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Hôpital de Berrechid
La cité abandonnée
Publié dans L'observateur du Maroc le 15 - 02 - 2010

Cous d’imprévisibles averses, l’entrée de l’hôpital neuropsychiatrique de Berrechid s’enroule dans une quiétude étrange. L’apaisement des lieux est accentué par les étendues vertes à perte de vue qui longent cette grande bâtisse de l’époque coloniale. Construit en 1919, l’hôpital revêt une conception asilaire carcérale, avant-gardiste à l’époque. Verdures abandonnées, arbres délaissés et poteaux d’électricité en berne, le cadre laisse présager de mauvaises surprises. Alors que les branches s’engagent dans une symphonie avec le vent et qu’aucune trace humaine ne dérange cette ambiance angoissante, le seuil de l’administration apparaît. Le sinistre silence continue d’envelopper les lieux… Longtemps réputé pour sa négligence sanitaire et ses malades maltraités, l’hôpital neuropsychiatrique de Berrechid n’arrive toujours pas à se départir de cette mauvaise image malgré d’excellentes équipes soignantes. La consultation, l’hospitalisation et même les médicaments sont gratuits. Entre l’activité hospitalière et ambulatoire, les médecins et infirmiers de la place ne font pas les choses à moitié. Chaque jour, une moyenne de 25 à 30 patients par médecin vient pour des consultations normales. Il s’agit de malades stabilisés qui consultent pour des contrôles continus ou encore d’autres orientés par différents médecins de la région. L’hôpital accueille toutes les pathologies psychiatriques : des troubles obsessionnels compulsifs à la dépression dans toutes ses formes en passant par l’anxiété chronique. Pour l’activité hospitalière, il s’agit des urgences où l’on admet les psychotiques présentant de la schizophrénie, des troubles maniaco-dépressifs ou des dépressions graves suicidaires. Ce sont souvent des rechutes dues à l’arrêt des traitements une fois le malade stabilisé. «Le patient est accablé par la pression de l’entourage qui lui lance des «Tu ne comptes pas arrêter ces médicaments de fous à lier ?». C’est une autre preuve de stigmatisation des maladies psychiques» explique Youssef Mohi, psychiatre et directeur de l’hôpital neuropsychiatrique de Berrechid.
Par ailleurs, la prise de toxiques et de drogues est la cause immédiate des troubles de la majorité de ceux qui se présentent. «C’est un phénomène qui prend de l’ampleur sans que la société ne s’en soucie assez» se désole Mohammed Baba Ali, responsable du pôle des soins infirmiers. Accompagnés de leurs familles ou emmenés dans des ambulances de la commune, des patients de différents âges et catégories sociales intègrent l’hôpital sans jamais reconnaître leur mal. «Il s’agit du défaut Inside, plus connu par le défaut de reconnaissance de la maladie» explique le directeur de l’hôpital. Alors qu’au Maroc, 300.000 personnes sont touchées par la schizophrénie, l’imaginaire de la société garde la même conception : être malade, c’est rester au lit. Opter pour la solitude, avoir des idées farfelues et être lunatique ne sont pas des symptômes cliniques pour la médecine classique. La famille a même l’impression que son proche joue un jeu et n’accepte jamais les pathologies du cerveau. «Si on vous dit que vous avez le diabète, vous allez en rigoler avec votre entourage. Par contre, si l’on vous dit que vous êtes dépressif ou maniaco-dépressif, vous n’allez pas le raconter au premier venu», signale Y. Mohi.
Médicaments : ruptures fatales
Les sons stridents des ambulances accompagnant des malades l’un après l’autre réveillent l’hôpital de sa léthargie habituelle. «Il y a du travail aujourd’hui» rigole le directeur. Les nouveaux arrivants se dirigent vers le pavillon de consultation. L’équipe des infirmiers et le psychiatre sur place les accueillent et entament sereinement leur travail. Près du pavillon de consultation se dresse la pharmacie de l’hôpital. Dès qu’on parle médicaments, le problème de l’approvisionnement surgit. Il s’agit d’un circuit de logistique qui bloque mais dont personne ne parle. La commande passe, mais sa date d’arrivée est inconnue. Selon Y. Mohi, il y a deux médicaments, notamment le Modecate et la Piportil qui sont en manque flagrant. Il s’agit de médicaments à action prolongée qui stabilisent l’état de plusieurs patients. Hormis l’injection une fois par mois, certains malades en prennent chaque jour. C’est ainsi que les rechutes sont collectionnées. «C’est une crise dont on ne considère pas l’ampleur. S’il s’agissait de l’insuline, on allait voir les gens dans la rue !» riposte le directeur de l’hôpital. Pire, après une rechute, la restabilisation ne sera jamais entièrement réussie… Selon une pharmacienne, la crise des médicaments pour les pathologies psychiatriques est due notamment à la stigmatisation des maladies cérébrales. Contrairement au diabète, à titre d’exemple, dont l’insuline ne fera jamais défaut, la maladie mentale est une maladie organique du cerveau qui est complexe dans sa conception. Sa pathologie l’est aussi et son traitement reste difficile…
Féminisation du personnel
«Bienvenue à l’hôpital. J’espère que vous vous y plairez mesdemoiselles». M. Baba Ali, responsable du pôle des soins infirmiers accueille deux nouvelles infirmières agrégées. Volonté à souhait et c?ur de pierre, les deux jeunes filles gonflées d’espoir se joignent au reste de l’équipe. «Pensez-vous que de jeunes filles de 30 kilos pourront maîtriser un malade boulimique (suite à certains médicaments) agité, qui pèse 120 kilos?» se demande Mohamed El Khadir, major du service d’admissions hommes. Il ajoute que quelquefois, le malade en crise a besoin de huit hommes «costauds» pour le calmer avant de lui faire l’injection. Une femme de ménage a même été poignardée par un malade après lui avoir arrangé le lit… Selon M. Baba Ali, sans parler du manque flagrant du personnel, particulièrement infirmier, la féminisation des ressources humaines gêne. Dans les différents centres de formation psychiatrique, la sélection se fait selon les notes attribuées. Et les filles dépassent largement les garçons et raflent les meilleures notes. Elles sont ainsi de plus en plus présentes dans les hôpitaux psychiatriques en dépit des postes budgétaires. «J’ai toujours dit puisque la sage-femme est une femme, l’infirmier psychiatrique doit être un homme. Elles ont choisi ce métier, qu’elles assument» signale Y. Mohi. Selon M. El Khadir, il s’agit d’un travail de groupe. Femmes comme hommes sont appelés à entretenir de bon rapports avec le malade, à suivre tout un processus pour lui donner à manger (les patients ont souvent l’hallucination que c’est empoisonné) et à distribuer les médicaments. Chaque nouveau patient qui arrive doit prendre une douche. Ses habits pullulant de poux sont immédiatement brûlés et le corps soignant se charge du rasage complet du corps. Bien que les structures ne répondent pas aux normes, l’équipe soignante se plie à quatre pour assister tous les malades. «Ce n’est pas pour un reportage qui fait un peu de bruit dans la société qu’il faut négliger le travail de toute l’équipe soignante» confie le directeur de l’hôpital. Et qu’en est-il pour les malades stabilisés dont les familles ne demandent plus de nouvelles ? «L’hôpital n’est pas un refuge social. On a le droit de les faire sortir après avoir appelé la famille. Parfois, on leur donne même l’argent du billet du car pour aller chez eux» répond le responsable du pôle des soins infirmiers.
Abou Jaâfar, le pavillon noir
«Docteur, laissez-moi sortir je vous en supplie. Je n’en peux plus… Je n’en peux plus !». Cheveux ébouriffés, visage accablé et démarche nonchalante, ce jeune patient d’une vingtaine d’années interné depuis trois ans se colle au bras de son médecin traitant et l’accable d’implorations d’une voie enrouillée pour retrouver sa liberté, loin des dortoirs froids de l’hôpital et des corps costauds des infirmiers. Son regard vide traduit une angoisse apparente. C’est le pavillon Abou Jaâfar. A une centaine de mètres de l’administration, ce pavillon est destiné aux patients qui ont commis des homicides. «Il s’agit souvent de crimes intrafamiliaux» souligne une infirmière du pavillon. Père égorgé, mère poignardée, s?ur étranglée… différents membres de la famille y passent sous la houlette du trouble mental. Noyée sous des flaques de pluie, une petite cour parsemée de bancs et d’arbustes fait office de jardin pour les résidents. Ces derniers, yeux écarquillés, relèvent une activité inhabituelle. «Qui êtes-vous ?» disaient leurs regards hagards. L’atmosphère se détend lorsque le major nous présente une dizaine de tableaux dessinés par des patients du pavillon. «L’auteur de cette toile est originaire d’El Jadida» devine le directeur de l’hôpital. «C’est que les patients dessinent souvent des monuments, des bâtisses et des ruelles de leur ville d’origine» argumente-t-il. A l’intérieur du pavillon, des têtes dépassent les portes surveillées des dortoirs. Par-ci, trois patients accomplissent la prière d’Al Assr. Par-là, deux autres jouent aux dames, le divertissement qui a le plus de succès. «On a le scrabble, le sudoku, les dames… Les patients choisissent leur jeu fétiche selon leur catégorie sociale et leur niveau intellectuel» explique l’infirmière. Les moins intéressés préfèrent rester muets et regarder la télévision… Destiné aux internements prolongés, le pavillon Abou Jaâfar accueille des patients plus fragilisés par la maladie. Dans une chambre de consultation se dresse un tableau où sont listés les noms des patients selon leur stabilité. Fiers comme des paons de leur «maison», les patients nous remercient pour la visite et laissent docilement le gardien fermer la porte du pavillon, sourires au coin des lèvres…
Subventions et bénévolats
«L’attribution du budget par l’Etat ne prend pas en considération la maladie psychique avec toutes les dépenses qui s’ensuivent» explique M. El Khadir. Certains patients déchirent jusqu’à cinq couvertures par jour, cassent les vitres et gâchent tout. La réparation est immédiate malgré les moyens modestes de l’hôpital. Autrefois, les malades s’adonnaient à des activités comme le jardinage, le dessin, le sport, la musique… A présent, l’hôpital sombre dans l’ennui et le corps soignant travaille avec les moyens du bord. «Le ministère de la Santé se charge des dépenses d’investissement et, grâce à une certaine autonomie financière, on couvre les dépenses d’exploitation» explique Youssef Sabi, administrateur économe de l’hôpital. Pourtant, en performances, la médecine psychiatrique est toujours classée dernière, puisqu’elle ne génère jamais de recettes. Quant au bénévolat, les volontaires se font rares. «A part une grande personnalité qui a fait une bonne donation (buanderie), l’hôpital reçoit des vêtements et du couscous» ajoute l’économe. Pas de recettes. C’est la raison pour laquelle des cliniques psychiatriques privées tardent à pointer le bout de leur nez. Pour qu’une clinique soit rentable, il faut des actes chirurgicaux. «Sauf si vous voulez comptabiliser la nuit en psychiatrie comme une nuit en réanimation. Là, vous êtes rentable», ironise le Y. Mohi.


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