Après son «chat» hébdomadaire avec de jeunes internautes sur sa page Facebook, le ministre de la jeunesse et des sports, Moncef Belkhayat, a accordé une interview au Figaro dans laquelle l'homme fort du sport national annoncera le désir du Maroc d'organiser la coupe du monde 2026. Le ministre a également fait le point sur les grandes lignes du projet de professionnalisation du football marocain. Lefigaro.fr - Où en est la professionnalisation du football africain ? Moncef Belkhayat - Il est clair aujourd'hui que l'Afrique est en retard. Le seul pays professionnel sur ce continent c'est l'Afrique du Sud, dernier pays organisateur de la Coupe du monde en 2010. En plus du Maroc, l'Algérie, l'Egypte et la Tunisie sont proches d'y arriver. Pour cela il faut une grande dynamique et une grande volonté politique. Cette volonté politique existe-t-elle au Maroc ? Oui et nous disposons désormais d'un arsenal juridique pour créer ce que j'appelle une économie du sport. Avec la Fédération royale marocaine de football, nous avons préparé un texte de loi avec des décrets qui seront appliqués le 30 septembre prochain. La Fédération a en sa possession un cahier des charges qu'elle transmettra à tous les clubs de football de première division. Nous allons ensuite sensibiliser les clubs à ce projet et leur faire prendre conscience qu'ils ont jusqu'au mois de juin pour le signer. Seront considérés comme professionnels les clubs qui disposeront d'un stade d'au moins 15.000 places, d'un budget d'au moins 1 million d'euros, d'une école de formation et de soutiens financiers des collectivités locales et des investisseurs privés. Ceux qui ne respecteront pas ces critères seront rétrogradés en deuxième division. L'objectif est que le Maroc ait son championnat professionnel en septembre prochain pour la saison 2011-2012. Quelles sont les grandes lignes de cette professionnalisation ? Le ministère a lancé de nombreux projets de grands stades. Nous avons inauguré en janvier dernier celui de Marrakech qui peut accueillir 45.000 spectateurs et qui a coûté environ 90 millions d'euros. Les stades de Tanger et d'Agadir devraient être livrés respectivement à la fin du mois et en décembre prochain pour des capacités d'accueil de 45.000 places et des coûts d'investissement d'un peu plus de 85 millions d'euros chacun. Enfin, l'enceinte de Casablanca devrait sortir de terre en mai prochain et disposer de 80.000 places. Son coût est d'environ 200 millions d'euros. Nous sommes en train de lancer une deuxième vague de stades de 10.000 à 25.000 places dans des plus petites villes comme Kenitra, Khouribga, Tetouan... Mais il ne faut pas oublier la formation. Le texte de loi prévoit ainsi de rendre obligatoire le sport à l'école. Nous disposons pour le moment de 29 centres sociaux et sportifs de proximité, 150 sont en construction et nous avons signé avec les collectivités locales pour en avoir 300 nouveaux. L'objectif est d'en avoir 1000 d'ici 2016 financés à 50% par l'Etat et 50% par les collectivités locales. Nous allons enfin signer une convention avec l'Union privée de Marrakech pour créer prochainement une faculté des sports à Marrakech. Comment rentabiliserez-vous les stades construits au Maroc ? Les stades construits au Maroc ne sont pas des stades exclusivement dédiés au football. Ils ont tous une piste d'athlétisme et peuvent donc accueillir des manifestations et des meetings internationaux dans cette discipline. Ils sont également dotés d'un certain nombre de salles et d'espaces couverts pour pouvoir abriter des congrès et des séminaires. En plus des matchs de football, nous envisageons d'organiser un événement culturel par mois. Enfin, nous allons mettre en place des programmes annuels de sponsoring pour chacun de nos stades. Ainsi, pour le stade de Marrakech, les sponsors pourront donner leur nom à l'une des tours disposées autour de l'enceinte pour 20.000 euros l'année, acheter des loges VIP pour 40.000 euros l'année ou être visible en panneau moyennant 5000 à 10.000 euros par match. La présence de l'Etat dans le football marocain n'est-il pas un frein à son développement ? En effet et c'est pourquoi la loi que nous allons mettre en place prévoit que les clubs deviennent des sociétés sportives détenues dans un premier temps à un maximum de 70% par les investisseurs privés et donc à au moins 30% par l'Etat via les associations. Mais, une fois que les clubs seront suffisamment bien structurés c'est-à-dire d'ici la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) 2015 que le Maroc organise - l'Etat devra se désengager progressivement pour leur permettre de devenir autonomes et ainsi financer leur développement sur les marchés financiers ou grâce à l'apport d'investisseurs privés. Pour que les clubs acquièrent cette maturité, nous devons mettre en place en plus du cadre juridique incitatif que j'ai évoqué un cadre fiscal approprié. Autrement dit, alléger leurs impôts, exonérer de TVA leurs matériels sportifs, leur donner accès à des prix avantageux à des terrains de l'Etat etc... Et pourtant aucune banque ou assureur n'investissent dans le football marocain. Comment les convaincre ? Les banques souhaitent avant tout que nous leur apportions une certaine visibilité sur le retour de leurs investissements. Ce sont des acteurs avec une culture d'entreprise forte. Nous devons être le plus transparent et le plus professionnel possible avec eux. Mais c'est dès maintenant qu'institutions sportives, annonceurs et média doivent se mettre autour de la table pour faire en sorte que le football marocain devienne une plateforme d'exposition unique. Pour cela, nous nous inspirons beaucoup des modèles européens et américains. Aujourd'hui les clubs de football sont des associations dont les statuts n'imposent pas comme aux sociétés la tenue de bilan, de compte de résultats, d'audit, de certification des comptes. En amorçant la transformation des ces associations sportives en sociétés commerciales, cela leur permettra de présenter aux banques un véritable bilan et donc de pouvoir lever auprès d'elles de la dette. Justement, beaucoup vous reprochent avec cette loi de ne pas prendre en compte les spécificités du Maroc et de vous inspirer du modèle français. Quelle est votre réponse ? Les lois marocaines sont inspirées historiquement de la France. J'ai fait mes études dans des pays anglo-saxons et je connais la qualité des autres modèles européens et notamment celui de l'Allemagne dont les ressources sont très diversifiées. Maintenant, je constate que plus on avance vers la professionnalisation et la transparence et plus il y a de personnes qui se sentent lésées. Mais surtout plus grandes seront nos chances d'avoir des clubs encore plus puissants, capables de tirer vers le haut tout le football marocain. Les revenus générés par les clubs de football marocains sont-ils diversifiés ? Le sponsoring et les droits télévisés représentent 60% des revenus du football marocain. Avec la professionnalisation du football, nous avons aussi institué des droits TV d'exclusivité avec la Société Nationale de Radio télévision pour un montant de 60 millions d'euros. Quant au budget sponsoring moyen du football marocain, il représente 10 millions d'euros. Par ailleurs, nous disposons d'un fond de développement du sport, qui permet de venir en aide à différentes disciplines sportives. Ce fonds est alimenté par la société marocaine des jeux et des sports (MJDS), organisme qui dépend de notre ministère chargé des paris sportifs. Avec la nouvelle structuration de cette entité, les revenus augmentent d'une façon régulière, et donc cela nous permet de développer différentes disciplines. Le Maroc organise la Coupe d'Afrique des Nations en 2015. L'objectif est-il désormais d'organiser une coupe du monde ? La CAN 2015 sera un premier révélateur de notre capacité à recevoir un grand événement. Ensuite, nous pourrons sereinement envisager de nous porter candidat pour l'organisation de la Coupe du monde 2026. Mais notre objectif ne doit pas d'être uniquement candidat, mais de l'organiser. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on pourra dire que le football marocain s'est professionnalisé. L'Afrique du Sud l'a fait. Pourquoi pas le Maroc ?