ils sont soumis pendant l'hospitalisation. Une situation aggravée par le non respect des procédures et l'absence d'outils de contrôle, sans parler de la stigmatisation générale des patients et même de leurs soignants.
Un tableau sombre qui esquisse un état unanimement qualifié de catastrophique, d'autant plus que les chiffres de la santé mentale dans notre pays sont inquiétants. Que l'on en juge ! Près de la moitié des Marocains souffrent de troubles psychiques, 26,5% sont victimes de dépressions et plus de 200.000 personnes sont atteintes de bipolarité. Ce sont là des chiffres rapportés par une enquête réalisée par le ministère de la Santé. El Houssaine Louardi, qui dirige actuellement ce département, a expliqué les raisons de la prépondérance de la maladie mentale dans une lettre datant d'octobre dernier qu'il a adressée à la Chambre des représentants. D'après lui, les évolutions rapides que connaît la société, les conditions difficiles du travail, la discrimination sur la base du sexe, l'exclusion sociale ainsi que les violations des droits de l'homme seraient à l'origine du mal être mental de nos concitoyens. Ces facteurs, ajoutés à d'autres que les spécialistes disent favorisants dont les différentes addictions (drogues, alcools…) viennent aggraver davantage la situation et avec elle le déficit en matière de soins et de prise en charge.
Les professionnels reconnaissent d'ailleurs que le Maroc reste « très en retard par rapport aux évolutions qu'a connues le domaine de la santé mentale au niveau international ». Une réalité qui se traduit sur le terrain par une capacité litière minimale : Seulement 0,78 lit pour chaque 10.000 habitants tandis que la moyenne mondiale est de 4,36. Autre indicateur clé, il n'y a au Maroc que 0,63 médecin pour chaque 10.000 habitants alors que la moyenne mondiale est de 3,96, apprend-t-on auprès de la direction de la santé mentale au Ministère de la santé. Conscient de la gravité de la situation, ce département a souligné, au lendemain de la publication du rapport du CNDH, que la santé mentale est un problème de santé publique. Pour y remédier, un plan stratégique 2012-2016 a été annoncé avec comme objectifs principaux : « la mise à niveau de l'existant, la création de nouvelles structures de soins, la prise en charge et la mise à disposition des ressources humaines formées et en nombre suffisant ». Ce plan prévoit également « le renforcement de la coordination à tous les niveaux d'intervention, la collaboration intersectorielle et un partenariat plus fructueux avec la société civile ».
Un beau discours qui contraste, d'une manière flagrante, avec la réalité sordide sévissant dans des centres hospitaliers devenus synonyme d'enfer pour leurs pensionnaires. L'exemple du fameux hôpital psychiatrique de Berrechid et du pavillon des femmes à l'hôpital de Tétouan sont éloquents. Ces structures et bien d'autres opèrent en l'absence d'un contrôle régulier pouvant garantir un minimum de qualité. Rappelons que la loi marocaine confère à la justice la responsabilité de contrôle et de veille sur le respect des droits humains des patients atteints de maladies psychiatriques. « Une mission mal accomplie par les services judiciaires », avaient prévenu les auteurs du rapport du CNDH. Et rien n'a été fait depuis ces révélations.
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Paru dans L'Observateur du Maroc n°206


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