Ignoré par les équipes de jeunes en France, le milieu du MHSC joue pour le Maroc. Quand on parle de quotas dans les pôles de formation, êtes-vous choqué ? Un peu oui, surtout quand on vient à parler de couleur de peau. Le charme du foot, c'est sa mixité. Et puis, on a assez de joueurs ici pour faire une bonne équipe de France. Je ne veux pas rentrer dans ces discussions. Moi, je fais mon boulot avec Montpellier. Le reste, c'est de la politique. Quand avez-vous pris la décision de jouer pour le Maroc ? Au départ, entre la France et le Maroc, c'était du 50-50. Le choix était difficile. Mais quand j'ai vu les réactions après le fiasco du Mondial, je me suis dit : “Heureusement qu'il n'y avait pas de Maghébrins dans cette équipe de France”. Le Maroc, c'est aussi le choix du cœur. Mes racines sont à Taza, entre Oujda, à la frontière algérienne, et Fez. J'ai encore une grand-mère qui vit là-bas, des oncles et des tantes. Avez-vous discuté de ce choix avec Karim Aït-Fana et Abde El Kaoutari qui ont eux aussi opté pour le Maroc ? Surtout avec Abde. Pour Karim, la situation était différente, il était régulièrement sélectionné en équipe de France Espoirs. Vous auriez pu être appelé vous aussi chez les Espoirs... Avec la France, je suis passé au travers de toutes les sélections chez les jeunes. Quant aux Espoirs, malgré une première saison en L1, je n'ai été appelé que pour jouer le tournoi de Toulon, avec l'équipe bis. Erick Mombaerts ne m'a jamais donné d'explications. J'ai vite compris. Et puis, j'ai regardé la sélection pour le Mondial. Il n'y avait pas Nasri ni Ben Arfa ni Benzema. Du coup, je n'ai regardé aucun match des Bleus. J'étais dégoûté. Aviez-vous discuté avec Eric Gerets, le sélectionneur, avant de choisir l'équipe du Maroc ? J'ai fait mon choix en septembre ou octobre. À ce moment-là, Eric Gerets n'était pas encore responsable de la sélection marocaine. J'ai commencé à discuter avec des dirigeants de la Fédération marocaine qui sont venus me voir à Montpellier. Ils m'ont présenté un projet sportif ambitieux et sérieux. Après, c'est le cœur qui parle. Un choix personnel. J'en ai discuté avec mes parents et ils sont fiers de ce choix. L'avez-vous évoqué avec René Girard et le staff du MHSC ? Non, parce que c'est une démarche personnelle. Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'un transfert pour un autre club. La sélection, ce n'est pas un choix de carrière. Et quand on vous dit que vous auriez pu jouer, un jour, en équipe de France... Je ne me pose pas la question. J'ai toujours eu une carrière atypique. À Montpellier, j'ai réellement explosé sur le tard, avec l'équipe de CFA et en gagnant la Coupe Gambardella... Combien de sélections comptez-vous avec le Maroc ? J'ai été appelé pour deux matches amicaux, contre l'Irlande et le Niger, et pour un match de qualification de la Coupe d'Afrique des Nations face à l'Algérie. Le prochain rendez-vous, c'est encore la CAN, avec le match retour contre l'Algérie, chez nous, à Marrakech. Quels sont vos objectifs avec la sélection marocaine ? C'est d'abord une qualification pour la Coupe d'Afrique. Le Maroc n'a plus connu ça depuis 2004. Mais ce n'est pas gagné car nous sommes dans un groupe difficile avec le derby contre l'Algérie, des adversaires coriaces, le Centrafrique et la Tanzanie. Pour se qualifier, il faut finir premier. Sinon, il faut terminer meilleur deuxième de toutes les poules. Au-delà de cette CAN, je pense forcément au Mondial. J'en ai parlé avec Ryad Boudebouz, le Sochalien, qui a connu ça avec l'Algérie. Il a joué contre l'Angleterre. Ça fait rêver. Et avec Montpellier ? On lutte pour la 6e place et une qualification en Europa League. C'est le gros challenge de la fin de saison. Je me sens bien dans cette équipe et j'ai le sentiment d'avoir progressé par rapport à la saison passée. Je m'enflamme moins. J'arrive à enchaîner les rencontres, même si j'ai souffert contre Brest, dimanche. C'était le troisième match en huit jours. J'étais cuit. Je l'ai senti dès l'échauffement. C'est pour ça que je rate un but. Je fais un crochet, mais je n'ai pas la force de tirer. J'essaie une frappe enroulée, c'est la facilité. Votre avenir est-il encore à Montpellier ? Oui. J'ai encore des choses à prouver ici. J'ai toujours en travers de la gorge la défaite contre l'OM en finale, même s'ils n'ont pas volé leur succès. Je rêve de gagner une Coupe avec ce club. Je me dis que j'ai de la chance de vivre dans une ville, de jouer dans un club, qui n'ont pas de souci avec la mixité. Quand on parle de quotas ici, c'est pour chambrer. On branche Geoffrey Dernis. On lui dit qu'il aura sa première sélection quand il n'y aura plus de Noirs et d'Arabes chez les Bleus (rires)...