Le derby politique entre Abdelilah Benkirane et Hamid Chabat ne laisse pas indifférents le secrétaire général de la Jeunesse istiqlalienne, ni celui de la jeunesse du PJD. Abdelkader El Kihel et Mostafa Baba commentent diversement les sorties des deux zaïm. Par : Mohammed Zainabi Le secrétaire général de la Jeunesse istiqlalienne défend mordicus le chef de son parti. Pour Abdelkader El Kihel, Hamid Chabat est dans son droit quand il s'attaque à Benkirane en sa qualité de chef du gouvernement. « Le travail d'éveil qu'entreprend Hamid Chabat envers le gouvernement figure dans le programme électoral pour lequel il a été élu secrétaire général au sein de notre parti. Il ne s'agit nullement d'un conflit personnel », rappelle-t-il. Et d'ajouter : « Ces sorties ne sont que l'expression du mécontentement général qui se fait sentir dans le pays au vu du manque d'efficacité et de célérité du gouvernement ». À l'opposé, le secrétaire général de la jeunesse du PJD estime que cela relève de l'incohérence politique que d'être le chef d'un parti qui se trouve être l'une des composantes essentielles de la majorité au pouvoir et de la critiquer. « Cela revient à mettre un pied dans le gouvernement et un autre dans l'opposition, ce qui n'existe nulle part dans le monde », ironise Mostafa Baba. Ce dernier va plus loin, estimant que Chabat est « hors sujet » dans chacune de ses sorties. Il en veut pour preuve le dépit exprimé à ce propos par le secrétaire général du PPS, Nabil Benabdallah, et également par le numéro deux du MP, Saïd Ameskane. Ces derniers se sont ouvertement plaints des critiques émanant non seulement des parlementaires istiqlaliens, mais aussi et surtout du chef de leur parti. Cela ne change rien aux avis d'Abdelkader El Kihel qui avance qu'il serait anormal de laisser Benkirane élaborer et appliquer des mesures unilatérales sans que personne ne réagisse, « surtout que l'opposition ne fait pas suffisamment entendre sa voix », glisse-t-il. D'ailleurs, selon lui, c'est parce que le chef du gouvernement s'est habitué à faire cavalier seul dans sa gestion des affaires, avant l'arrivée du nouveau secrétaire général de l'Istiqlal, qu'il est étonné des rappels à l'ordre répétitifs qui lui sont désormais adressés par Hamid Chabat. Comme pour enfoncer le clou, El Kihel dit regretter que face à l'hégémonie du PJD, les autres composantes de la majorité se trouvent marginalisées. « Ce n'est pas normal ! », crie-t-il de la même manière que le fait Chabat. Le secrétaire général de la jeunesse istiqlalienne croit connaître les vraies raisons de la colère du chef du gouvernement : « C'est parce que Chabat fait de l'ombre à Benkirane que ce dernier le prend mal, lui qui était habitué à être la vedette médiatique incontestée et l'orateur adulé. Il voit désormais qu'il a un concurrent de taille sur ces terrains-là et cela le dérange, voire l'énerve ». Chabat Vs Chabat ? Pour Baba, Chabat est en train de soliloquer. « Il ne fait que polémiquer avec lui-même puisque Benkirane ne lui répond même pas ». D'ailleurs, quand le secrétaire général de l'Istiqlal s'attaque même aux ministres istiqlaliens, il ne fait que se tirer une balle dans le pied. « N'y a-t-il pas une continuité dans le parti de l'Istiqlal puisqu'on dit que la démocratie prévaut désormais dans cette formation ? », se demande le jeune Pjdiste en s'étonnant de voir Chabat « essayer à tout prix de placer les siens ». Baba estime que selon la logique de Chabat, qui s'en est pris à Nizar Baraka, ou encore à El Ouafa, à chaque fois qu'il y aura changement de secrétaire général dans l'un ou dans l'autre parti de la majorité, le nouveau venu exigera alors de placer les siens dans l'équipe gouvernementale. « On croyait pourtant révolue l'ère des pharaons », s'écrie Mostafa Baba. Quid du remaniement ? Pour le secrétaire général de la jeunesse du PJD, quand Chabat réclame un remaniement, il est dans son plein droit. « Seulement, il doit le faire dans les règles et en respectant les institutions », rectifie-t-il. Baba exhorte Chabat de présenter une demande formelle et de provoquer des réunions officielles pour débattre de toutes ses doléances au sein de la majorité, puisqu'il y a des réunions prévues à cet effet. « La démarche prônée jusque-là par Chabat est inadmissible », regrette le Pjdiste. Et d'ajouter : « Le nouveau secrétaire général du parti de l'Istiqlal doit reconsidérer ses positions pour être en cohérence avec lui-même ». En clair, Baba demande à Chabat d'opter soit pour la majorité et d'y travailler sereinement et dans les règles, soit de bifurquer vers l'opposition et il aura tout le loisir d'attaquer qui il voudrait attaquer. Un esprit que refuse El Kihel qui estime que le PJD « cherche par tous les moyens à diriger une majorité apprivoisée ». L'istiqlalien rappelle que son parti ne souhaite en aucun cas l'échec du gouvernement actuel qu'il veut plutôt renforcer. El Kihel joint donc sa voix à celle de con chef pour réclamer l'efficience dans le travail gouvernemental qui ne pourrait, selon lui, être obtenue que sur la base d'un travail concerté et d'une démarche participative. Cet appel semble avoir été entendu puisque Benkirane lui-même ne demande pas mieux. Il vient de l'affirmer lors de son dernier passage au parlement. Peut-être que le PJD et l'Istiqlal parviendraient, dans leur la prochaine réunion de la majorité, à accorder leurs violons. En tout cas, il est clair aujourd'hui que Chabat et l'Istiqlal ne comptent pas changer de sitôt leur méthode. Le parti est d'ailleurs en passe d'élaborer une plate-forme politique à travers laquelle, il présentera sa vision globale du travail gouvernemental. Serait-ce la clé qui mettrait fin à la longue partie de ping-pong à laquelle se livrent Benkirane et Chabat, ou ce document ne ferait-il que compliquer les rapports des deux hommes ? L'avenir nous le dira.